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La Tribu Dhôtel

4 octobre 2017

Le GRAND PAYS d'André Dhôtel : ce Vallon Ignoré aux cent oeuvres-merveilles

 

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En passant par son Pays où l'on n'arrive jamais (1955), et depuis son Campements (1930) jusqu'à Lorsque tu reviendras (1986), pas moins de 42 romans et plusieurs recueils de nouvelles et "fragments" (dont sa Chronique, sa Nouvelle Chronique & sa Rhétorique, toutes également "fabuleuses"), ses trois essais autour de l'oeuvre et le vie d'Arthur Rimbaud, sa dizaine de contes pour la jeunesse, ses pièces de théâtre, ses récits de voyage et quelques recueils de poèmes... C'est que cela fourmille sans cesse de nouvelles étoiles, dans la galaxie dhôtelienne ! Cette liste CHRONOLOGIQUE & bien sûr "EVOLUTIVE", reprend l'essentiel des pages 11 à 95 de la BIBLIOGRAPHIE d'ANDRE DHOTEL (Cahier André Dhôtel n°7) publiée en 2010 par La Route Inconnue, "Association des Amis d'André Dhôtel". La thématique ou le contenu de chaque ouvrage figure à l'intérieur de chacun des "pavés" de "Notre" liste - ainsi que la (fort précieuse) mention de la dernière édition ou réédition disponible +++. " Petit homme fluet, calme et clairvoyant, qui se qualifie avec humour de "cancre" (il a fait l'école buissonnière) et de "fainéant" (il écrit ses romans le matin, assis dans son lit), André Dhôtel (1900-1991) ne veut cependant pas être "classé" dans un genre littéraire et souhaite demeurer inclassable. Quatre récompenses littéraires couronnent son oeuvre :   le prix Sainte-Beuve en 1948 pour son roman David  le prix Fémina en 1955 pour son roman Le Pays où l'on n'arrive jamais  le Grand prix de littérature de l'Académie française en 1974 pour Le Couvent des pinsons  le Prix national des Lettres en 1975 pour l'ensemble de son oeuvre. " [extrait d'une notice de la Bibliothèque Universitaire d'Angers]. Une vie, donc - avec son exigence de pure invention en Poétique romanesque  plus qu'à ras bord emplie (Ardennes, 1900-1991)...
" Méfiez-vous de Dhôtel, aimait à dire Henri Thomas, méfiez-vous de sa redoutable simplicité. " Est-ce à force de se méfier qu'on l'a oublié ? Jean Paulhan, qui fût son éditeur, assurait que la postérité, malgré ses célèbres caprices, rangerait un jour les livres de Dhôtel au seul rang qu'ils méritaient : le premier."
[Court texte lumineux... souvent repris en antienne-fétiche sur les pages IV de couverture des rééditions récentes chez Phébus]
Dhôteliens de toujours, comme Dhôteliens nouveaux : ... à vos Rêves, prêts, partez !!! 

 


 

   

[1928]

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Le petit livre clair

1928, éditions Le rouge et le noir, 160 pages ;

rééd. aux Éditions Deyrolle & Théodore Balmoral (diffusion Verdier), Préface de Thierry Bouchard, 1997, 88 pages.

rééd. au Cercle du Bibliophile Ardennais (Charleville-Mézières), préface de Franz Bartelt, illustrations de Jean-Louis Henriot, hors-texte en noir et blanc (dessins à la plume), 160 pages

[RECIT POETIQUE]

*

[EXTRAITS]

 « Je me souviens que dans mon enfance il y avait près de chez mes parents un café, un immense café dont la salle eût pu contenir cinq cents personnes.
    Le cafetier Balmoral, ses quatre enfants et sa seconde femme s’y déplaçaient tout le jour comme dans un désert où j’allais quelquefois visiter Marguerite, la plus jeune des filles.
    La singularité de ce café, c’est que, pour si grand qu’il était, il n’avait qu’un seul client que Balmoral allait prendre à domicile matin et soir à l’heure de l’apéritif et ramenait chez lui après. »

*

[TEXTES CRITIQUES]

     

 


[1930]

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Campements

1930, éditions Gallimard (Paris), coll. "Jeunes", 224 pages

réédition : éd. Gallimard (Paris), coll. "Blanche", 224 pages 

[1er ROMAN]

*

[EXTRAITS] :

" L'automne vint. Les feuilles descendirent vers la terre. Elles se posèrent sur les chevelures des femmes qui bavardaient sous les marronniers. Celles des faîtes s'en allaient loin dans les prés, jusque sur les fronts des bœufs.
   Puis ce fut l'hiver. Il y eut de belles nuits de gelée. Jacques oublia Jeanne sans doute, puisque tout s'oublie.

   Vers l'est, d'où montent les étoiles, les collines sont agenouillées. "

*

" Le champ s'arrêtait de frémir, quand un orage venait, accueillant les bruits humains, la cloche et l'enclume, les pas sur la route.
   Est-il possible que la vie soit ainsi ? Jacques et Jeanne travaillaient au jardin et leur tristesse était grande.
  Autour de la rivière des marais s'étendent, dans lesquels ont voit une barque noyée dont la proue est au-dessus de l'eau. Les mouches à tête rouge viennent s'y poser. Un oiseau de proie a traversé, volant bas, près de son image reflétée dans l'eau, et vers les troncs échoués, des rats se sont élancés à la nage.
   Entre la rivière et le village, des peupliers sont dressés. Lorsque l'orage approche, arrêtant le vent, l'essaim de leurs feuilles qui est le plus élevé résonne, car il perçoit encore une brise.
   Les nuages se croisent. Le ciel de l'été devient plus grand. 
   Quelle détresse ou quelle joie familière ce peut être de regarder cette vieille femme chargée de sa hotte et qui rentre au village par un chemin. 
   Puis nous nous souviendrons aussi de ce chien abandonné que nous avons vu boire dans l'ornière, après la pluie, et dont un rayon de soleil oblique éclairait les yeux. "

*

[TEXTES CRITIQUES] :

 " Lisez ce livre qui parle intensément de l'attention tendre aux êtres et aux petites choses, de la paix que l'on sait advenir au beau milieu des peines, de ce qui est accepté sans se laisser mordre par le doute. La Vie elle-même est Campements, départ brusqué et en cachette des lieux que l'on croyait acquis, ombres qui déplacent les limites entre le rêve et la réalité, lumière si belle de la nuit que les poitrines s'en rehaussent. Et c'est un conte en vérité que nous lisons là. Point de péripéties extraordinaires. Non, le récit d'une vie simple rythmée par la lumière changeante des saisons, par les semailles et les labours, les tâches qui raidissent les doigts et crèvent le coeur de peine. Chacun des personnages de ce roman est habité par un espoir enfantin que son rêve va se réaliser. Et comment en serait-il autrement dans un monde où la seule description d'asphodèles crûes au pays lointain est comme un miracle offert dont il faut se saisir ? La véritable aventure est intérieure. "

[wellibus2, site communautaire de lecteurs Babelio, 2015]

*

" Courte critique pour ce premier roman d'André Dhôtel (écrit entre Athènes et Béthune, 1928).

Un roman consacré à l'amour, présent dans les gestes, dans les paroles retenues, dans les absences et dédié à la recherche du bonheur, celui de la plénitude, de l'accord avec l'autre, avec le monde tout autour, à travers les instants où il se perd, se rompt, se retrouve.

Après Campements, André Dhôtel n'osera plus écrire ainsi ; par la suite il redéfinira la dose de poésie que le lecteur peut tolérer dans un roman, tout en conservant ce style particulier et cette manière de raconter des histoires qui se perdent sans cesse dans l'ambiguïté de la vie et de ceux qui l'habitent.

Les premières pages sont une magnifique ode à l'aimée, à son attente. Pages qui pourtant n'empruntent leurs mots et leurs évocations qu'à la vie la plus simple et dont la poésie est ainsi mêlée au réel le plus sincère et le plus vrai.

Un roman que je peux ouvrir au hasard (et je ne m'en prive pas) avec la certitude d'être touché, emporté.

Précision : André Dhôtel n'a pas beaucoup de lecteurs. Mais ceux là ont tous lu de lui et se sentent souvent comme des personnages de ses romans. Et bien sur, ils ont un parti pris et on ne peut guère leur faire confiance (sourire)². "

[Aunryz, site communautaire de lecteurs Babelio, 26 mai 2015]


[1933]

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 L'oeuvre logique de Rimbaud

1933, éditions de la société des écrivains ardennais (Mézières), collection "Les cahiers ardennais", n°7, 148 pages

[ESSAI]

*

[EXTRAITS] :

*

[TEXTES CRITIQUES] :


[1943]

Le village pathétique-001  Le village pathétique

   

Le Village pathétique

1943, éditions Gallimard (Paris), collection Blanche, 296 pages ;

réédition : Gallimard, collection "folio", 1974, 320 pages  (6,40 €)

[2ème ROMAN]

Odile avait dix-neuf ans et Julien vingt-cinq. Ils comptaient seulement quelques mois de mariage et, comme d'incessantes querelles les divisaient, ils avaient convenu qu'au retour de ce voyage ils feraient les démarches nécessaires pour le divorce. Le mois de juin s'était annoncé par de belles journées coupées de quelques pluies. Ils partirent d'Aulnay à la fin du mois, un samedi, vers trois heures, et couchèrent dans une auberge de Meaux...

   

*

[EXTRAITS] :

*

[TEXTES CRITIQUES] :

Le village pathétique est l’histoire de la difficile et houleuse acclimatation de deux jeunes gens dans une bourgade ardennaise. Odile et Julien Bouleurs sont de jeunes mariés qui, après quelques mois de vie commune, décident de divorcer sitôt finies leurs vacances d’été.  Sur le chemin du retour, les jeunes parisiens s’arrêtent à Vaucelles, un village établi à proximité d'une zone marécageuse dans lequel ils décident de s'installer quelques temps. Après un accueil favorable, les relations entre Odile et Julien qui vivent désormais séparément et les habitants de la petite commune vont tourner à l'aigre.

Il ne s’agit pourtant pas d’une confrontation entre citadins et villageois pas plus d’ailleurs que d’une querelle entre anciens et modernes même s’il y a un peu de cela dans l’aspiration de la jeunesse du village à s’émanciper et faire entrer Vaucelles dans une nouvelle ère. Le clivage se situe ailleurs, dans les caractères des nouveaux venus et plus particulièrement dans celui de la jeune citadine. C’est d’ailleurs à ses pas que le récit s’attache tout d’abord.

Odile est une jeune femme de caractère. Décidée, volontaire, elle sait ce qu'elle veut. Qu'importe ce que l'on pense d'elle, qu'importent les conventions, elle va son chemin et on ne peut s’empêcher d’admirer son esprit d'entreprise et son courage. Aussi sommes-nous portés à prendre sa défense lorsqu'elle se trouve confrontée à la vindicte des villageois qui, de médisance en ragots, aboutira à une forme de lynchage. Julien, lui, arrondit les angles. Il accepte les invitations et les conseils même si cela lui pèse ou contrarie ses projets. Il se laisse vivre, ne s'occupant que de réparer quelques vélos, mais sait se faire accepter, allant vers les autres et essayant de les comprendre. C'est en observant sa façon de faire que l'on saisit ce qui, chez Odile, suscite opposition et réprobation.

Odile est trop entière, trop intransigeante, trop sûre d’elle-même. Elle n’écoute pas les autres et n’admet aucune contrainte. Bien entendu, elle a le droit le plus strict de se comporter comme elle l'entend. Mais, sauf à vivre en ermite, il faut savoir tenir compte de l’opinion et des sentiments de ceux qui nous entourent.  Les relations humaines ne sont pas une mécanique qui répond à la seule raison et c’est sans doute l’erreur fondamentale d’Odile que de vouloir forcer les choses et les gens à s’adapter à elle et reconnaitre la valeur de ses projets. Il y a un temps pour tout et pour chacun. Il faut l’admettre, comme il faut admettre que la nature continue d’aller son rythme ainsi que le montrera cette fin d’été avec ses bourrasques, ses incendies et ce marais où faune et flore continuent de prospérer, indifférents aux querelles des hommes.

[rédacteur : Lekarr76, blog SF EMOI. Lien : http://sfemoi.canalblog.com/archives/2021/04/11/38913917.html, texte publié le 11 avril 2021]


[1943]

Nulle part 2

Nulle part

1943, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 242 pages ;

réédition : éd. Horay (Paris), 2005, 312 pages (prix de vente public : 15 €)

[3ème ROMAN]

 Entre Le Pays où l'on n'arrive jamais (Prix Femina 1955), et l'oeuvre entière d'André Dhôtel, Nulle part est comme le maillon indispensable. Les enfants du rêve sont devenus des adolescents qui s'aiment malgré les complications d'une vie apparemment hostile, mais secrètement complice. Ce pur drame d'amour où se rencontrent, se perdent et se retrouvent la blonde et un peu maigre Jeanne, Armande si sûre de l'avenir et Jacques, garçon sans histoire soudain bouleversé par une étrange passion, par l'éclat d'un simple regard dans un miroir, se lit avec une curieuse émotion, rarement atteinte. C'est dans cette émotion qu'est le secret de Dhôtel. Nulle part n'est pas comme Le Pays où l'on n'arrive jamais, une histoire de rêve, ou un conte fantastique. Les héros ont à leur manière les pieds sur terre, leur aventure est une histoire de tous les jours. Ils captivent le lecteur qui retrouve en eux le souvenir bouleversant de sa première belle histoire d'amour. Nulle part est – avec Le Pays où l'on n'arrive jamais – le plus beau roman d'André Dhôtel.

*

[EXTRAITS] :

" Des silences passaient dans ces bois, comme s'ils creusaient des avenues supplémentaires. [...]

  Un chevreuil sauta par-dessus un hallier, et présenta son poitrail et sa tête attentive. En une seconde il disparut. Jacques n'assista pas à cet événement, car il creusait avec un bâtonnet des dessins dans le sable du sentier. Armande ne tarda pas à le rejoindre :
   – Qu'est-ce que tu fais ?
   – Je pense à toi. "

[Nulle Part, 1943, rééd. Horay, 2005 - chapitre VI, page 91] 

*

[TEXTES CRITIQUES] :

" Nulle part est une curieuse expérience lectorale aux sources de l'art discret, secret et inimitable d'André Dhôtel : roman "réaliste" si l'on veut... On y retrouve l'ambiance clair-obscur du grand Georges Simenon, de La maison du canal (l'hiver en Flandres) en passant par Pedigree(une enfance à Liège), ou Il pleut Bergère (la pluie hivernale sur un petit bourg normand), ou encore Le Bourgmestre de Furnes (existentialisme d'un être humain supposé "ordinaire" glissant comme une ombre sous un Beffroi du pays flamand...). En bref ? Jacques Brostier est un type de 20 ans "qui se cherche" en se tenant - bien raide et convenable - derrière le comptoir de l'hôtel-bar de sa tante Irène (une vieille fille) à Béthune... Il ne s'y ennuie même pas, c'est ça le pire ! Il se plaît à vivre de routines... Armande Coeuret voudrait bien lui mettre le grappin dessus... Mais voilà que Jacques rencontre le regard d'une fille blonde et maigre dans le vieux miroir d'une brocante de la place du marché : elle s'appelle Jeanne ; ils se donnent rendez-vous auprès du canal le soir, ils s'embrassent, ils ne savent à peu près rien l'un de l'autre sauf ce goût du baiser dans la nuit. Armande invite Jacques à la propriété de son père (nouveau riche) dans le Charollais, espérant hâter les fiançailles... On sait que "l'anecdote" (ce que le livre "raconte") n'est pas forcément le plus important dans la prose dhôtélienne puisque le style y flamboie au hasard des pages, retour de flammes toujours inattendu, jamais identique, tel ces braises aux ondes chatoyantes... L'anecdote voudra que Jacques fricotte avec la petite pègre du pays béthunois (c'est juste en-dessous de Lille), ces ados débrouillards des bas-fonds (surnommés "Les Sauvages" et auxquels appartient corps et âme la douce Jeanne) qui n'hésiteront pas à s'enrôler dans la petite contrebande franco-belge du rival Hermin, monde impitoyable mais fraternel (les rites initiatiques des pré-ados Nicolas et Edmée annonçant d'ailleurs ceux de Gaspard et Hélène, les jeunes héros de Le pays où l'on n'arrive jamais), milieu prolétarien dont les valeurs sont évidemment à l'exact opposé de celles de la petite bourgeoisie simenonienne, rangée, "sécure" mais hyperconformiste symbolisée par ces attachants "Coeuret" – clan familial au sein duquel Jacques paraît avoir son avenir tout assuré, à condition bien entendu d'en passer par le fameux -- et assez ordinaire - pacte matrimonial... Comme L'Iliade était la conséquence de la colère d'Achille, Nulle Part est le fruit (passionnant) des hésitations de Jacques Brostier, "l'ordinaire" fait homme...
Nulle Part, c'est donc Béthune, mais c'est aussi n'importe où : c'est ici et maintenant, par exemple. "D'où venons-nous, que sommes-nous, où allons-nous ?", comme titrait le petit père Gauguin, pour son fameux triptyque marquisien...
Une fois de plus, le style Dhôtel se "mérite" : tel ces rêves incroyables naissant  à l'opposé apparent du rhume ou de la pneumonie d'une longue promenade sous la pluie, avec un reflet de cheveux blonds quelque part, peut-être justement dans le miroir d'une flaque enjambée sous un ciel d'ardoise ; le style Dhôtel est immortel... 
Evidemment, pareils joyaux brasillants, que l'on pourra juger bien solitairement "merveilleux", nous semblent aujourd'hui "condamnés" (sans doute par notre inattention collective) à être directement remisés dans l'immense Merveilleux Magasin des Oeuvres Oubliées... Oubliées, oui... car le risque est grand de devenir tous – et vouloir rester ensuite – entre vieux copains (d'ailleurs un peu jaloux) de l'oeuvre de Dhôtel" et continuer à sentir en notre "entre soi" collectif la délicate odeur de la poussière surannée déposée sur des ouvrages gallimardiens jaunis et trop rarement réédités... "

[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 2017]


 [1945]

Les rues dans l'aurore ou Les aventures de Georges Leban

   

Les rues dans l'aurore, ou les aventures de Georges Leban

1945, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 352 pages

[4ème ROMAN]

*

[UNE CONVERSATION AVEC L'AUTEUR] :

[Patrick Reumaux :] Et pourquoi est-ce que vous avez fait le portrait d'un menteur dans Les Rues dans l'aurore ? 

[André Dhôtel :] Mais je n'ai pas fait le portrait d'un menteur ! J'ai fait parler un enfant, et puis il se trouve qu'il a envie de mentir, je l'ai laissé mentir. 

[Patrick Reumaux :]  Oui, il semble même que vous l'ayez laissé mentir jusqu'au bout.

[Germaine Beaumont :]  Je crains qu'il l'ait légèrement encouragé. 

[André Dhôtel :] C'est passionnant de mentir. J'avais une de mes élèves qui me disait toujours : « Oh ! ce que j'aime mentir ! ». 

[Germaine Beaumont :] Je ne sais pas s'il faut tellement encourager le mensonge et je ne le ferai vraiment pas pour vos personnages, André, parce que ce sont des gens, je l'ai remarqué, dont aucun n'aime beaucoup se fatiguer.

(extrait d'un entretien radiophonique de 1975, publiée sur le site de La Route Inconnue, Association des Amis d'André Dhôtel).

 

 

 

*

[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1947]

David

David

1947, éditions Par le don de Flor (édition privée), 172 pages ;

1948, Les éditions de Minuit (Paris), 256 pages ;

réédité aux éditions Marabout (Verviers), 1979, 160 pages ;

"projet de réédition" aux éd. Horay (Paris) ...

[5ème ROMAN]

David est un gosse de l'Assistance qu'a recueilli la mère Filasse du village de Bermont : "Je me rappelle son front carré, ses cheveux courts. Il avait une certaine raideur dans tous ses gestes, et cela donnait à tous ses gestes cette grâce imparfaite qui se dégage des sculptures archaïques. Dans les jeux, ses muscles se détendaient avec une extraordinaire rapidité.". David d'André DHÔTEL - surnommé depuis "Le roman de l'indifférence" (Maurice Nadeau, David ou le roman de l'indifférence", article paru dans "Combat", 27 janvier 1949) - fut écrit dans les années trente. Une oeuvre à laquelle manifestement son auteur (1900-1991) tenait beaucoup. Ce dense roman (ou "récit" ?) sera refusé avant-guerre par Gallimard ; il finira par être publié - quatrième roman de l'auteur depuis la Libération - aux éditions de Minuit en 1948. Il sera couronné par le Prix Sainte-Beuve.

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] : 


 

   

[1947]

Ce jour-là

Ce jour-là

1947, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 168 pages ;

réédité aux éditions Phébus (Paris), collection "libretto", 2003, 160 pages

[6ème ROMAN]

Au hameau de Champreux on regarde d'un drôle d'air tous ceux qui par leur allure ou leurs propos refusent de se fondre dans l'aimable grisaille ambiante. Surtout qu'en ces temps bizarres – on est sous l'Occupation – chacun s'ingénie à mener ses petits trafics avec une discrétion redoublée. Dans ce décor d'une désespérante banalité, Fabien et Frédéric, élévés comme deux frères, vont s'affronter, parvenus à cet âge qu'on dit adulte, pour l'amour d'une fille sauvage qui fait tourner toutes les têtes – et dont il se murmure qu'elle pourrait bien être la soeur de l'un d'eux... Le plus bref des grands romans de Dhôtel – non le moins fascinant.

*

[EXTRAITS] :

" Les seuls moments dignes d'être vécus lui semblaient ceux qu'il passait au bord de la rivière (les journées du dimanche et une heure de temps en temps quelque soir de la semaine). Dès qu'il se trouvait au milieu des herbes, devant l'eau, il se sentait aussi peu important qu'un moustique, et toute chose (y compris sa propre mort) lui paraissaient nécessairement paisibles et intéressantes. "

[Ce jour-là, 1947 - cité par Erik75, site communautaire Babelio]

*

" Il regardait d'un air rêveur tantôt le revolver, tantôt le visage de Fabien. Jamais il n'avait songé que l'herbe et les arbres autour de la maison pouvaient exprimer d'un moment à l'autre tant de désespoir. "

[Ce jour-là, 1947 - cité par mireille.lefustec, site communautaire Babelio]

*

[TEXTES CRITIQUES] :

" GERMAINE ENQUÊTE !

Comment rêver encore
du trésor des ruisseaux
des diamants et des sourires
Promis à l'aventure ?

S'interroge le poète André Dhôtel dans son très beau texte intitulé Orage (II), lui même tiré de ce petit bijou de poésie qu'est le recueil "Poèmes comme ça", paru aux éditions le temps qu'il fait au tournant de ce siècle d'avec le précédent. 
Cette question que le poète se pose, c'est chez le Dhôtel écrivain qu'il s'agit d'aller y trouver réponse car, quant aux ruisseaux et aux sourires, à l'aventure et aux diamants, il n'est guère besoin d'aller chercher ailleurs que dans cette belle et si discrète (trop discrète ?) oeuvre romanesque dhôtelienne.
Il ne s'agit en revanche pas exactement d'un roman (bien que ce soit son intitulé éditorial), plutôt une longue nouvelle prenant le temps de se développer suffisamment pour donner au lecteur l'impression fugace d'un souffle tranquille et posé, lequel ne cherche qu'à s'ex-poser. Quelque chose comme ces premières lueurs d'avant l'aube, lorsque frère Soleil darde encore si timidement ses rayons brûlants, que Dame la Nuit hésite encore à retirer son long manteau de secrets et d'ombres. 
C'est dans un petit village de cette douce France, dans une province campagnarde et reculée, pour ainsi dire mythologique - mais de cette mythologie des dieux insignes, de ses lares et de ses pénates, celle de la délicate Flore et de ses sœurs nymphes, celle des faunes, des dryades et autres hamadryades - où la routine y fait loi, où tout le monde se connait de toute éternité, où tout se sait bien que tout s'y cache. La saison s'expose printanière, ou dans un début d'été, impossible de le savoir avec précision ; il a plut cette nuit dans ce petit coin perdu à quelques encablures de Vouziers dans les Ardennes françaises - région privilégiée dans la géographie d'André Dhôtel, qui ne déteste pas, à l'occasion, triturer et déformer des toponymes existants - ; nous sommes dans cette ruralité d'une occupation allemande où l'on voit moins passer de soldats que de cocus, un monde entre petits trafics et histoires de famille, un moment d'accalmie pour les francs-tireurs sans doute à l'affût dans ces sous-bois mais dont on n'entendra pas les tirs : ce n'est pas le propos. 
C'est l'un de ces innombrables villages de France où le train se contente de passer, sans s'arrêter. Ainsi va parfois l'Histoire.
Germaine est une vieille femme, mère de son Fabien qu'elle a eu d'un grec rencontré là-bas tandis qu'elle était servante, et de trois enfants, Ernest, Gertrude et Adeline. Cette dernière est à l'hôpital suite à des bombardements, Germaine ayant en garde ses deux petits, les vrais aventuriers de cette comptine pour grands, Charlotte et Alain. 
Frédéric, qu'elle a élevé comme son propre fils, est l'enfant d'un premier mariage de son mari Martial - un mari sans mariage d'ailleurs, mais qu'importe : ceux qui pourraient s'en plaindre ne sont jamais venu en faire la remarque. Avec l'âge, il est devenu un mari aux abonnés absents, n'ayant plus pour seul plaisir que la pêche -. 
Fabien et Frédéric s'entendent comme les meilleurs amis au monde. S'entendent ou s'entendaient ! Car depuis qu'il est revenu de Marseille, après "les colonies", Frédéric s'est mis en ménage puis marié deux ans avant la guerre avec la sublime, émouvante mais très égoïste Elisabeth -que tout le monde surnomme Lise - et depuis, rien n'est plus comme avant. 
Surtout Ce jour-là où une vieille pimbêche, amatrice insatiable de ragots, mêle au concert d'interprétation SA vérité sur le coup de feu entendu chez Frédéric, tandis que Fabien se trouvait chez lui. Pire ! Cette redoutable mégère a la preuve absolue d'un terrible et odieux secret de famille qui relie, indubitablement, Lise à son beau-frère Fabien par un autre lien que son seul contrat de mariage. 
Germaine va, à sa manière, enquêter. Parce qu'il est hors de question de laisser à cette "amie" qui vous veut du mal le bénéfice de la vérité. Elle croisera ainsi une veuve de notaire qui s'est profondément ennuyée sa vie durant, l'édile local qui se croit d'importance, le garde-forestier du village répondant au prénom antique d'Ovide dont la principales des Métamorphoses est de se prendre pour un avion quand il marche... Il y aura encore deux traîne-savates qui traficotent au marché noir ainsi qu'un homme d'affaire belge, rondouillard et généreux. 
L'étrange, chez Dhôtel, est toujours au tournant du chemin. Il est sobre, élégant (même lorsqu'il revêt les atours les plus rustiques), jamais tape à l’œil ni ébouriffant. Mais il demeure longtemps cette impression d'étrangeté, de monde à part, comme si une paroi invisible avait permis aux protagonistes de son texte de vivre dans un temps présent qui soit aussi un hors-temps, de même en est-il de ces lieux de partout, des vallées, des bois, des champs... Ici comme dans d'autres ouvrages, c'est un petit coin de France comme il en existe tant, où l'auteur se complaît à décrire les détails les plus insignifiants avec une poésie et une économie de mot qui confine à la légèreté, à la gratuité heureuse et grave de l'enfance - enfance qu'il sait d'ailleurs tout particulièrement bien mettre en scène, avec un sens confondant de vérité et de tendresse -, ces lieux sont aussi, étrangement, de nulle part. Et lorsque la magie des mots rejoint le bonheur de conter, c'est inévitablement à un moment de grâce auquel le livre vous convie, de ces petits livres qui paraissent de prime abord sans importance mais dont il vous reste, et pour longtemps, cette sensation de toujours là. Sans doute est-ce parce que l'expression de ces vies faites de routine et souvent d'ennui se trouve-t-elle enchâssée dans des moments d'extraordinaire intense tout autant que dérisoire. Force est de s'y retrouver tous peu ou prou. 
C'est ce que le regretté grand poète belge et écrivain Jean-Claude Pirotte, ami de Dhôtel, exprimait et résumait de bien belle manière : «Dhôtel écrit comme il marche, à l'économie, mais prodigieusement attentif aux lueurs fugitives, aux sautes de vent, à la merveille fragile d'une fleur ou d'un champignon, à la forme imagée d'un nuage, aux signaux du hasard. C'est pourquoi tous ses livres invitent à la promenade, et tous ses personnages déambulent sous l'empire d'une active paresse, et d'une dévotion éblouie à la fable du monde.»
Voila : de toutes petites choses, en apparence, qui ne sont rien moins que des moments vrais de l'immense fable du monde. "

[Erik35, site communautaire de lecteurs Babelio, 23 juin 2017]

*

Un Dhôtel avec toujours cette touche d'humour là où elle est inattendue.

Un court roman - le temps d'une seule journée, comme celui de la tragédie, mais ce n'en est pas une.

Et un personnage, Lise, qui apparaît (comme une apparition, justement) dénuée de toute attache, de tout passé, libre et qui ne joue sa liberté qu'à la fin de cette journée, un personnage mystérieux comme souvent dans les romans de Dhôtel.

[ollivier, site communautaire de lecteurs Babelio, 2 octobre 2019]


[1947]

Le-plateau-de-Mazagran  Le plateau de Mazagran

   

Le plateau de Mazagran

1947, Les éditions de Minuit (Paris), 180 pages ;

réédition : La Guilde du Livre (Lausanne), 1960, 208 pages ;

réédition : éd. Marabout (Verviers), 1977, 192 pages

[7ème ROMAN]

 *

[EXTRAITS] :

" Il semble parfois que les circonstances sont attachées les unes aux autres comme les wagons d'un grand train de marchandises chargés de fleurs, de bêtes, de minéraux, de glace, d'ennuis, de joie et de rêves, et aussi, de loin en loin, parfaitement vides. "

*

[TEXTES CRITIQUES] :

" SUR LE BORD DE L'IREEL "

" André Dhôtel sait l'art de maintenir ses personnages sur le bord de l'irréel. Le lecteur ne s'en plaindra pas. Il n'y a rien de plus décourageant qu'un romancier qui explique tout, tout de suite. Dhôtel, lui, fait largement confiance à l'insatiable curiosité de son lecteur et il ne l'accepte comme complice qu'après l'avoir complètement ahuri. Ceux qui ont aimé Ce jour-là ne manqueront pas son dernier roman, Le plateau de Mazagran. "

[Bennard Gros, Réforme, 27 novembre 1948 - texte reproduit dans le supplément au bulletin n°28 de LA ROUTE INCONNUE, Association des Amis d'André Dhôtel, mars 2011]

 *

" UN PAYSAGE ÂPRE ET DOUX, ETROIT ET SANS LIMITES "

" Si vous passez par le plateau de Mazagran, vous ne pouvez plus, après avoir lu ce livre, ouvrir les yeux vers les lisières, les vallons et les crêtes, sans voir fuir comme une gazelle de l'Ardenne champenoise la forme féminine en robe et cheveux flottants que Dhôtel a nommé Juliette, et qui vous semblera désormaius l'incarnation du paysage âpre et doux, étroit et sans limites. "

[Camille Lecrique, L'Ardennais (Charleville), 5-6 novembre 1977 - texte reproduit dans le supplément au bulletin n°28 de LA ROUTE INCONNUE, Association des Amis d'André Dhôtel, mars 2011]

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[1949]

Ce lieu déshérité 2  Ce lieu déshérité

   

Ce lieu déshérité

1949, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 256 pages ;

réédition : éd. Phébus (Paris), collection "libretto", 2003, 160 pages

[8ème ROMAN]

Nous sommes dans la Grèce des années 20 où Dhôtel (qui n'avait encore rien publié) a passé quelques années qu'il devait qualifier plus tard d'inoubliables. Iannis Klonaridis a trop aimé la libre vie de son enfance à Nauplie, au bord de l'eau, son goût salé d'aventure, la complicité partagée avec son ami Marcos et avec l'intraitable Hélène. Ensemble, à quatorze ans, ils ont fait les quatre cents coups, ensemble ils ont suivi le mystérieux Sotiros, plus vieux qu'eux d'une douzaine d'années, un fils de famille adonné à d'improbables trafics, ensemble ils sont tombés amoureux d'Hélène. L'année de ses dix-huit ans, Iannis apprend que sa famille part s'installer à Athènes. Sentant venir la fin d'un monde, il demande la main de la jeune fille et se fait éconduire. Un méchant guignon semble s'attacher à ses pas. Responsable d'un accident d'auto qui va coûter la vie à son frère aîné, chassé au loin par les siens, le garçon s'exile dans une île oubliée où il ne trouve rien d'autre qu'un emploi à la mine. Commence alors pour lui une vie qui pourrait être misérable mais qu'éclaire la présence d'une petite troupe de déclassés pittoresques, tous occupés à interroger le ciel depuis la terrasse du café. Jusqu'au jour où, les ouvriers de l'endroit s'étant révoltés avec Iannis à leur tête, débarque l'improbable propriétaire de la mine : nul autre que ce gandin de Sotiros, suivi de la belle Hélène... Iannis serait-il voué, toujours et partout, à se faire rire au nez par le destin ? A moins de réussir, loin de l'attente de tous, à trouver le chemin d'un exil plus grand encore. Sa tragédie pourtant, des plus modestes, est loin d'avoir les prestiges qu'on est en droit d'attendre du premier roman venu. Mais il arrive que la vie la mieux déshéritée découvre des échappées que ne signale aucun livre et qui mènent, sans qu'on y ait songé, à la porte du mystère le plus poignant : cette insistance de la beauté auprès de nous quand tout espoir semble avoir déserté les lieux du monde. L'un des plus mystérieux parmi les romans de Dhôtel (1949) - le plus grand de ceux que lui aura inspirés la Grèce.

 

 

 

  *

[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :

Une petite histoire toute simple d'André Dhôtel, l'homme de la simplicité. Chose inhabituelle chez lui, elle est écrite à la première personne. le narrateur, jeune grec fortuné, se rend responsable de la mort de son frère dans un accident de voiture stupide. Désespéré, il abandonne les siens, part seul. de famille honorable, il peut compter sur un réseau de relation pour lui trouver une situation. Mais la guigne s'attache à ses pas, commençant à frapper dès qu'il s'arrête en un lieu.

De place en place, il finit par arriver dans une île si triste que personne ne s'en préoccupe jamais. Jadis elle était couverte de forêts, mais un incendie l'a ravagé ; les orages ont arraché la fine couche de terre arable, et ce n'est plus qu'un rocher nu, où arbres et plantes font figure de raretés et où pourtant, on ne sait comment, survivent quelques abeilles. Il y a une mine de plomb, qui fait vivre toute la population. Sa fumée noire stagne en permanence au dessus de ce lieu triste et morne. C'est le terminus où finissent tous les désespérés. Pour lui, c'est l'endroit parfait...

L'histoire, on ne peut plus dhôtelienne, obéit aux règles simples qu'il chérit tant : l'errance, l'attente, la confrontation avec l'homme qui ne hait rien tant que l'errance et l'attente. Une promenade en un lieu dont il s'est plu à enlever tout charme, et puis à en retrouver.

[PhilippeCastellain, site communautaire de lecteurs Babelio, 29 décembre 2019]

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[1949]

Les chemins du long voyage 4 

Les chemins du long voyage 3  Les chemins du long voyage 5

Les chemins du long voyage

1949, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 272 pages ;

réédité par Gallimard, collection "folio", 1984, 254 pages

[9ème ROMAN] 

À travers la quête de Jean Colligant, jeune ingénieur agronome, qui poursuit la mystérieuse Irène Morin, la perd, la retrouve, plusieurs personnages s'affrontent avec violence. Le tourment de toutes ces vies est tempéré par le bonheur inoubliable qu'apportent des paysages familiers, les senteurs de la terre et de la forêt, dans la Bourgogne et le Jura.

*

[EXTRAITS] :

" La petite ferme des Cravart était bâtie sur un léger penchant, au-dessus du ruisselet de la Valserine, à une petite distance de Mijoux. La maison s'ouvrait sur un terre-plein où l'on empilait le bois de hêtre pour l'hiver. Deux bouleaux s'y dressaient, et l'on venait s'asseoir sur les bancs, après le repas de midi, en attendant de reprendre le travail."

[Les chemins du long voyage, 1949 - rééd. coll. "folio" Gallimard, 1984/2003 : page 182]

*

[TEXTES CRITIQUES] :

Chronologiquement le 9ème des 49 "romans et récits" d'André Dhôtel, publié en 1949, ce roman frappe immédiatement par la multiplicité - prodigalité donnant au récit des allures de "Comédie humaine" - des personnages peu à peu introduits : Jean Colligant le jeune ingénieur agronome, René Cervier le propriétaire du domaine de Champlevent (près Pondeuvre) qui accueille ce jeune homme, Mme Aline Cervier (mère), le neveu Daniel Cervier, Julienne (la servante du domaine), Pierre Cervier "l'aventurier de la famille" (frère de René et père de Daniel), Amélie Cravart (ancienne servante et future compagne de Pierre Cervier), Mme Choivant "aux trois rengaines", Marville ("l'entomologiste du département"), Giromandin (et sa fille Agnès), la demoiselle Edwige Chabet et ses parents (gros marchands de Chalon), Daniel Morin et sa fille : Irène... et encore nous n'en étions alors qu'au chapitre IV (sur les XX que compte le roman...). C'est dire que nous sommes plongés d'emblée dans l'univers réjouissant des "figures" peuplant les premiers chapitres d "Eugénie Grandet" (Saumur, début XIXème siècle) De Balzac, transposé dans l' "après-guerre" champenoise...
Le suspense est sentimental. Traversé de lumières du matin ou du soir, la pluie qui vient des cieux bas champenois, la vive lumière ou l'obscurité des sentiers du Jura ! La belle Irène aurait bien du souci à se faire avec pas moins de trois amoureux à ses trousses : (le jeune prétendant "héros") Jean Colligant... l'oncle René Cervier (qui en devient dingue au point de tuer, au chapitre XIX)... Grégoire, (le pauvre gars au "pied-bot") très jaloux...
Nous nous perdons parfois dans les péripéties des personnages (sans doute trop nombreux) mais les éclairs de poésie dominent : la jeune Amélie Cravart fauchant le briquet du soldat Pierre Cervier... le couple misérable des parents Cravart... le détail du saxo qui joue dans la cour de ferme... le pauvre bougre de Graiste qui a reçu une commande de 2.000 boîtes de fromage à assembler sur sa table de ferme dans son hameau perdu jurassien...
Mais c'est aussi - à 49 ans - une "oeuvre de jeunesse" ! En raison des 3 ou 4 derniers chapitres nous semblant quelque peu "bâclés" (J'ai imaginé que dans l'après-guerre et sous contrat chez Gallimard, il fallait AUSSI survivre...), avouons que nous ne sommes pas encore ou plus tout à fait dans l'inaltérable perfection des Nulle Part (1943), Les Premiers temps (1953), Le Pays où l'on n'arrive jamais(1955), L'île aux oiseaux de fer (1956), Les voyages fantastiques de Julien Grainebis (1958), Ma chère âme (1961), La tribu Bécaille (1963), Pays natal (1966), Un jour viendra (1969), La maison du bout du monde (1970), L'honorable Monsieur Jacques [1972] et surtout de "ce chef d'oeuvre des chefs d'oeuvre tardifs" que restera dans nos mémoires l'infiniment méconnu Les Disparus (1976) ... 
Avançons encore qu'en 1949, expédiant sans doute un peu trop vite Les chemins du long voyage, Dhôtel faisait encore ses gammes avant de remplir sa musette de cette flopée de chefs d'oeuvre qui resteront en lettres d'or dans une histoire sérieuse de la Littérature... chefs d'oeuvre cités, restant toujours inconnus du "gros public francophone" actuel... Alors,si nous pouvions vous donner ici l'ENVIE de lire année après année l'intégralité de ces 49 "romans et récits" du petit père Dhôtel (1900-1991) ! Près d'une trentaine sont disponibles car ENFIN réédités en éditions de poche depuis une bonne dizaine d'années : éd. Phébus coll. "Libretto", éd. HORAY (Sophie, fille de Pierre, ce très chanceux éditeur du distingué Prix Femina de 1955, Le Pays où l'on n'arrive jamais... ), éd. Grasset coll. "Les Cahiers Rouges", éd. "Gallimard coll. "Folio".

[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 2017]

*

C'est une histoire assez banale qu'André Dhôtel a choisi de nous raconter dans ce roman écrit en 1949. Un jeune ingénieur agronome trouve de l'embauche dans une grosse exploitation agricole de la région de Mâcon. Il y rencontre une jeune femme dont il tombe amoureux, mais la belle a deux autres soupirants... Des amours contrariés, un triangle, ou plutôt, un carré amoureux,  rien de très original. Et ce ne sont pas les nombreux chassés croisés ou la fin dramatique qui viennent changer la donne.

Et pourtant, cette histoire toute simple, André Dhôtel parvient à lui donner une allure de conte merveilleux. Il lui suffit de susciter quelques images vaguement inquiétantes - des visages qui apparaissent aux carreaux des fenêtres les soirs de pluie, un étrange boiteux qui rôde par la campagne, un voyageur fabuleux dont les apparitions hantent la mémoire de ceux qui l'ont connu - pour que son récit s'imprègne d'une aura de mystère que viennent encore amplifier quelques secrets de famille.

Une fois ce mystère à son comble, l'auteur lève le voile d'un seul coup. Il le fait par le biais d'un long flash-back qui remet en place les évènements et les personnages et éclaire l’histoire d'un jour nouveau. Tout s'explique alors très logiquement. Il n'y a plus ni mystère, ni magie. Rien que de bien réel et de tristement normal. En procédant ainsi, Dhôtel déconstruit son récit pour nous replonger dans la morosité du quotidien. L’histoire romanesque s’efface au profit d’une narration quasi naturaliste : les époux Cravart survivant modestement au fond de leur taudis, le métayer fabricant des milliers de boite à fromage, l’errance de la jeune Amélie dans la campagne bourguignonne, autant de portraits et d'images d'un petit peuple industrieux et misérable.

Heureusement, la nature n’est jamais bien loin et André Dhôtel la célèbre dans toute sa force et sa beauté, des plaines de Bourgogne aux plages du Cotentin en passant par les montagnes du Jura.

[Lekarr76, blog "SF Emoi", 26 septembre 2022] 


[1950]

   

L'Homme de la scierie

L'homme de la scierie

1950, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 412 pages

[10ème ROMAN]

Ce roman est l'un des plus longs d'André Dhôtel : il court sur environ 400 pages. Et, alors que la plupart de ses oeuvres se déroulent dans un temps imprécis, et sur une période assez courte - quelques années -, nous avons ici toute une fresque qui s'étend de 1884 à 1920, et qui suit la vie de deux personnages particuliers, Henri Chalfour et Eléonore Joras, de leur enfance à la cinquantaine...

[Les Lieux d'André Dhôtel, "Cahier André Dhôtel", numéro 4, année 2005]

*

[EXTRAITS] :

" Des hauteurs de Marcoux, elle voyait la profondeur sans fin des marais, les taillis et les bois de peupliers qui environnaient la Seine ; Eléonore entreprit de visiter les marais avec leurs chemins peuplés de ronces, de cornouillers, de merisiers et de pruniers sauvages. Malgré sa robe longue qui l'embarrassait, elle pénétrait dans ces halliers qui couvraient parfois deux à trois hectares. Après des heures de marche difficile, elle parvenait à de curieuses clairières que personne ne visitait. " 

   La vallée ! Ses mille chemins, ses penchants couverts de prés, de bois, de cultures. Vers le sud l'immense plateau ondulé qui sépare la Seine de l'Yonne, et où les nombreux villages se perdent dans l'étendue. Il y avait ces futaies et ces halliers sans fin dans une région de marécages où Eléonore aimait faire de longues promenades, où elle avait rencontré Dufard au temps de sa franche jeunesse. Comment une campagne si vaste n'aurait-elle pas abrité tant d'événements, dont l'aventure d'Henri Chalfour n'était qu'un mince épisode ? Il avait tué Jarnicot et l'on savait aussi qu'il avait eu un enfant avec une fille de bonne famille, Rosine Villiers, qui s'était mariée à Troyes.

[L'Homme de la Scierie, Gallimard, 1950 - page 265] 

*

[TEXTES CRITIQUES] :

Peut-être l'oeuvre la plus aboutie d'André Dhôtel, et pourtant l'une de ses moins connues. Logiquement plutôt, en fait : elle est totalement cryptique. Un ouvrier se réveille un matin, couché à même le sol, au beau milieu d'une scierie. Il sait qu'il travaille ici. C'est à peu près la seule chose dont il se souvienne. Pour le reste, toute sa mémoire s'est comme envolée. Tout son corps lui fait mal. Ses compagnons de travail arrivent, le reconnaissent, prennent soin de lui. Mais bien que très amoché, il refuse d'aller se faire soigner, et se met à travailler. Peu à peu des souvenirs lui reviennent. Ceux de l'enfance, d'abord…


L'ouvrier, héros de l'histoire, s'appelle Henri Chalfour. Bien que de très humble extraction, son destin semble inextricablement lié à celui de la grande famille aristocratique locale : les Joras. Nobles, plus ou moins riches, un domaine quelque part en Ile-de-France près de la scierie, un autre en Normandie. Leurs affaires ne vont pas trop bien, la faute à ses membres fantasques et peu matures. Leurs frasques et leurs disputes servent de télénovelas à tous les villages alentours. de temps en temps, au milieu d'une partie de pêche ou de braconnage, la route de l'un ou l'autre d'entre eux croise celle de Henri Chalfour… Puis chacun reprend son chemin.

L'histoire se déroule, n'a l'air d'aller absolument nulle part, comme si Dhôtel essayait de briser une bonne fois pour toute cette puérile croyance des hommes que leur vie à une direction, un sens et un but. Et pourtant, d'une façon ou d'une autre, elle va quelque part. On le sent, même si on ne sait pas où. Quelque chose se cache dans les pas, les travaux, les attentes d'Henri Chalfour. Pas dans ses peines – il ne les partage guère – ni dans ses mots – rares. Dans ses rencontres avec les Joras, dans ses échanges, de loin en loin, avec celle qui est peut-être sa fille. Dans sa contemplation de certaines fleurs, dans ses efforts pour retaper une vieille maison…

Une leçon de vie.

[PhilippeCastellain, site communautaire de lecteurs Babelio, 20 juin 2022]


[1952]

Bernard le Paresseux

   

Bernard le paresseux

1952, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 320 pages ;

réédition : éd. Gallimard, collection "L'Imaginaire", 1984, 322 pages

[11ème ROMAN]

Bernard le paresseux est un héros de Dhôtel tout à fait typique. Adresser, de la fenêtre d'une maison de Draps et Tissus, une orange à un gamin au moyen d'un pèse-lettre et d'une ficelle ; caresser le souvenir d'une camarade partie pour Madagascar ; remarquer un bracelet d'améthystes au poignet d'une passante ‒ voilà, dans cette petite ville, ce dont la vie de Bernard paraît tissée.

* 

[EXTRAITS] :

" La rivière est animée en toutes saisons d'un courant assez fort, et pour y pêcher il faut se poster au fond des anses plus calmes bordées d'osiers et de grèves. Estelle ne prit pas beaucoup de poisson, mais cela lui était agréable de venir au bord de la rivière et, le soir, en regagnant sa voiture qu'elle laissait sur quelque chemin écarté, elle regardait avec des yeux ardents les ormes et les chênes dressés au milieu des haies, mais on voyait cependant par endroits l'étendue très douce des prés dans la plaine. Il n'y a pas à se demander ce que signifie la vie. "

[Bernard le paresseux, 1952 - rééd Gallimard, coll. "L'imaginaire", pages 147-148]

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" Mais rien ne pouvait être plus beau, jamais, que le moment présent et les choses présentes, pourvu qu'on se laisse porter par le vent du ciel où que ce soit. Bernard serait volontiers demeuré des heures sur ce talus. "

[Bernard le paresseux, 1952 - rééd. Gallimard, coll. "L'imaginaire", page 228]
*
 
 
" Un temps magnifique. Les nuages voyageaient le long des versants de la montagne et partaient pour toujours. "

[Bernard le paresseux, 1952, rééd. Gallimard, coll. "L'imaginaire", page 316]
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[TEXTES CRITIQUES] :

« Il n'y a pas à se demander ce que signifie la vie. ». Une phrase-point d'orgue située à moitié d'ouvrage. La musique de Dhôtel, évidemment inaoubliable. Mais notre siècle nouveau semble parfois amnésique. Ce dixième roman de Dhôtel, publié chez l'éditeur Gallimard en 1952 est le dixième d'une déjà impressionnante production de "conteur oriental" (précisons : des Ardennes) : Bernard le paresseux n'a pas exactement tous les charmes de Campements (1930), Le village pathétique (1943), Nulle Part (1943 - et un authentique premier chef d'oeuvre !), Les rues dans l'aurore ou les aventures de Georges Leban (1945), David (1947/1948), Ce jour-là (1947), Le plateau de Mazagran (1947), Ce lieu déshérité (1947 - qui fut son premier court "roman grec"...), Les chemins du long voyage" (1949) et L"homme de la scierie (1950).
"Bernard le paresseux" marque - peut-être ? - un tout petit creux d'inspiration (et parfois de crédibilité) avant la réussite manifeste de son gros roman suivant : "Les premiers temps" (1953) [ouvrage dont je produisis naguère l'unique critique babélienne, évidemment enthousiaste...] puis de deux opus aujourd'hui méconnus : Le maître de pension (1954) et Mémoires de Sébastien (1955) qui précédèrent cette révélation romanesque que fut Le Pays où l'on n'arrive jamais (1955) - révélation pour le "grand public" des adultes et des enfants d'alors [Prix Femina] ! Les enfants puis "ados" Gaspard Fontarelles et Hélène Drapeur, le bourg de Lominval, les ruades du Cheval Pie et tout le "Grand Pays" venaient de naître à l'immortalité...
Mais (me dis-je) : "Quand doncques nos tant hardis lecteurs de Babelio arriveront-ils MASSIVEMENT au beau Pays de Dhôtel ?" On se le demande... De nouvelles générations de lecteurs découvriraient alors l'existence d'un tout autre Pays, certes "ancien" mais fort étendu], tout autre que l'habituel marigot du "Tout-bien-Surligné-pour-mal-comprenants"... Certes, certes...
Car ce Dhôtel est un acrobate et un musicien. Les personnages qu'on penserait "secondaires" ici pullulent : ils remplissent tous une fonction d'étayage et d'empathie (tel le choeur des tragédies d'Eschyle) dans le changement de trajectoire des "héros" et la mue des sentiments unissant nos deux principaux protagonistes... Bernard Casmin et Estelle Jarraudet (aux noms évidemment magnifiques) se détestent en effet depuis leur première rencontre dans les bureaux de la "Maison Jarraudat - Draps et Tissus"... On ne s'attend évidemment pas à l'évaporation finale des tourtereaux sous la surface des eaux de la rivière gelée... Mais sont-ils bien morts ? 
On se les remémorera les soirs d'hiver devant un feu de bûches dans l'auberge du col de Jarix... exactement comme le feront Corioux, le crieur des ventes au enchères à barbiche soignée, Bromichet le bucheron-homme à tout faire, Samidel son acolyte malingre, Paradis le réparateur de porcelaines, ou encore le jeune Gaston (futur virtuose) et Mlle Gorce qui l'élève. On parlera encore du joli couple disparu (en sa prime jeunesse) au café Terminus - face à la gare de Bautheuil, bien sûr ! - en allant s'informer à la table de Blaiseau, ou encore en parlant au balcon avec Escoblat, ce vieux roublard de voisin qui attend que "la Maison Jarraudet" face à lui s'effondre, ou encore chez Mme Charles (qui se souvient encore du craquement soudain des glaces de la Doune)... et on évoquera même (chez les Darois, par exemple, avec cette bavarde de Noémie) le souvenir de Mariette et Roger Lance, partis avec leurs parents "aux colonies" à Madagascar... car Mariette fut le premier amour (ébloui) de Bernard le disparu...
On évitera soigneusement ce vieux fou de Michel, le garde-chasse des Jarraudet, qui rôde dans le domaine - fusil toujours chargé...
Ah, mais l'auberge (misérable) du col de Jarix prise dans la tempête de neige... ou le seul nom de "Gaspard de Chaunes" ou de "Mme Echeboux de Rosnières"...
Pour parler actuel, Dhôtel n'avait ni "le melon" ni "la pastèque", et - tiens, en serait-ce la conséquence ? - mais "Dhôtel dure" ... je veux dire : par ses livres increvables.
Ses livres - et son art discret - nous émerveillent toujours... 
Reflets du bracelet aux améthystes d'Estelle retrouvé dans la vase, après la débâcle des glaces sur la Doune matinale. 

[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 2016]

*

 

Je continue à explorer les opus de Dhôtel.

Et toujours les jeux du hasard, les événements et les histoires qui s'enchaînent les uns les autres, les incompréhensions comme un destin ; et toujours des amitiés étranges, injustifiées ; et l'image de la beauté féminine qui emporte tout ici jusque dans la mort. L'humour est toujours aussi surprenant, comme la poésie inhabituelle.

C'est le 11ème roman de Dhôtel que je lis ... et il en reste tant !
[ollivier, site communautaire de lecteurs Babelio, 21 décembre 2019]

 


[1952]

Rimbaud ou la révolte moderne (2)  Rimbaud et la révolte moderne

   

Rimbaud et la revolte moderne

1952, éditions Gallimard (Paris), collection "Les essais", 248 pages ;

réédité aux éditions La Table Ronde, coll. "La petite vermillon", préface de Jean-Claude Pirotte, 2004, 208 pages

[ESSAI]

Moderne, ô combien ! la révolte de Rimbaud. Elle apparaît aujourd'hui plus que jamais nécessaire. Mais, paradoxe, scandaleusement étouffée sous la chape des commémorations factices, repues d'académisme. Doublement moderne, donc, «comme un second regard jeté sur le monde», et furieusement prémonitoire. Cet essai de Dhôtel, vieux d'un demi-siècle, on le croirait composé ce matin. Il nous rappelle avec force combien la « logique de rupture » de Rimbaud s'accroît d'un pouvoir d'insurrection sans cesse réamorcé, qui dénonce avec rage « les deux décrets que nous nous imposons comme des vérités : celui qui proclame que la science est le modèle de toute connaissance, et cet autre qui célèbre l'inspiration, en déclarant que le dogme religieux ou poétique (on peut sans crainte ajouter : politique) a résolu tous les problèmes en les séparant de la vie ». Ce que veut Rimbaud, c'est l'aventure, dans l'oubli du résultat. Ce qu'il refuse est précisément ce que notre présent nous impose : l'asservissement de l'âme et du corps aux ukases du profit ? la négation du vivant. « Je songe, écrivait Rimbaud, à une guerre de droit ou de force, de logique bien imprévue. » Cette guerre-là, contrairement aux autres, il est urgent de la déclarer.

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1953]

Les Premiers Temps

   

Les Premiers temps

1953, éditions Gallimard (Paris), collection Blanche, 280 pages ;

réédité aux éditions Phébus, collection "libretto", 2004, 288 pages

[12ème ROMAN]

Sylvestre n'a pas bonne réputation. Bien qu'il ait passé depuis longtemps l'âge de faire des bêtises, chacun se demande si le vieux hors-la-loi, qui n'en a jamais été à une folie près, saura tenir en main son propre fils, arrivé à l'âge des mauvais coups et des amours imprudentes. Comme par un fait exprès, ledit fils s'amourache d'une fille qui n'est pas de sa condition, une de ces beautés inaccessibles qui finissent dans les bras d'un assureur ou d'un pharmacien, pas dans ceux d'un galvaudeux - rejeton au surplus d'un célèbre propre à rien. Mais c'est sans compter sur les décrets du ciel, fâché souvent avec l'humaine raison, et qui n'a pas toujours la même façon d'envisager ce qui est folie, ce qui est sagesse. Comment savoir ? Rien à savoir sans doute. Sinon telle manière de suivre le cours des choses en gardant confiance, même si tout indique qu'on a pris le mauvais chemin. Un roman qui a fait date dans la carrière de Dhôtel (publié en 1953, soit deux ans avant Le Pays où l'on n'arrive jamais) : où apparaît l'une des premières figures de ces dévoyés magnifiques qui nous enseignent leur drôle de sapience en épuisant toutes les ressources de l'ordinaire calamité.

*

[EXTRAITS] :

"  On partait en bande, vers deux heures du matin, avec la voiture à bras, et on allait cueillir les guignes de certains arbres immenses sur quelque coteau de la Bonance, en pleine campagne.
‒ Des arbres à peu près abandonnés, prétendait Raymond.
Il fallait cueillir à toute vitesse dans le petit jour. On transportait ensuite les paniers jusqu'à la voiture, au fond d'un chemin. Les paniers étaient cachés sous un monceau de plâtras, pas trop lourd, qu'on trimbalait innocemment.
Sylvestre demeurait furieux :
‒ Un jour, vous rencontrerez le Christ et il vous fera rapporter les cerises au propriétaire.
‒ Si jamais on rencontre le Christ, disait le vieux cuisinier, on se jette à genoux, tous tant que nous sommes, et on lui dit : " Seigneur, les cerises sont pour Vous. on voudrait bien les raccrocher à l'arbre, mais comment faire, Seigneur ? "
‒ Et vous croyez vous en tirer comme ça ?
Thérèse se mettait à rire : 
‒ On s'en tirera un jour ou l'autre.
Célestin disait :
‒ On rencontrera plutôt les flics.
Mais on ne rencontrait jamais les flics.

*

[TEXTES CRITIQUES] :

C'était en 1953... Les Premiers temps (et ce beau mystère d'un titre, se condamnant à rester mystérieux... ). Roman méconnu "à découvrir d'urgence" [comme on dit, en un monstrueux et splendide cliché !] ... et honneur insigne d'en produire ici la première critique sur Babelio... 
Le "problème" des personnages de DHÔTEL (André, né en 1900 à Attigny - Ardennes, physiquement disparu - hélas ! - en 1991), c'est qu'à l'instar de leur auteur on ne parvienne pas à les quitter... Ils nous "attachent"... On s'attache - oui, vraiment affectivement - à eux... 
Peu d'auteurs parviennent à cet incroyable résultat ! Oui, même dans les "zones de mou" du récit, quand "l'intrigue" se ralentit jusqu'à l'immobilité d'un après-midi dans les avancées de la forêt... Comme les lieux qu'ils traversent, ces personnages nous hantent... La lointaine vallée des Bonances, Romeux, "le magasin d'antiquités à l'angle de la rue aux Aulx et de la rue Neuve", la forêt de Launois, le bourg de Brisac, Sainte Soline et Saint Eucher, la rue des Fripiers, la ferme de Beauregard, l'église St-Jean, le village de Bart, Mourcelles, Bleuse et sa forêt... et ce hameau perdu de Creuil où les quelques protagonistes échouent [page 152 de la belle réédition "Phébus libretto" à 8,90 euros : somptueuse et à ce prix-là, presque "donnée" pour une oeuvre émouvante de 258 pages, traversée de mille éblouissements ...]
Ah, on se souviendra de Syvestre Baurand ("actuellement ébéniste", ex-taulard, généreux comme un Jean Valjean maladroit), de Julien Baurand (son frère antiquaire, commerçant respectable à Romeux), d'Armand le fiston de Sylvestre (et qui "porte des cravates impossibles", dixit Thérèse, son amoureuse de bonne famille qui tourne mal, genre apprentie-délinquante...), de Thérèse Pardier, donc (ex-fiancée d'Armand), de Louise Baurand (digne épouse de Julien), de "Monsieur Pardier père" (notaire), de Méquenot (le copain de galères de Sylvestre : ex-taulard aussi : ça crée des liens...), de la vieille Julie Ribanet (qui perd la tête mais dont le perroquet, qui peut vivre cent cinquante ans, lui sert sans doute de "pense-bête"... ), Célestin le gamin des taudis, Auguste et Gustave les deux comparses...
Oui, curieux pacte passé avec les livres de Dhôtel par ses lecteurs (restant aujourd'hui trop rares ou clairsemés, hélàs...) : leur lecteur y cherche des émerveillements"... Des éblouissements, et bien sûr, les y trouve... tapis au fil des pages... Ils vous sautent au visage, à l'âme, et vous ravissent le coeur pour toujours... 
Les Premiers temps (ceux de la perte de l'Innocence, peut-être) se hisse donc en 1953 au rang des chefs d'oeuvre que seront Le Pays où l'on n'arrive jamais" (1955), Ma chère âme (1961), Pays natal (1966) ou La maison du bout du monde (1970)... pour ne citer que quelques-uns des romans dhôtéliens qui nous auront durablement "ébloui".
On verra si l'avenir rendra justice - ou non - à son Oeuvre modeste, éblouissante et esthétiquement durable...
[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 2017]

[1954]

Le Maître de pension

   

Le Maître de pension

1954, éditions Bernard Grasset (Paris), 304 pages

[13ème ROMAN]

" Dans tout ce récit, romanesque à plaisir, que de souplesse et d'aisance, que de savants éclairages et d'adroites perspectives, qui nous prennent au jeu, nous baignent en des remous de fantaisie, de mystère, de poésie - la poésie des êtres et des choses. Au vrai, André Dhôtel est un conteur pleut-être plus qu'un romancier, s'il faut distinguer, et si l'on veut que le roman soit une batterie de projecteurs dressés sur la réalité. Mais qu'est-ce que la réalité ? Où s'arrête-t-elle ? Pourquoi ne pas regarder au-dessus ou derrière ? C'est ce que fait Dhôtel. Bref, il reste ouvertement celui qui raconte. Et son attitude, nonchalamment, se joue des prétentions du roman objectif, sans écran et sans témoin, puisqu'il donne autant que les plus chevronnés des techniciens modernes le sentiment de la réalité. D'ailleurs, il témoigne d'un réalisme incontestable. Il est attentif au détail, minutieusement. La campagne, le village, ses maisons, les visages et les corps, les attitudes, l'heure et la saison, tout est décrit, cerné d'un trait vif, juste et pittoresque. Mais à cette vérité exacte et ordinaire, il excelle à ajouter la transparence ou l'ombre obscure de l'étrange. Il suggère dans le tableau, dans la péripétie, et dans l'expression de l'âme, les profondeurs indicibles où l'on se perd. " (Maurice Faure, "France-Observateur" n° 204, 8 avril 1954). 

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1955]

Mémoires de Sébastien

   

Mémoires de Sébastien

1955, éditions Bernard Grasset (Paris), collection "Les cahiers verts", 272 pages

[14ème ROMAN]

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[EXTRAITS] :

«  C'est alors que je vis la jeune fille. Elle était debout dans l'ombre d'un buisson. Ses cheveux blonds s'étaient accrochés à une ronce et elle s'efforçait de se dégager. Je pensai la reconnaître. Sans hésiter je suis allé vers elle. J'ai cassé la ronce puis j'ai pris la jeune fille par le bras et je lui ai dit de se jeter par terre le long du petit talus. Nous étions allongés face contre face lorsque les avions passèrent au-dessus de nous.On entendit bientôt une mitraillade dans l'éloignement, après quoi ce fut un grand silence. »

*

«  Il y a peut-être des lieux où l'on se trouve soudain comme dans le ciel. » 

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1955]

La chronique fabuleuse-001

   

La chronique fabuleuse

1955, Les éditions de Minuit (Paris), 96 pages ;

1960 (nouvelle édition augmentée), Mercure de France (Paris), 208 pages

[NOUVELLES & FRAGMENTS]

" Avant de nous promener sur les routes, Martinien, il faut nous envelopper d'éternel. On dit que c'est la chose la plus simple du monde. Mais nous avons réservé notre enthousiasme pour le vent, l'amitié du jour, le bruit des volets qui s'ouvrent. A notre tour nous allons inventer la vie, prêtes à déplorer nos erreurs et à pâtir, et cependant heureux de retrouver toujours sur l'asphalte le reflet fidèle de l'immobilité des cieux. "

Publié au Mercure de France en 1960, "La chronique fabuleuse" (édition augmentée) est un récit typiquement dhôtelien : une promenade en prose en forme de rêve qui prend le lecteur par la main pour l'entraîner sur les chemins de la campagne ardennaise et pour lui donner une leçon de choses. Sous la plume vagabonde d'André Dhôtel, des fleurs banales deviennent magiques, des animaux familiers mythiques, des hommes ordinaires nobles et sages. Ce recueil comprendra au final (dans son édition augmentée de 1960) les vingt-sept pièces suivantes : - Départ - Patience - Fleurs - Le désert (1947) - Le parc (1949) - Le champ (1947) - Rencontre (1946) - Le criminel (1948) - Le loup (1950) - La vallée des migrations (1959) - Le chemin (1955) - Fait divers - Retour (1955) - Ecritures (1955) - Discussion (1956) - Harmonie (1956) - L'araignée (1956) - Vacances (ou Solitude) (1949) - Celles qui dansaient (1958) - La route des abîmes (1951) - Demain (1959) - Faubourgs - Autres temps (1957) - Quelqu'un (1949) - Enfants et musiciens (1960) - Le chemin de fer (1949) - L'homme de la scierie (1949).

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[EXTRAITS] :

" Martinien ne songeait pas aux filles, mais il errait. Peut-être écoutait-il les conversations derrière les portes. Il me demanda un soir si je croyais que vingt ans (il avait vingt ans) ou même cinquante ans suffisaient pour connaître les choses essentielles du monde et que personne n'a jamais pu dire, étant donné la brièveté de chaque vie humaine. Malgré les traditions, on ne peut constater que des faits approximatifs ou à la rigueur, pour peu qu'on s'y intéresse, quelques faits scientifiques. Mais le vent du soir apporte des paroles inconnues, dont, après bien des années d'études, on parvient tout juste à saisir des bribes. "

[extrait choisi par jeronimus, site communautaire de lecteurs Babelio, octobre 2017]

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1955]

La Pays où l'on n'arrive jamais (2) 

Le pays où l'on n'arrive jamais La Pays où l'on n'arrive jamais 2

Le Pays où l'on n'arrive jamais-001  La Pays où l'on n'arrive jamais 

Le Pays où l'on n'arrive jamais (2)  La Pays où l'on n'arrive jamais 3

   

Le Pays où l'on n'arrive jamais

1955, éditions Pierre Horay (Paris), collection "Flore", 256 pages

Rééditions successives : éd. Hachette coll. "Bibliothèque verte", 1958 – 271 pages / éd. Mame, 1959 / J'ai lu – 1959 - 256 pages/ éd. Presse de la Cité, 1963 – 252 pages / J'ai lu, 1966 – 256 pages / éd. Hachette, coll. "Bibliothèque verte", 1968 – 253 pages / éd. Gallimard, coll. " Jeunesse" – mai 1973 / éd. J'ai lu, 1982 – 256 pages / éd. Gallimard, col. "Folio junior",1983 – 229 pages / éd. Gallimard, coll. "Folio junior",1992 – 275 pages / éd. Gallimard coll. "Folio junior", 1997 – 272 pages / éd. J'ai lu,1999 – 249 pages / éd. Flammarion coll. "Librio", 1999 / éd. J'ai lu, 1999/ éd. Horay, 2005 – 290 pages / éd. Gallimard, coll. "Folio junior", 2009 - 230 pages

[15ème ROMAN]

« Il y a dans le même pays plusieurs mondes véritablement. Dans les contrées situées au nord, jusqu'au Rhin ou jusqu'au port d'Anvers, ce sont des centaines de collines et de plaines chargées de richesses, et l'on peut voir aussi les eaux immenses des canaux, des fleuves, des bras de mer, tandis qu'au coeur des villes, sur des places, souvent désertes, s'élèvent les beffrois qui inspirent autant de terreur que d'admiration. » La vie routinière et sage de Lominval, petit village des Ardennes, aurait dû mettre Gaspard, fils de forain, à l'écart de toute vie aventureuse. Mais un regard échangé avec un enfant fugitif qui a décidé de retrouver « Maman Jenny » et le pays de son enfance va l'entraîner, malgré lui, dans une cascade d'aventures surprenantes et merveilleuses.

[Prix Femina en 1955]

*

[EXTRAITS] :

« Il y a dans le même pays, plusieurs mondes véritablement. Si l'on explore les Ardennes, ce n'est pas une forêt que l'on découvre, mais mille forêts. Dans les contrées situées au nord, jusqu'au Rhin ou jusqu'au port d'Anvers, ce sont des centaines de collines et de plaines chargées de richesses, et l'on peut voir aussi les eaux immenses des canaux, des fleuves, des bras de mer, tandis qu'au coeur des villes, sur des places souvent désertes, s'élèvent les beffrois qui inspirent autant de terreur que d'admiration. »

*

 «  Elle avait décidé que la plaie de l'univers, c'étaient les gens originaux et que de telles gens feraient mieux de ne pas exister. 

     ‒ Estime-toi heureux, Gaspard, disait-elle, de te trouver ici bien à l'abri de ces gens excentriques. Tu feras ta carrière dans la paix de Lominval, et, si tu es raisonnable, je te léguerai mon hôtel. »

*

« Les gardes champêtres et maints agents de la fonction publique éprouvent la nécessité de faire un discours pour expliquer ce qu’ils vont faire, et ainsi il n’est pas possible de leur échapper. Dès les premiers mots, l’enfant blond s’était élancé bousculant Gaspard, mais aussitôt il fut arrêté par le charron qui avait contourné l’église et qui venait en aide au garde champêtre. Le charron saisit l’enfant par le bras. L’enfant se débattit d’abord avec fureur, mais il se résigna à son sort lorsque le garde fut arrivé pour prêter main forte au charron. Gaspard assista à la scène sans faire un geste ni dire un mot. Il n’était pas question d’entamer une lutte ou une discussion avec le garde et le charron. Déjà l’enfant s’éloignait vers l’extrémité de la place entre les deux hommes. »

*

« ‒  Si tu veux découvrir ce que tu cherches, Gaspard, tu dois tâcher de lire les signes qu'il y a dans les choses. Observe ces jardins, ces parcs, avec des massifs de fleurs, les carrefours des chemins.Peu de personnes les connaissent et ont l'occasion d'en parler. Le pays d'Hélène t'apparaîtra peut-être dans un de ces lieux inconnus dont il y a des milliers par nos contrées. »

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[TEXTES CRITIQUES] :

" André Dhôtel est né le 1er septembre 1900 à Attigny (Ardennes) et mort le 22 juillet 1991 à Paris. Ecrivain et scénariste il est connu du grand public par ce roman Le Pays où l'on n'arrive jamais (1955, Prix Femina), il est par ailleurs l'auteur d'une œuvre abondante et singulière.

Dans un petit village des Ardennes, Lominval, grandit un petit garçon, Gaspard, confié par ses parents forains à sa tante. Le petit Gaspard semble mystérieusement désigné comme déclencheur de catastrophes dont il sort étonnamment indemne, « Encore une catastrophe ! murmurait Gaspard. Que me reste-t-il à faire ? ».

Un jour, il rencontre un enfant de son âge qui se cache, il a fugué pour retrouver sa mère, Maman Jenny, sa famille et son pays. Gaspard va l'aider à se sauver puis partir à sa recherche sur la route d'Anvers, dans une cascade d'aventures surprenantes et merveilleuses, « Qu’il fasse ou qu’il dise n’importe quoi, il était entraîné malgré lui loin de Lominval ». Il rencontrera en chemin un cheval pie mystérieux, un coiffeur bien renseigné, un père et ses deux fils musiciens ambulants, de riches excentriques les Residore père et fils. Tous lui viendront en aide, même si les moyens employés paraîtront étranges à Gaspard. Plus tard, Gaspard découvrira que l’ami recherché est en fait une fille nommée Hélène.

Un conte, plus qu’un roman, comme on en lisait dans notre enfance, je parle de l’époque qui ne connaissait pas les jeux vidéo et l’ordinateur. Souvent les faits sont répétés ou résumés par Gaspard, pour que le jeune lecteur ne perde pas le fil de l’histoire. Une histoire rocambolesque bien entendu, mais qui fait la part belle aux rêves. Un jeune garçon qui instinctivement décide de venir en aide à un alter ego plus intrépide que lui, puisqu’il a décidé d’abandonner la vie luxueuse que lui offre un soit disant « oncle », pour partir à l’aventure à la recherche de sa mère et du pays qui l’a vu naître. L’errance, le voyage et ses rencontres, un soupçon de mystère mais si le destin est étrange, il reste toujours bienveillant.

La lecture de ce roman nous plonge aussi dans une douce mélancolie, nostalgie de l’enfance peut-être, images mentales des paysages ardennais qui me renvoient à l’automne et aux chaudes couleurs mordorées des feuillages d’arbres bordant le lit de la Meuse ou de l’Escaut. Un très beau livre pour retrouver notre naïveté et nos rêves de gamins. "    

[Lebouquineur, source : http://lebouquineur.hautetfort.com/archive/2012/10/12/andre-dhotel-le-pays-ou-l-on-n-arrive-jamais.html, 12 octobre 2012]

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Prix Fémina 1955, Le Pays où l'on n'arrive jamais est devenu au fil des ans une lecture jeunesse. Après plusieurs rééditions, ce classique de la littérature française est de nouveau ravivé. le texte d'André Dhôtel est revêtu d'illustrations en bichromie (orange et vert). Chaque page est ainsi animée, illuminée. Les mots prennent alors de la profondeur, le lecteur s'abandonne, l'histoire se fait enveloppante.
Gaspard a une quinzaine d'années lorsqu'on fait sa connaissance. Enfant de marchands forains, il est élevé par sa tante, tenancière d'une auberge, l'hôtel du Grand Cerf. Toujours sur les routes, leur existence misérable - aux dires des villageois - , pousse la tante à prendre sous son aile Gaspard afin de lui donner une vie « normale ». le neveu de Mademoiselle Berlicaud est un gentil garçon, un peu rêveur mais travailleur. Cependant, au grand dam de sa tante, il est le champion des catastrophes... qui finalement donnent du rythme aux journées monotones de Lominval, petit bourg des Ardennes.
Son destin va enfin être bouleversé le jour où il se retrouve nez à nez avec un enfant de son âge, blond comme les blés, les yeux emplis de lumière et les vêtements déchirés. Ce dernier se fait prendre par les gendarmes et placé dans une chambre du Grand Cerf en attendant que son tuteur, Monsieur Drapier vienne le chercher. Il s'agit d'une fugue. Gaspard, fasciné par l'enfant et son histoire (il recherche le pays de sa mère, un pays où les chênes, les bouleaux et les pommiers côtoient les palmiers au bord d'une mer immense). 
Gaspard délivre l'enfant et décide de l'aider à retrouver sa mère. Nous voilà embarqués, nous, lecteurs à travers les forêts, les collines et les plaines du Nord, sur les flots, dans le parc d'un château... à pied, sur le dos d'un cheval pie providentiel, à bicyclette, en train, à bord d'une péniche, d'un yacht... On voyage au côté de Gaspard, on partage ses pérégrinations abracadabrantesques et sa quête du Pays d'Hélène – car l'enfant blond est une fille –, le chemin est long et parsemé d'embûches et de personnages hauts en couleur ; Baisemain le coiffeur bizarre, Théodule Résidore et son fils Emmanuel héritié d'un château, Niklaas et ses fils musiciens, Drapier, Parpoil... 
Un conte d'un autre temps avec une langue belle et surannée – de la lenteur aussi, pesante parfois – une ode à la nature, à la beauté du monde, aux plaisirs simples, un parcours initiatique, une amitié naissante, une quête identitaire où mélancolie et rêve se mêlent. Un grand voyage ayant pour destination la liberté. 

[Nadael, site communautaire de lecteurs Babelio, 29 décembre 2015 - lien http://lesmotsdelafin.wordpress.com]

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Le pays... est une oeuvre capitale que certains qualifieront de "désuète"... sans doute par son style "enfantesque" et ses préoccupations totalement inactuelles (*). Petit enchantement littéraire encore traversé par les ruades les plus aériennes du Cheval pie, apparaissant puis disparaissant à la lisière d'un bosquet ardennais... Comme l'aurait déclamé sans doute le vieil aède Homère (s'accompagnant dûment de son luth) : "Chantent les noms de Gaspard Fontarelles, Hélène Drapeur... Lominval, son auberge obscure, sa forêt sans limites... " 

Ce roman nous entraîne sur les pas incertains de très jeunes personnages, tous amoureux des chemins de traverse, poursuivant un rêve ou une quête d'éblouissements... rencontrant d'autres personnages fantasques alimentant leur chemin, leur quête dont le but réel se dérobe sans cesse. Sorte de "Graal" évanescent, toujours mouvant... Il nous faut donc continuer avec eux à marcher de page en page, suivre Gaspard et Hélène et s'embarquer sur la mer incertaine, prendre la première roulotte qui passe...
Le pays où l'on n'arrive jamais (au titre programmatique) forme aujourd'hui –  à mon sens –  l'un des plus beaux joyaux du fantastique Romanesque dhôtelien... 

Dhôtel fut un auteur prolifique, généreux : presque le "torrentiel" Simenon, ou tout comme...
Oeuvres "mineures" côtoient oeuvres magistrales : comment démêler ce fil des pages, se retrouver ou se perdre en cette forêt s'étant peu à peu obscurcie ? Me risquant à conseiller vivement à tous les admirateurs de cette très belle oeuvre-météore (15ème roman qui le rendit soudain célèbre il y a plus de 60 ans), la découverte - ou redécouverte  – de Nulle Part (1943), Ma chère âme (1961), Pays natal (1966), La maison du bout du monde (1970), L'honorable Monsieur Jacques (1972), Les disparus (1976) : tous fraîchement réédités chez Horay, Phébus (libretto), ou Gallimard (folio)...

(*) Cf. "DHÔTEL L'INACTUEL" (avril 2013, 72 pages), la prodigieuse étude critique mise en ligne par Max Vincent, et que vous pourrez télécharger et imprimer gracieusement [lien : http://www.lherbentrelespaves.fr/public/dhotel.pdf/]

[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 5 février 2017]

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Prix Fémina 1955 : c’était audacieux.

Un classique ébouriffant qui sent bon l’enfance, André Dhôtel est un maître et je fais partie de ceux qui ne voudraient pas voir ce génie tomber aux oubliettes.

Merci Audiolib, cette version va redonner de la visibilité à une histoire qui mêle en une folle sarabande plusieurs genres littéraires : régionaliste, fantastique, surréaliste, lyrique…

Il fallait bien tous ces ingrédients pour suivre Gaspard dans les Ardennes chers à son cœur et son imaginaire.

D’emblée l’incipit vous plonge dans ce mystère et cette écriture magique :

« Il y a dans le même pays, plusieurs mondes véritablement. Si l'on explore les Ardennes, ce n'est pas une forêt que l'on découvre, mais mille forêts. Dans les contrées situées au nord, jusqu'au Rhin ou jusqu'au port d'Anvers, ce sont des centaines de collines et de plaines chargées de richesses, et l'on peut voir aussi les eaux immenses des canaux, des fleuves, des bras de mer, tandis qu'au cœur des villes, sur des places souvent désertes, s'élèvent les beffrois qui inspirent autant de terreur que d'admiration. »

Un adolescent fugue et traverse les Ardennes, il a été adopté et cherche « sa maman Jenny », il croit avoir des souvenirs, rêve ou réalité ? Gaspard apprend qu’il y a un adolescent en fuite et il va le rechercher. Grâce à un féerique cheval pie et il ne rentrera chez lui qu’à la fin du roman, ce qui n’étonnera personne car depuis sa naissance , sa seule présence induit des événements étranges.

En route il s’émerveille sur les contrées traversées mais aussi sur les personnes si différentes de son entourage habituel, musiciens des rues, bateliers, etc.

Je ne dévoilerai pas la subtilité de la rencontre entre Gaspard et l’autre.

Mais j’ai adoré me laisser embarquer dans cette histoire qui vous engloutie dans un monde tel que les auteurs n’osent plus ou ne savent plus faire vivre.

C’est intelligent, mystérieux, drôle et émouvant.

Il faut juste embarquer vers Le pays où l’on n’arrive jamais. Celui de l’enfance poussé à son paroxysme.

Alors, en conclusion laissons André Dhôtel nous apprendre qu’il faut comme « Le vagabond semblait trouver que tout était naturel, et qu’il suffit d’être curieux pour que le monde se révèle à vous. Il répéta qu’il fallait, toujours s’instruire. »

[ © Chantal Lafon-Litteratum Amor15 novembre 2019 - article partagé sur le site communautaire Babelio]

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Le pays où l'on n'arrive jamais... c'est le livre que je n'arrivais jamais à lire!
Le pays où l'on n'arrive jamais me suit toujours, depuis les débuts de ma bibliothèque au début des années 70.
Donc, en prenant tout mon temps, j'ai entrepris de lire ce livre magique.
Et voilà que je viens de terminer ce voyage avec Gaspard, l'enfant blond-qui-cherche-son-pays, Théodule, Niklaas et ses fils Ludovic et Jérôme... J'en sors ému, ravi, étourdi par un récit qui m'a profondément touché : cette quête de lieux dont les souvenirs diffus se trouvent si loin dans la petite enfance. Ces images éparses que l'on cherche à rassembler, préciser.
Il y a ce pays qui s'éloigne, au fur et à mesure que l'on grandit, et c'est l'urgence qui surgit à Lominval (Quel joli nom de bled somnolent !) dans la vie de Gaspard : Un enfant blond qui cherche son pays à partir de minces indices, puis un cheval pie... L'urgence de l'aventure, la vraie, avant qu'il ne soit trop tard pour Gaspard et le mystérieux enfant que l'on enferme à l'Hôtel du Grand Cerf avant que son tuteur ne vienne le chercher. L'urgence, avant que le rêve et l'espoir ténu ne s'éteigne.
Toutes ces péripéties, ces voyages démesurés, ces retrouvailles, ces cavalcades et embardées pour aller encore plus loin et trouver ce fameux pays où l'on arrive jamais, André Dhôtel nous les fait vivre avec ce sentiment d'attente. Sentiment teinté d'une douce mélancolie d'une enfance qui se perd et s'efface.
André Dhôtel aimait profondément sa terre natale d'Ardennes, et il l'exprime parfaitement dans cette quête d'un pays perdu. Il le fait magistralement, dans ces paysages de forêts et de fleuve, ces villages qui sommeillent. Il le fait avec l'aide de ces enfants, et de ces grands enfants dont les rêves d'enfants n'ont pas tout-à-fait disparus.
Le pays où l'on arrive jamais, s'adresse à chacun de nous, pour peu que nous ayons gardé cette flamme de l'émerveillement et ce sentiment qu'il nous manque quelque chose que nous ne trouvons plus.
Et le pays où l'on n'arrive jamais, soyez en sûr, ne manque pas de mirages !
Mais il n'y a qu'un seul pays où l'on arrive jamais : le vrai.

 

[HORUSFONCK - site communautaire de lecteurs Babelio, 27 novembre 2019]

 


[1956]

L'île aux oiseaux de fer

   

 L'île aux oiseaux de fer

1956, Fasquelle éditeurs (Paris), collection "Libelles", 144 pages ;

réédité aux éditions Grasset, collection "Les Cahiers Rouges", 2002, 140 pages

[16ème ROMAN]

 Julien s'embarque comme stewart sur un paquebot. Jeté à l'eau, il échoue à la nage sur une île survolée par des oiseaux au plumage de fer, au bec couleur d'argent, aux yeux de verre. Dans cette île, tout est trop net. Les voitures se conduisent toutes seules. Des robots servent des habitants sans âge et sans amour. Seule la jeune psychologue Irène est sensible au charme de Julien. Comment parviendra-t-il à fuir avec elle ? Une parabole sur l'automatisation et le progrès où la fantaisie, le fantastique social, l'onirisme de Dhôtel, accentués par le mystère de l'insularité, font merveille.

*

[EXTRAITS] :

"    -  Mais le questionnaire auquel j'ai été soumis était absolument hasardeux, observa Julien.
   - Absolument hasardeux. Nous reconnaissons la réalité du hasard et nous lui accordons beaucoup, mais les machines sont capables de trier les réponses et de décider si elles sont valables. 
     - Vous n'avez jamais eu l'idée de discuter leurs décisions ? demanda Julien.
     - Nous sommes sûrs qu'elles sont parfaites. "

*

[TEXTES CRITIQUES] :

" L'HORREUR VENUE DES AILES "

Une très large moitié du XXème siècle aura été l'époque privilégiée des grandes fictions futuristes, des contre-utopies et autres dystopies, héritières des romans de Jules Verne pour la forme (Jules Verne expose, quant à lui, une vision globalement positive de ces bouleversements technologiques) et mères de ce genre littéraire fâcheusement un trop enfermé dans cette sphère plus généraliste qu'est la science-fiction. Les livres de H-G Wells, de Zamiatine, d'Aldous Huxley, de George Orwell, de même que le trop oublié, passionnant et bizarre Kallocaïne de la suédoise Karin Boye, font écho aux impressionnantes - mais souvent perçues comme trop rapides - évolutions du monde moderne : scientisme et positivisme triomphant, progrès incessants et d'évidence incontrôlable de la technique et de sa fille Technologie, industrialisation démesurée, internationalisation puis mondialisation des échanges et des intérêts financiers, urbanisation démultipliée tout autant que bien souvent désordonnée, consommation de masse, montée des totalitarismes rouges ou bruns : autant de phénomènes conjuguant tous les ingrédients pour voir l'émergence de nouvelles réflexions éthiques, philosophiques et politiques, souvent porteuses d'inquiétude et même d'angoisse. 
Plus surprenante, en revanche, cette incursion de l'auteur du Pays où l'on arrive jamais, le romancier, conteur et poète André Dhôtel, à l'oeuvre très souvent empreinte de merveilleux, de magie simple, proche de la nature, au sein de cette confrérie des augures de temps futurs généralement sombres. C'est pourtant bel et bien le cas avec cette aventure fantasmagorique vécue par le jeune Julien Grainebis, aventurier un peu malgré lui, publié en 1956 et qui s'apparente sans conteste à ce genre littéraire. (A noter que l'on retrouvera ce personnage, une année plus tard, dans le recueil intitulé Les Voyages fantastiques de Julien Grainebis).
Ainsi, sur l'île aux oiseaux de fer, perdue dans les immensités vides de l'Océan Pacifique, vit une étrange communauté entièrement soumise à la domination des machines. Elle pourvoit à leur maintenance, reçoit d'elles sa subsistance, les règles de son existence, obéissant à la moindre de leurs injonctions. C'est ce que notre Julien découvrira assez rapidement, après qu'il eût été poussé à l'eau, par dessus le bastingage du paquebot parti pour un tour du monde et sur lequel il s'était retrouvé steward de fortune, sur les insistance d'un ami de passage, un étrange personnage vaguement anarchiste prénommé Daniel ; lequel est d'ailleurs le responsable de la chute fatale. 
Mais notre héros malgré lui est du genre calme et placide. N'était son attirance immédiate pour la jeune et charmante Irène, la psychologue qui le reçoit en entretien dans les premiers temps de son arrivée, il semble d'abord se trouver relativement à son aise sur cette île si particulière où règne un calme certain, où le regard - passablement vide - des habitants semblent révéler un tranquille mais un bonheur simple, acceptable. Bien entendu, il est un peu dérouté par cette manière si calée, cloisonnée, prévue et prévisible de vivre mais au cours des premières semaines sur place, il semble se satisfaire convenablement de cette situation. 
Peu à peu cependant, Julien Grainbis va comprendre à quel point les machines maîtrisent tout, empêchent toute manifestation de plaisir vrai, de passion, de joie extérieure, de désir. Qu'elles ont fini par supprimer toute liberté véritable, toute envie, tout moyen ou motif de s'échapper, de s'ex-île-r, tout appel à quelque transcendance que ce soit - "Dieu" est un mot qui fait frémir immédiatement qui l'entend dans la bouche de Julien, serait-ce le mot utilisé comme vulgaire interjection -, jusqu'à la simple envie de se promener sur un chemin, mais interdit, à l'écart des routes bornées, de lancer un caillou dans la mer, même lorsque l'on n'a que douze ans... Les machines ayant par ailleurs prévu leur moyen de répression - le plus généralement fatal - par l'office de ces oiseaux de métal qui planent comme une perpétuelle menace, une épée de Damoclès technologique, au-dessus des habitants, les contraignant encore un peu plus à une obéissance et à un contrôle sur eux-même absolument permanent. Jusqu'à leur ôter, finalement, toute (en)vie véritable, quoi qu'ils s'en défendent, lorsque Julien les pousse dans leurs retranchements par ses questions dignes d'un Candide moderne. 
Mais la seule logique qui règne sur l'île est ainsi celle des machines, étrangère à la logique de l'âme et du cœur humain, de même que le temps des machines est étranger à la temporalité humaine. Cependant, il y a la belle Irène, que des hasards très heureux mettront à plusieurs reprises sur la route de notre infortuné rescapé - le sauvant en outre d'une mort certaine - et dont il semble évident que l'attirance amoureuse de deux jeunes gens finira par poser autant de problème à ce système infernal qu'il finira par mettre en échec toute cette machinerie devenue démente, avec, en point d'orgue, une sorte de mise en abîme très séduisante, voulue par André Dhôtel, où un début de conte à dormir debout, dont Julien a momentanément oublié la fin, provoque le dérèglement interne de ces mécaniques inhumaines mais qui cherche, par absolu, un sens et une logique à tout !
La réussite de ce court récit d'André Dhôtel tient à la simplicité poétique de sa mise en oeuvre, à la légèreté limpide de son écriture. Nulle emphase, nulle longueur superflue dans ce petit livre plein de charme, qui propose une sagesse avec un tact, une discrétion et une délicatesse rares. Mais qui préfigure, ou du moins s'inquiète, d'un monde dans lequel les machines auraient pris le pas sur nos décisions, sur nos vies - dans ce qu'elles ont de plus consubstantiel au vivant, fut-ce avec ces innombrables défauts et ses irrémédiables excès. 
Trop oubliés, la plume et les livres d'André Dhôtel ont encore un charme fou - le charme subtil de ces livres délicieusement intemporels - et mériteraient indubitablement de ressortir de l'oubli poli dans lequel il est reclus depuis quelques décennies.

[Erik35, site communautaire Babelio, 21 janvier 2017]

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Le très brillant article (exhaustif et louangeur) de notre ami Erik35 a dit l'essentiel sur ce somptueux petit roman "fantastique" de 1956, bouclant la courte mais passionnante saga de son jeune héros déroutant (toujours à mi-chemin entre réel ennuyeux et imaginaire dangereux), Julien Grainebis "de Bermont" comme seul titre de noblesse [Cf. Les voyages fantastiques de Julien Grainebis de 1957 - 4 aventures intérieures (dont le Comment on traverse un arbre de 1954 et Le village invisible de 1956 valent largement ceux les exploits involontaires de Sindbad...). Tout y chante clair. La psychologue Irène nous plaît. Julien "le naufragé" a son innocence subversive (évidemment sans le savoir), et ce foutu monde semi-robotique trop bien réglé se dérègle... Tout est poétique et étrange : on le sait au moins depuis Le Pays où l'on n'arrive jamais de 1955 - mais tant d'autres romans dont nous persistons à ignorer l'existence EXISTENT (Seulement, les troupeaux de moutons que nous sommes devenus ne se rendent plus depuis longtemps en ces pâtures-là... préférant brouter avidement - en masses rassurantes - une herbe prédigérée de hypermarchés, évidemment allergisante à certains... ) : l'aisance de Dhôtel avec "Le Merveilleux" parfois franchement inquiétant du quotidien champenois ou ardennais, est réelle... Jusqu'au détail de l'acte gratuit de "l'ami de rencontre" Daniel qui nous ramène dans le merveilleux monde inquiétant de Franz Kafka (celui de Amerika/Der Verschollene...). On aime vraiment cette histoire, sa simplicité, sa poésie de l'inattendu, ces oiseaux de fer aux becs tranchants apparaissant et disparaissant en nuées et se réfugiant derrière les nuages, absurdes gardiens d'un "faux-paradis" : tout notre triste monde réel en sursis, mais qui se "pense éternel" bref... "Escape from the Hell " (pour paraphraser le célèbre Escape from New York du vétéran du ciné fantastique John Carpenter...). Et "l'histoire" de 126 pages (dans la magnifiscence de la police de caractères des "Cahiers Rouges" de Grasset...) "finit bien" - c'est-à dire "tranquille", à Bermont avec fiançailles et tartes aux cerises... En conclusion ? (RE-)DECOUVRONS ensemble, peu à peu, ce monde fabuleux des 49 "romans et récits" du petit Père Dhôtel (1900-1991), la plupart redevenant dispos en collections de poche... Vous en aurez pour des années de bonheur (ou je vous rembourserai personnellement de tous vos frais, garanti aux amateurs/amatrices de solide & humble vraie Poétique !)... 

[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 10 août 2017]


[1956]

Le ciel du faubourg 2  Le ciel du faubourg

   

 Le ciel du faubourg

1956, éditions Bernard Grasset (Paris), 256 pages ;

réédition : Grasset, collection "Les cahiers Rouges", 2011, 266 pages (prix de vente public : 9,20 €)

[17ème ROMAN]

Pour débusquer la part de fantastique qui se cache dans la vie quotidienne, André Dhôtel ne recourt à aucun sortilège, si ce n'est ceux de la fatalité et du hasard heureux. Avec lui, la quête du Graal revêt l'apparence d'une énigme policière. Avec lui, un banal faubourg devient un lieu de mystères qui semble soudain plus proche du rêve que de la réalité... Le Ciel du faubourg illustre parfaitement la singularité et le charme de Dhôtel, en qui Mauriac reconnaissait "le créateur le plus étrange de nos univers romanesques".

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[EXTRAITS] :

" Des gens marchent dans les rues. Il semble aujourd'hui que rien ne les guide qui n'appartienne aux nécessités de leurs emplois ou de leur alimentation. C'est bien mal considérer l'humanité, et en particulier celle des banlieues que de se fier à un tel principe. Il arrive au contraire que les uns et les autres s'aventurent dans telle ou telle rue, comme s'ils étaient guidés par un fil invisible qui n'a aucun rapport avec l'utilité ni même avec la vie. "

[Le Ciel du faubourg, 1956 - rééd. Grasset coll. "Les Cahiers Rouges", chapitre III, page 88]

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[TEXTES CRITIQUES] :

Bon sang, et encore un Dhôtel inconnu/méconnu, un ! De 1956... Soixante ans... L'après-guerre dans un faubourg infâme, on ne sait où ! Un comptable (Fortan) et un cordonnier, ancien prisonnier de guerre, (Timard) passent leur temps dominical - qui s'étire - tout en discutant et reniflant les odeurs de goudron de la rue des Freux (c'est en face) en ce morne mois d'août qui chauffe le macadam derrière la clôture et sous les vols de moucherons (à observer) ... Bref, tout cela fait face au jardinet de la bicoque. On est accroupis sous l'ombre en losange de l'auvent. Marc Fortan raconte l'histoire de son père et de sa mère disparue en mer... La "malédiction de la mer" à deux kilomètres de la ferme familiale dans l'Est du Cotentin... Puis le Débarquement... puis...
Dhôtel est un conteur oriental. Il se foutait bien des modes de son temps. "La suite" ne lui a pas donné tort... Il installe paisiblement ses personnages, ses ambiances, les fils se tissent peu à peu entre eux et elles... Les personnages ont ce poids du vécu de gens dont on préférait ignorer tout et qu'on trouve finalement passionnants à entendre et à regarder vivre, aimer, ou se souvenir qu'ils ont aimé... Les personnages de Dhôtel sont, au fond, des personnages de Simenon assez bavards... plutôt bienveillants, toujours à la limite de la petite pègre des faubourgs (euh, "la débrouillardise"... Voir son Nulle Part de 1943).
J' vas finir handicapé social grave, moi, avec mes lectures antédiluviennes... Pôs grav' pisque j' m'en fous... (Un peu comme si on demandait leur avis à Fortin et Timard en ce dimanche après-midi...).
Amitié à tous, mais surtout vite, vite DECOUVREZ les bouquins de Dhôtel l'infatigable, le prolifique (peut-être en contournant "Le Mont Damion" que j'ai trouvé nettement délayé et mal maîtrisé... mais sur la douzaine d'ouvrages de lui d'jà découverte par moé d'puis 15 ans, c'est ma foi fort peu... : alors, courrez en foule à Nulle Part, Ce lieu déshérité, Les Premiers temps, Le Pays où l'on n'arrive jamais, "Le Ciel du faubourg, Les voyages fantastiques de Julien Grainebis, Ma chère âme, Pays natal, L'honorable Monsieur Jacques, La maison du bout du monde, Les disparus ...
Ce livre a été réédité en format "poche", collection "Les Cahier Rouges" de l'éditeur parisien Grasset (Nouvelle couverture fort moche, mais bon...) : 261 pages agréblement mises-en-page et à police de caractères fort agréable... et Viv' la Province, l'Ardenne et l'Univers, nom de Dîou !

[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 2016]

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Marc Fontan travaille comme comptable pour un petit entrepreneur en bâtiment. Il loge chez sa belle-sœur et n'a guère d'autres loisirs que ses discussions avec son voisin Timard et la réparation d'une vieille automobile. Sa vie tranquille et monotone va se trouver bouleversée par une conjonction d'évènements et de mystères touchant ses proches et, par ricochet, tous les habitants de la petite rue où il réside.

Au premier abord, Le ciel du Faubourg semble assez éloigné des univers bucoliques dans lesquels baignent habituellement les romans d’André Dhôtel. L’histoire se déroule pour l'essentiel en banlieue parisienne et a pour cadre un quartier populaire coincé entre une usine à gaz, les murs d'un pensionnat et une ligne de chemin de fer. Pourtant la nature est loin d'être absente de ce récit. Elle se niche dans les cours d'immeubles ou les terrains vagues et, plus encore, dans les rêves de vacances des citadins, dans leurs longues discussions sur les coins de campagne que possèdent les uns et les autres et dans ce mystérieux domaine qui appartiendrait à « l’homme aux gants verts » dont l'ombre plane sur le quartier.

La recherche de ce domaine justement, fera l'objet d'une véritable enquête qui nous mènera de Paris aux portes du Morvan. La tâche est loin d'être aisée. Marc Fontan et Paul Dassigne, les deux jeunes héros de cette histoire, ne disposent que de maigres indices. Il leur faudra un peu de chance et beaucoup de ténacité pour parvenir à leurs fins. Ils y parviendront toutefois et solutionneront par la même occasion bien d'autres énigmes, leur enquête se transformant alors en quête, celle d’un paradis perdu qu’ils ne feront qu’entrevoir avant d'être à nouveau précipité dans la grisaille banlieusarde.

On le voit, Le ciel du faubourg est un livre étrange. On y trouve un peu de tout, des amours contrariées, un soupçon de polar et surtout une atmosphère. Il m’a rappelé certains romans de Pierre Véry empreints de ce réalisme merveilleux qui transmute les évènements du quotidien en rêves ou en contes.

Ici le vecteur du mystère, c’est la rumeur populaire. De bavardages en commérages, elle circule parmi le petit peuple de la rue des Freux. Elle déforme ou enjolive les faits et finit par créer une sorte de légende urbaine à laquelle tout un chacun finit par croire. La bande à Angèle y participe aussi grandement. Ce trio de gamins délurés qui sillonne le quartier à l'affût du moindre ragot, est l'une des belles trouvailles du roman. Leurs jeux et leurs déambulations rythment le récit tandis que leurs indiscrétions suscitent et orientent les actes des personnages.

Ces derniers en ont d'ailleurs bien besoin. Marc Fontan est un jeune homme effacé qui se laisse porter par les évènements et son ami n'est guère plus entreprenant. Quant aux femmes, en dépit de leur caractère, elles ne parviendront pas plus à fléchir leur destinée commune. Ils semblent tous soumis à une fatalité qui les enchaîne à leur banlieue et les empêche de prendre leur essor. Quoi qu'ils tentent, où qu'ils aillent, tout les ramène à cette rue des Freux, théâtre de leurs petits malheurs mais, peut-être aussi, d'un grand bonheur.

[rédacteur : Lekarr76, blog SF EMOI. Lien : http://sfemoi.canalblog.com/archives/2022/04/17/39438550.html ; texte publié le 17 avril 2022]


[1957]

Dans la vallée du chemin de fer  Dans la vallée du chemin de fer 2

   

Dans la vallée du chemin de fer

1957, éditions Pierre Horay (Paris), 256 pages ;

réédition : éd. Horay (Paris), 2003, 248 pages [prix de vente public : 14 €].

[18ème ROMAN]

Depuis deux ans, Jérôme et Georgette sont mariés et, aux yeux de tous, vivent heureux. Il dessine des plans de ponts, de routes et de jardins, elle travaille chez un électricien. Elle part quelques jours chez une parente. En pensant à elle, il s'aperçoit petit à petit qu'elle a emmené la photo qui était au coin du lit, la grande valise, ses robes. Il prend sa bicyclette. A soixante kilomètres de là, il la rencontre, main dans la main avec mauret, son supérieur aux Ponts et Chaussées. Dans cette petite ville de l'Est, c'est un drame à la fois neuf et classique qui commence, l'éternelle  et désolante histoire d'amour qui, de coeur en coeur, sépare ou réunit les êtres. Que va-t-il se passer ? Une femme étrange, ancienne maîtresse de Jérôme, vient secouer la petite ville de ses extravagances. la vie et le drame continuent. Qu'adviendra-t-il de Jérôme et Georgette ? Et de bien d'autres... Ce roman des égarements du coeur est aussi le récit de corses perdues, haletantes à travers ce continent réel et merveilleux qu'est le "Dhôteland", dans la vallée du chemin de fer. 

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[EXTRAITS] :

" Il se leva lui aussi. Il aurait fallu la repousser avec brutalité mais ce n'était pas imaginable. Dans la lumière du sous-bois son visage était si riant et si gracieux. Sa robe, ses épaules, ses seins soulevés par une respiration légère qui semblait la même pour elle et pour lui. Des yeux vivants ne pouvaient rien voir de plus beau. "

[Dans la vallée du chemin de fer, éd. Pierre Horay, 1957 - réédition Horay, 2005, chapitre VI, page 132]

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‒ Je vais faire du feu, dit Jérôme.
Elle l'aida à ramasser des brindilles et à casser quelques branches mortes. Ils trouvèrent une vieille souche. Avec de la mousse le feu prit rapidement. Jérôme fut heureux de voir le visage et les yeux de Véronique à la lueur de la flamme. " Comment tout cela va-t-il finir ? " se demanda-t-il. Elle lui sourit et ils restèrent à se chauffer.
‒ Tu pourrais dormir, dit Jérôme? Mets ta tête sur mon sac.
‒ Tu ficherais le camp, dit Véronique. Je ne dormirai pas.
‒ Ecoute moi, dit Jérôme.
Tandis que le feu pétillait sous les étoiles, il entreprit une fois de plus de lui faire la leçon [...]
‒ Je t'écoute, disait-elle.
Auprès d'un feu, toutes les paroles ressemblent à une histoire."

[Dans la vallée du chemin de fer, éd. Pierre Horay, 1957 ‒ réédition Horay, 2005, chapitre VI, page 136] 

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[TEXTES CRITIQUES] :

957. Jérôme Baltat a fort à faire. Sa jeune femme le trompe, et un gamin le nargue depuis le ravin (On lance : "Balthazar est cocu !", et l'on s'envole comme un moineau...). Jérôme s'en fout. Sauf qu'il tuerait bien Mauret, son collègue de bureau et rival. Il y renonce. N'empêche qu'il aime toujours Georgette (la perfide). Il continue de bosser quand même aux "Ponts et Chaussées" sous les ordres de son patron Parieux, qui le ménage, des fois que... Une de ses anciennes maîtresses (Rosalie) réapparaît et "f...t le boxon" dans la paisible ville de Romeux. Scandale. Jérôme doit quitter son boulot et son pavillon face au ravin. Errances. Il retrouve du boulot mais se déclasse, tombe tout en bas de l'échelle sociale. Il s'en fout. C'est la balade des jours qui passent. Tout en s'aventurant dans un bois, au hasard des halliersl s'y fait draguer et embaucher comme "architecte d'extérieur" par Mme Hermeulan, châtelaine entre deux âges (et peintre amateure) ; il lui résiste mais c'est la fille - Véronique - qui s'amourache de lui, dans leur domaine un rien trop retiré des "Sarts" : bref, il fuit... puis la retrouve la nuit dans la forêt (Le chapitre VI suit le magnifique déroulement des heures qui passent pour ce couple sylvestre, jusqu'à l'aube incertaine... ). Retrouvera-t-il Georgette (qui s'est lassée de Mauret, puis s'est déclassée à son tour) ? C'est beau, c'est âpre, c'est prenant... Aventurons-nous donc au bout des dix chapitres de ce beau livre, somptueusement réédité. La magie Dhôtel, une fois de plus... La magie du temps qui passe, des lumières incertaines, et des lendemains dont on ne peut prévoir la couleur... Mais pourquoi Dhôtel est si peu lu, aujoud'hui ? 

[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 22 octobre 2017]


[1957]

St Benoit Joseph Labre

   

Saint Benoît Joseph Labre

1957, Librairie Plon (Paris), collection "Hommes de Dieu", 280 pages ;

réédition : éd. La Table Ronde (Paris), coll. "La petite vermillon", préface de Hugues Robaye, 2002, 274 pages

[RECIT BIOGRAPHIQUE]

Benoît Labre est né à Amettes, en Picardie, le 26 mars 1748. André Dhôtel raconte sa vie errante. De sa Picardie natale à Rome ou à Einsiedeln, les mille voyages de Benoît Labre constituent le roman d'un marcheur et d'un rêveur, sans cesse en butte à des refus et des humiliations qui, loin de le décourager, le stimulent.

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1958]

Les Voyages fantastiques de Julien Grainebis 2  Les Voyages fantastiques de Julien Grainebis

 

 

 

 

 

Les voyages fantastiques de Julien Grainebis 

1958, éditions Pierre Horay (Paris), illustrations de Camille Claus, 196 pages ;

réédition : éd. Horay, 2003, 140 pages (prix de vente public : 14 euros)

[19ème ROMAN]  

Qu'un arbre, un oiseau, une ombre même, bouleversent notre vie, provoquent des événements décisifs, voilà qui coule de source pour l'auteur du Pays où l'on arrive jamais. Ici encore, André Dhôtel nous entraîne avec son héros, Julien Grainebis, dans un univers singulier où tout est signe, où les métamorphose deviennent l'habit des âmes bien nées. La fragilité des destins nous fait retenir notre haleine : qu'un garde-champêtre batte du tambour plus que de raison et le village risque de devenir invisible. C'est qu'il y a des équilibres secrets, des correspondances mystérieuses à maintenir ; des voyages à entreprendre sur la pointe du souffle. Voyage fantastiques certes, mais où nous sommes plongés au coeur de la réalité à la fois quotidienne et la plus magique, et au terme desquels nous nous découvrons nous-mêmes.

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1959]

Le neveu de Parencloud  Le neveu de Parencloud

   

Le neveu de Parencloud

1960, éditions Bernard Grasset (Paris), 288 pages ;

réédition : Imprimerie Mame (Tours) avec les illustrations de Michel Gourlier, 1960, 200 pages ;

réédition : Grasset (Paris), 1988

[20ème ROMAN]

 

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[EXTRAITS] :

« Gilbert arrêta son scooter à l'angle de la rue Tallois et de l'avenue du Général-Marvant. Il gara la machine sur le trottoir de la rue Tallois et s'avança dans l'avenue, la tête haute, les mains dans les poches de la veste de daim qui flottait sur ses épaules. »

 

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« C'était une des idées maîtresses de M. Parencloud que la suprême habileté consistait à se présenter comme maladroit. »

[TEXTES CRITIQUES] :


[1961]

Ma chère âme

   

Ma chère âme

1961, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 284 pages ;

réédition : éd. Phébus (Paris), collection "librio", 2003, 288 pages (8,90 euros)

[21ème ROMAN]

Petros Colydas a quitté son île de Samos et le soleil de la Mer Egée pour venir s'établir à Paris oú son oncle tient commerce de fruits & légumes et produits d'Orient. Il a laissé au pays la fantasque Achyro et ses drôles de mèches blondes, une fille qui pour lui n'est pas beaucoup plus qu'une image : Petros est de ces jeunes gens qui ont le génie de laisser filer les plus belles occasions, et qui s'en tirent - ou croient s'en tirer - en s'appliquant à la vie la mieux rangée. Il épousera pour finir une beauté brune du nom d'Hélène, dont il découvrira qu'elle se teint les cheveux pour cacher une blondeur peu disposée à se montrer au premier venu. Et voilà qu'Hélène lui avoue un beau jour qu'elle aussi est d'origine grecque. Est-ce trahir une fille que d'aimer une image qui ne se distinguerait d'elle en rien? Petros, on le devine, n'a pas fini d'en voir de toutes les couleurs.

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[EXTRAITS] :

– Elle est tombée à la mer.
– C'était au matin, hier matin à ce qu'on dit.
– Ou bien elle s'est jetée à la mer.
– Mais on ne l'a pas revue. Pourtant on l'a bien cherchée la pauvre Achyro. Pas un vestige sur le rivage. [...]
– Oui, Achyro, la fille aux cheveux avec de la paille. On la rencontrait souvent à Vathy. On ne la reverra plus.

[Ma chère âme, 1961 ; rééd. Phébus – chapitre I, page 52]

Il y avait eu un automne très léger. Parfois, dans les après-midi où le magasin était inanimé, le vent poussait sur le trottoir une feuille morte venue du boulevard voisin. L'hiver qui succéda apporta des brumes, de claires gelées où dansaient les lanternes des fiacres.

[Ma chère âme, 1961 ; rééd. Phébus – chapitre II, page 67]

Ils restèrent longtemps sans parler. Ils se tenaient les mains et se regardaient. Il n'aurait jamais reconnu Achyro si ses cheveux ne l'avaient pas révélée. Lui-même ne retrouvait pas le souvenir précis des traits de son visage. Quand il l'avait rencontrée, elle n'était qu'une gamine. Les yeux seuls avaient encore cette indifférence lumineuse de l'enfance.

[Ma chère âme, 1961 ; rééd. Phébus – chapitre III, page 111]

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[TEXTES CRITIQUES] :

" LA CLEF DES SONGES "

La clef des songes, on croit la posséder avec ce nouveau roman d'André Dhôtel, le vingt-deuxième. Dès les premières pages, le lecteur devient initié, fort longtemps après avoir refermé le livre, il reste encore ébloui par cette lumièree d'un autre soleil. Les songes peuvent être lumineux, n'est-ce pas ?
L'histoire – en réalité mille aventures à la fois étonnantes et simples – se déroule en Grèce, à Paris, en Île-de-France et à Londres. Ces lieux sont bien nommés. Mais en réalité de quel pays s'agit-il, sous quels climats les héros surprenants et surpris évoluent-ils ?
Petros, fils d'un constructeur de bateaux poursuivi par la haine d'une famille concurrente, est sollicité par un oncle installé à Paris. Avant de quitter sa chère île de Samos, "où rien de l'extérieur ne pouvait pénétrer, où l'avenir et le passé ne se distinguaient même pas", il rencontre Achyro, la fille aux cheveux d'or. Il en tombe éperdument amoureux. Cette passion nourrira sa vie, elle sera son bonheur et sa peine. Mais qui est Achyro ? Est-ce la secrète Hélène, sa future épouse, ou sa soeur fantasque Sophia ? Devra-t-il douter tout au long de sa vie jusqu'au jour où il aura découvert la bague à la pierre fendue ? " ... quoi qu'on fît on restait dans l'impossible qui était à al fois une paix sans fin et un déchirement. Rien ne l'expliquerait jamais. "
Il faut aimer chez André Dhôtel le mystère pour le mystère. Les questions sont plus merveilleuses que d'hypothétiques réponses. Les êtres s'aiment, sont séparés par une fatalité acceptée comme une saison nouvelle. le drame même éclate : " Il y avait dans la maison une sorte d'angoisse qui semblait ne pas venir de la situation elle-même ni des idées qu'on se faisait, amis des objets et des meubles. "
Mais rien ni personne ne sont accusés. Qui est Pierre, qui sont tous ces personnages ? On n'apprendra jamais à connaître les traits de leur visage. Un éclat, une ombre légère suffisent à nous les faire aimer. Ils deviennent nos amis les plus chers. Nous les "connaissons" mieux qu'en chair et en os, et surtout mieux que d'après une photographie. 
Ces situations stupéfiantes nous font vibrer, nous émeuvent, mais, ayant pénétré dans l'univers dhôtelien, nous ne nous étonnons plus. L'auteur n'écrit-il pas : " Nous mêlons nos propres histoires aux éléments. Il n'y a jamais qu'un croisement d'aventures venues de toutes parts. L'étonnant c'est de se trouver là où elles se croisent sans raison. "
Le plaisir du lecteur est double car l'écriture de ce roman est une pure eau de source aux reflets de cristal. Ma chère âme est un des plus beaux livres d'André Dhôtel, à classer parmi les meilleures oeuvres de la littérature de ces vingt dernières années.

[Camille Claus, artiste peintre - texte paru dans le quotidien Dernières Nouvelles d'Alsace, mars 1961, reproduit en intégralité dans le Bulletin de "La Route Inconnue", association des Amis d'André Dhôtel]

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" UNE PETITE FILLE PAILLE QUI TROTTE DE SAMOS A BATTERSEA " ou " LE SOLEIL ET LES JOURS "

La belle histoire. Une de celles, nombreuses, qu'André Dhôtel, inlassablement, sait conter - et qu'il conte à sa manière : tant de douceur dans la voix, dans le sourire, et ce regard promené sur le monde, émerveillé, émerveillant. André Dhôtel est un de nos rares écrivains d'imagination à posséder ce don qu'on serait tenté d'appeler "le toucher de Midas". Qu'il parle, et son murmure crée la transparence de l'air, le silence plein d'échos, la beauté toujours un peu déchirante : les attitudes, les gestes toujours un peu insolites, délicieusement déconcertants, mystérieux. Derrière le conte ou le spectacle, si simples et puirs qu'ils paraissent, il ya toujours à deviner quelque chose.

Cette histoire-là commence dans l'archipel grec. Mer violette ; ciel où règne un soleil invincible ; îles où les oliviers ne meurent pas parce qu'ils sont sages et patients, et où rien ne tire jamais à conséquence - que la tragédie. La famille du jeune Petros est précisément victime d'une tragédie familiale ; la vengeance des Dourakis la poursuit. Mais il faut que le jeune Petros surmonte cette malédiction, et par malédiction, il ne s'agit pas de seulement de l'hostilité patiente, attentive, inlassable des Dourakis, mais de la paresse, de la petitesse de vues dans lesquelles la famille de Petros cherche illusoirement le bonheur et la paix. Et Petros, afin de se faire les épaules assez larges pour la tragédie, part pour l'Europe "où il y a moins de soleil que d'or et d'élecricité ". Petros et André Dhôtel sont de ces gens pour qui le destin existe. Peut-être n'y a-t-il d'histoires possibles que lorsqu'on croit au destin ?

Le destin, cette fois-ci, prend la figure d'une fillette aux cheveux de paille, à la fois furtive et complaisante, insaisissable. On a envie de l'appeler "ma chère âme". Ce que fait Petros. Et la petite fille paille devient sa chère âme, au sens propre. Quoi d'étonnant que Petros la quête à chaque seconde de sa vie, même s'il peut la croire morte ? "L'espérance est la seule folie digne de l'homme", dit quelque part un de ses personnages... Et ailleurs : " Nous vivons pour cinq minutes d'espoir, rappelle-toi bien, c'est cela qui nous vaudra l'éternité."

La clé de ce livre – et de toute l'oeuvre de Dhôtel, me semble-t-il – le vieux Iannis la donne. Iannis est le "correspondant" de Patros à Athènes ; il vend des fruits et des légumes, il explique à Petros avec quelle subtilité on peut peser à son avantage ou à son désavantage : " Le beau travail de l'esprit, mon fils. Je me suis amusé toute ma vie à faire profiter chaque client de deux ou trois drachmes sans qu'ils le sachent. C'est ainsi qu'on gagne le ciel. " Ce n'est pas "le toucher de Midas" qu'il faut appeler le don d'André Dhôtel, mais "le toucher d'Iannis". " Les choses ne sont pas ce que nous croyons, Petros, continue le vieux marchand de tomates, il suffit d'un insensible décalage pour que tout s'illumine. " André Dhôtel sait faire jouer le fléau comme Iannis : toujours à l'avantage du lecteur.

L'Amour et l'Aventure : thèmes éternels du romanesque pur. Amours impossibles, sans cesse traversées, appels sans réponse, promenades, confidences, azurs et brumes – quel talent faut-il aujourd'hui pour nous plier à ces séductions chevronnées. André Dhôtel fait plus que nous retenir : il envoûte. Il semble avoir retrouvé les secrets tours-de-main de la littérature courtoise. Un bouchon de paille sur la mer prophétise indéfiniment ; la petite fille "paille", qui meurt sans mourir, chère âme immortelle, trotte de Samos à Battersea ; le chevalier Petros croise des lances, traverse des villes comme autant de forêts enchantées, balance entre Hélène et Sophia comme Tristan entre Iseult la Blonde et Iseult le Brune, interroge les signes prodigués par "l'inimaginable beauté du monde".

Plaisir à Dhôtel. Pour le goûter pleinement, il ne faut pas se refaire une chère âme d'enfant –  quelle erreur : rien n'est plus subtil que ce réalisme féerique. Il faut soigneusement appliquer une formule proposée par l'auteur lui-même : laisser venir sur soi le soleil et les jours.

[Jean Louis Bory, L'Express, 4 mai 1961 - texte initialement reproduit en intégralité dans le Bulletin de LA ROUTE INCONNUE  n°5, août 2003, pages 15-16]

*

Un jour, quelque chose de blond et de pur s'est levé depuis l'horizon. Est-ce seulement l'effet de la brume à la surface de l'infini d'une Méditerranée ?
Quelqu'un ou quelque chose a plongé du bord de la falaise blanche. Pour toujours...
On dit que c'est la jeune Achyro "aux cheveux de paille" : elle a laissé ainsi – par jeu, en riant – l'adolescent Petros... On dit même : " C'est pour ne plus jamais revenir... "
S'est-elle noyée ? Ne s'est-elle pas , plutôt, évanouie dans l'air blanc de midi ?
Indicible, éblouissante – silencieuse et cristalline – poésie de roches blanches. Mystères de la Terre exposés pour ne jamais être éclaircis.

Le sourire d'une statue grecque a-t-il vocation à être, un jour, par nous "éclairci" ?
Que dire, face aux yeux blancs de l'archaïsme ?
Que cela tombe bien : qu'il n'est pas de beauté VRAIE sans mystère.

Adieu donc à l'île de Samos... Le jeune Petros Colydas migre en France avec son oncle Iorgos (ce protecteur fort envahissant), devient "Pierre" et commence là son apprentissage dans le commerce des Denrées orientales. Le voilà qui prend son envol, s'émancipe – pour travailler dur comme pépiniériste en Banlieue parisienne : celle des maraîchers des années Cinquante...

La jeune Hélène qu'il rencontre a l'oeil d'or de son Achyro disparue...
Existerait-il des "fiancées doubles" ?
Hélène EST Achyro mais en même temps ne peut l'être...
Hélène est, elle, bien réelle. Charnelle.

Ils se marient, travaillent ensemble : un rêve paraît renaître, cerné des murs de pierre blanche des serres et des jardins... Sensibles descriptions de la proche banlieue parisienne des années Cinquante/Soixante, encore si "campagnarde" : et l'on repense à La Belle Equipe [1936] de Julien Duvivier... On remonterait bien encore le courant - et la flèche du Temps - jusqu'aux canotages de guinguette de Guy de Maupassant...

Prose agile, aventure de chaque phrase, harmoniques inattendues : musicalité discrète et pourtant extrême. Mon tout premier "Dhôtel"...

Dhôtel l'enchanteur [1900-1991] a ainsi parlé au pur monde de nos sens et aux plus intimes de nos souvenirs - en l'un de ses "romans de prose poétique" des plus charmeurs : c'était en 1961...
André DHÔTEL, bien étrange adolescent de 60 ans.

[Dourvac'h, site communautaire Babelio, 26 janvier 2020]

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Encore cette étrangeté...

Lorsque je le lis j'ai l'impression qu' André Dhôtel écrit en improvisant ; dans chacune de ses pages, il se passe une foule de choses, d'événements, si anodins fussent-ils. Peut-être est-cela justement qui fait le charme de ses romans : comme une réhabilitation du quotidien, sa poésie, ses mystères ; d'où l'importance d'une soupière sur la table du repas (ceux qui ont lu comprendront).

Il y a de l'insondable dans le quotidien.

[ollivier, site communautaire Babelio, 25 juin 2019]

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André Dhôtel a quelques lieux privilégiés : Paris, la banlieue, les forêts, la Grèce. Et voici l'oeuvre qui les réconcilie et les relie tous. le personnage principal, Petros puis Pierre, passe d'un monde à l'autre comme tous les personnages de Dhôtel : intimement convaincus de leur propre insignifiance, s'abandonnant sans un murmure au destin qui les ballote, mais avec un formidable espoir au fond de leur coeur.

Un espoir qu'ils ne sauraient pas définir eux-mêmes, espoirs d'échapper à la banalité grise, espoir de retrouver l'être aimée à peine entrevu... Espoir qu'il se passe quelque chose à la mesure de l'attente, tout simplement. Comme ce héros, Petros. Quelques heures de vagabondage avec une adolescente surgie de nulle part ont suffit à le convaincre qu'il y avait quelque chose à attendre dans le monde. Même en ayant appris la mort de l'adolescente. Même après avoir quitté l'île pleine de soleil pour les rues ternes de Paris. Même après de longues années, jour après jour, à vendre fruits et légumes douze heures par jour. Même après tout...

Que se passe-t-il exactement dans ce livre ? Difficile à dire. Des vies se mêlent. Des espoirs fous et de violents désirs se transforment en amour pour la lente croissance d'une forêt. Un feu de paille s'élève dans les coeurs et les âmes, retombe lentement en sage labeur et en travail de la terre. On s'arrache d'une monotonie grise pour s'en construire une à soi, teinté de couleurs douces un peu sépia. On est bien loin des mondes flamboyants auxquels on se croyait promis dans sa jeunesse, mais le regret ne jaillit que rarement. On vieillit, en somme.

[PhilippeCastellain, site communautaire Babelio, 20 février 2020]


[1961]

Idylles

   

 Idylles

1961, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 256 pages ;

réédition : Gallimard, collection "folio", 2003, 336 pages

[NOUVELLES]

Le commencement, le seul moment de toute existence où l'essentiel est révélé : le premier amour. Voilà le sujet de ces dix nouvelles. De la Grèce à la campagne champenoise, la découverte de l'amour bouleverse la vie de jeunes gens purs, « à l'aube des sentiments ». Avec beaucoup de poésie et parfois d'ironie, l'auteur du "Pays où l'on n'arrive jamais" nous entraîne dans un monde où le rêve s'accorde avec le quotidien pour un dénouement souvent surprenant. Ce recueil réunit les dix nouvelles suivantes : Idylle au Chesne-Populeux  Idylle à Samos  Jean-René sur les toits - La maîtrise des va-nu-pieds  La nuit d'été  La fille du général  La sorcière  La Haute Rivière La longue journée  Cieux éclatants du soir.

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1962]

Le roman de Jean-Jacques 

   

Le roman de Jean-Jacques

1962, éditions du Sud (Paris), collection "Vie et Visages", reliure pleine toile éditeur, jaquette illustrée en couleurs, 96 illustrations, gravures et fac-similés, 255 pages

[RECIT BIOGRAPHIQUE]

" Je n'aime pas tout ce qui se fait par règle, si ce n'est celle de n'en avoir point d'autre que son coeur." (Jean-Jacques ROUSSEAU - "sujet" de cette biographie) [cité par Claude-Edmond Braulx, dans l'ouvrage collectif "LES LIEUX D'ANDRE DHÔTEL", Cahiers André Dhôtel, n°4, année 2006, page 34]

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" [...] Tout récemment, André Dhôtel a écrit un livre intitulé Le roman de Jean-Jacques, qui est une biographie de Rousseau. C'est un récit d'un très grand charme et ce charme tient précisément à cette légèreté dont je parle. Dhôtel ne nous dissimule pas les côtés scabreux de son sujet, mais il les rend inoffensifs, en leur refusant l'importance qu'on leur accorde d'habitude. Avec un personnage réel - et quel personnage - il procède de la même manière qu'avec ses personnages imaginaires. Ce Jean-Jacques, par la seule vertu de son style, devient un personnage dhôtélien. On assiste avec émerveillement à cette métamorphose. "

[Jacques Brenner, Paris-Normandie (Rouen), n° 5562 - extrait d'un article reproduit dans le supplément du Bulletin de LA ROUTE INCONNUE  n°29, août 2011, pages 4-5]


[1962]

 

   

Les-mysteres-de-charlieu-sur-bar

Les mystères de Charlieu-sur-Bar

1962, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 240 pages

[22ème ROMAN]

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[EXTRAITS] :

" La paresse c'est la vie la plus haute qui soit. Cela va beaucoup plus loin que n'importe quel sommeil. Et comment subsister dans un bourg abandonné comme Charlieu si on ne se laisse pas quelquefois voguer au niveau des buses qui se promènent sans penser à rien ? Alors on s'intéresse à des choses minimes, à la vie des mouches par exemple. Les buses voient les oiseaux comme des mouches. Elles ne cherchent pas tellement à les attraper. Elles les regardent pour s'amuser d'abord, en se berçant dans les airs. "

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1962]

La plus belle main du monde

   

La plus belle main du monde

1962, éditions Casterman (Tournai), collection "Plaisir des contes", illustré par Colette Fovel, 64 pages

[CONTE]

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1963]

la Tribu Bécaille 2 (2)  La Tribu Bécaille

La Tribu Bécaille

1963, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 332 pages ;

réédition : Gallimard, collection "folio", 2003, 512 pages

[23ème ROMAN]

Après de longues années d'absence, Victor et Louis Bécaille reviennent à Aigly, leur village natal, pour découvrir que leur famille est l'objet d'une étrange méfiance. Sur les traces du passé de la "tribu Bécaille", Victor, le narrateur, remonte le temps à la recherche des secrets enfouis. André Dhôtel nous offre la chronique d'un petit village champenois et une grande saga familiale, pleine de mystère et de féerie.

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[EXTRAITS] :

" La voiture de mon père était un tonneau en osier avec des roues légères qui semblaient glisser sur le gravier du chemin de halage et elle était menée à fond de train par un poney noir. Je n'ai pas tardé à somnoler avec les paupières à demi ouvertes, pour m'amuser comme font les enfants, et je mélangeai sans ma rêverie la crinière du poney avec les étoiles. Toutes les choses étaient intenses, surtout le ciel de la nuit que je n'avais jamais vu si noir ni avec des étoiles aussi vives. Je me sentais heureux et perdu. "

[La Tribu Bécaille, pages 86-87 de l'édition originale]

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[TEXTES CRITIQUES] :

L'exercice de la liberté en Littérature est devenu peu à peu étrangeté... Expliquons-nous ici. Le petit père Dhôtel qui fit naître cette Tribu en 1963 (pourquoi cette suppression de la Majuscule sur la couverture du "poche" de 2003, et le choix de cette couverture moche et hors-sujet ?) est strictement semblable à ses personnages : il ne sait jamais où il va, quel chemin prendre, quel personnage croiser et recroiser le long du canal, quelle couleur traquer dans le soir... peut-être toutes, d'ailleurs... Ici c'est le bleu. le bleu émail du canal. Victor et son cousin traquent les couleurs ou l'ennui ou les filles : c'est selon... "En avant l'aventure, jamais la mort ne dure" scandait un chanteur italien des années 1970... La langue est belle, riche... trop riche peut-être pour notre siècle, puisque certains explorateurs-lecteurs d'aujourd'hui trouvent cette langue "surannée" ou "désuète"... Pour l'argument ? La vie de province et sa poétique bien cachée... Seul Dhôtel sait faire surgir ces éblouissements du morne quotidien... C'est Victor qui raconte et nul ne devinera jamais ce qui pourra bien se passer à la ligne suivante, la page suivante, le chapitre suivant (ils sont au nombre de VII) : le fil d'Ariane du soir, les matins pluvieux, les aurores brouillées, l'azur de l'été, les baignades dans la rivière : le véritable héros de Dhôtel est le Temps.rien qu' du frais, du pur, de l'invention... Pour ce "Bécaille", le gars inventait encore SA langue et SON monde, SON Temps et SON espace-Temps... à 63 ans... Allons, qui oserait "ça" aujourd'hui ?

[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 2017]


 [1963]

   

Le Robinson de la rivière 2

Le Robinson de la rivière

1963, éditions Casterman (Tournai), collection "Plaisir des contes", illustré par Colette Fovel, 64 pages

[CONTE]

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1964]

Les lumières de la foêt

   

Les lumières de la forêt

1964, éditions Fernand Nathan (Paris), Méthode de lecture suivie pour le Cours Moyen Première Année, illustré par Marianne Clouzot, commentaire de Georges Vionnet, 128 pages

[METHODE DE LECTURE]

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[EXTRAITS] :

" Au village de Bergeloup, quand on joue aux billes sur le pavé, les billes tintent d'une façon extraordinaire. Elles chantent véritablement. Si l'on parle dans la rue, la voix résonne comme au creux d'une vaste caverne. Lorsqu'un enfant court, on croirait un petit cheval au galop. Dès qu'on n'entend plus rien, le silence vous entre dans les oreilles et vous tombe sur le dos. Alors on n'ose plus bouger, et on a l'idée que quelqu'un vous guette. C'est que le village de Bergeloup s'élève dans la profondeur de la forêt. Entre les maisons et la lisière, il y a seulement, par endroits , l'intervalle de quelques jardins. Le village de Bergeloup est presque abandonné. Voilà pourquoi les bois se sont avancés jusqu'à toucher les murs. D'abord les noisetiers et les ronciers se sont avancés, puis les charmes, les acacias et les chênes. Voilà pourquoi tous les bruits sont plus purs et plus forts que partout au monde. "

[.../...]

" Elle – Dorothée Mériaux – appartenait tout entière au domaine de la forêt, comme un chevreuil qui est né dans la forêt. Elle n'avait pas besoin de chercher un passage entre les branches. Elle comprenait de façon instantanée où elle devait aller, et elle se glissait en silence et avec insouciance. Elle devinait tous les êtres qui se cachaient ou se dérobaient dans les alentours, vipères, lièvres, hérissons, hermines. [...] Maintenant elle ne cherchait plus à les surprendre, elle vivait avec eux. " 

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1964]

Le Mont Damion

   

Le Mont Damion 

1964, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 268 pages ;

réédition : éd. Phébus (Paris), collection "libretto", 2006, 256 pages

[24ème ROMAN]  

Fâché avec l'école, chassé par son employeur, Fabien traîne par les campagnes et va son chemin calamiteux comme porté par la certitude que ce dernier le mènera vers quelque lumière. Il apprivoise un loup blessé, recueille un chat, rencontre une fille frappée d'un mal étrange puis une autre, sauvageonne dans l'âme, qui lui paraît tout autant inaccessible. Seul sous le ciel, il lance aux nuages sa chanson sans queue ni tête, dans l'attente d'une improbable réponse - jusqu'au jour où, par-delà les champs et les bois, lui parvient l'écho d'un hurlement... De tous les grands romans de Dhôtel (avec Le Pays où l'on n'arrive jamais  et à la même altitude), le plus intimement accordé à cette sauvagerie secrète en nous qui refuse de tourner le dos à l'enfance.

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :

Ce qui m'étonne toujours à la lecture des romans d'André Dhôtel, c'est que son imagination semble infinie : les aventures de ses personnages s'ensuivent, se prolongent, une péripétie en entraîne une autre et cela à l'infini.

Et à chaque fois, je me demande comment l'auteur va pouvoir reprendre le gouvernail, maîtriser son histoire ; cela semble une suite d'aventures sans fin, mais très logiques ; c'est particulièrement vrai ici dans ce roman qui semble ne pas s'achever.

Avec là aussi, cette impression que c'est la nature, la végétation, si sensiblement décrire et approchée, la forêt mystérieuse dans ses enchevêtrements, receleuse de mystères et de surprises, qui mènent la danse et que sans elle plus rien n'existe.

Étrangement fascinant.

[ollivier, site communautaire de lecteurs Babelio, 5 novembre 2019]


 [1965]

La vie de Rimbaud

   

La vie de Rimbaud 

1965, Editions du Sud / Albin Michel (Paris), collection "Vies et visages", 264 pages ;

réédition : éditions De L'Oeuvre, 2010, 234 pages

[RECIT BIOGRAPHIQUE]

On a considéré le plus souvent Arthur Rimbaud comme un phénomène exceptionnel, en raison de sa précocité étonnante (il donna entre 16 et 20 ans des écrits achevés), et parce qu'à 20 ans il abandonna tout à fait la littérature et garda jusqu'à sa mort un silence qu'expliquent mal nos conceptions de la littérature. Mais il y a plus. La poésie marque toujours la présence ou le désir d'un " autre " monde au coeur du monde réel. On peut dire, à la façon des rhéteurs, que c'est le domaine du rêve, de l'illusion, de l'ordre spirituel, de la beauté, ou encore de la simple rhétorique. L'événement singulier fut qu'un grand nombre d'écrivains et de lecteurs ont eu le sentiment que cet autre monde prenait dans les écrits de Rimbaud (qui lui-même s'est dit " mage ou ange ") une existence violente, irrépressible, éblouissante, aussi évidente enfin et aussi familière que la réalité positive où il faisait irruption.

   

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


 [1966]

Pays natal

Pays natal

1966, éditions Gallimard (Paris), collection Blanche, 280 pages ;

réédition : éd. Phébus (Paris), collection "libretto", 2003, 288 pages

[25ème ROMAN]

A vingt-cinq ans, Félix fait partie de ces jeunes gens sérieux qui sont, paraît-il, l'honneur des familles (même si lui a oublié d'en avoir une) : son patron est fier de lui, les voisins en viennent à oublier de le regarder de travers, et on annonce son prochain mariage avec une beauté locale qui se trouve être une estimable héritière... Bref, le meilleur des mondes s'emble s'offrir à lui au prochain carrefour. A ceci près qu'un méchant destin a décidé que son chemin à lui ne passerait pas par le prochain carrefour... Il renoue avec un ami d'enfance qui n'a pas trop bien tourné, se trouve mêlé à une mauvaise bagarre - et voit ses rêves de bonne fortune s'évanouir en fumée. N'aurait-il pas lui-même cherché la catastrophe, dans son désir inavoué - inavouable ? - de vivre une "autre" histoire que celle qui semblait si bien écrite pour lui ? Mais quelle autre histoire ?

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[EXTRAITS] :

" Il se redressa pour la regarder. Le vent du matin rabattait le châle d'Angélique sur son visage. Félix se prit à imiter à mi-voix le cri d'un oiseau loin dans le ciel. Cela ressemblait à l'appel d'autrefois dans les rues de Namur mais c'était encore autre chose.
Elle le regarda. Alors il saisit son châle et l'arracha brusquement. Il dit : "Puceronne !"
La lumière de ses yeux de de son visage n'avait pas vieilli d'un jour, depuis ce temps... Depuis quel temps ? C'était étonnant comme le soir où elle l'avait délivré (on n'oublierait jamais), ou encore comme cette nuit sous le réverbère quand il l'avait reconnue (on n'oublierait jamais).
Ils entendirent le hennissement du cheval dans l'air du matin. Apolline était partie avant l'aube pour une chevauchée dans la forêt et elle redescendait la pente sur le verger. Quand mourrait-on ? "

[Pays natal, 1966 - réédition Phébus "libretto", 2003, pages 257-258]

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[TEXTES CRITIQUES] :

" UNE DOUCE ET PURE LUMIERE "

"Que la terre soit transformée, la société changée, rien n'empêchera qu'on boive du café..." dit un personnage du dernier roman d'André Dhôtel. Et, ajouterons-nous, rien n'empêchera que des hommes écrivent des histoires et que d'autres les lisent avec une joie étonnée.
On est littéralement ravi, envoûté, par la nouvelle aventure que décrit cet auteur fécond et dont l'inspiration ne faiblit pas puisqu'il en est à son 37ème livre. Dans un décor très humble que nous adopterons vite comme "pays natal", sur des routes qui traversent des petites villes et des forêts, l'amour naît et bouleverse des vies avec la simplicité d'un orage suivi d'un ciel serein.
Félix, jeune homme de 25 ans, poussé par une force irrésistible, perd une situation enviée et la promesse d'un riche mariage, et préfère vagabonder avec un ami aussi peu stable que lui. Qui les entraîne ? Sans doute cette "passion banale des découvertes et du voyage", cette soif de vivre non à la manière désordonnée et absurde de certains négateurs actuels, mais au contraire avec la volonté de reconnaître le monde tel qu'il est, c'est-à-dire "terrestre et céleste à la fois".
La toile des destins est tissée habilement et solidement. De rencontres en situations imprévues, les deux comparses qui vivent la poésie mieux qu'on ne saurait l'écrire, découvrent à travers bien des peines "... un espoir qui n'était pas l'espoir de ceci ou de cela, seulement l'espoir sans rien qu'on puisse attendre". C'est de cela que parle ce livre, d'une douce et pure lumière.
Angélique, amie et ennemie d'enfance ["Puceronne"], retrouve Félix pour leur malheur et leur bonheur. Attirés et déchirés l'un par l'autre et par les événements, ils sont entraînés dans un magnifique désordre. "Un désordre absolu. Qu'est-ce qu'ils étaient venus faire en ce lieu ? Mais cela valait la peine justement parce que c'était sans signification." Jamais André Dhôtel n'a raconté l'amour entre deux êtres avec autant de passion. Le lecteur est profondément ému, aussi bien que les jeunes héros.
Un recoin dans lequel tout est illuminé par la grâce : le paysage, les maisons, les enfants, les femmes, les hommes, est-il encore concevable aujourd'hui ? Par quel miracle cet écrivain fut-il préservé de l'asservissement et de l'assèchement des systèmes et des théories ? Que lui importe le problème du langage, il écrit, il raconte, aussi surpris, sans doute, que nous le sommes à la lecture de ces pages. Quelle est cette atmosphère à la fois étrange et familière qui se dégage de chacun de ses livres ? Elle est proprement celle de la poésie. Mais qu'est-ce que la poésie ? Quel charme émane soudain de la description d'un simple verre posé sur la table ou d'un profil de jeune fille qui se détache sur un ciel parfaitement bleu ? L'amour, un amour sensible, concret, cerne, s'empare, possède chaque image évoquée et presque chaque mot.
" C'est toujours la même histoire ! " Oui, mais comme celle des hommes, toujours renouvelée, autre, passionnante. Mais celle-ci nous rend particulièrement attentif, surtout lorsque Félix dit : "On ne démordra quand même pas qu'il ya une aventure entre nous et l'infini." C'est ce lien que l'univers d'André Dhôtel parvient à établir, et c'est pourquoi, malgré les modes et les sciences, son oeuvre ne cessera d'émerveiller tant qu'il y aura quelqu'un qui ouvrira un de ses livres.

[Camille Claus, artiste-peintre : texte paru dans le quotidien Dernières Nouvelles d'Alsace, 22 & 23 mai 1966]

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C'est un roman de l'adolescence, de la magie des saisons du coeur dans ce Continent imprévisible de l'adolescence ; c'est aventureux, fluide, changeant... exactement comme un long "merveilleux nuage" (baudelairien) qui prendrait possession du ciel de notre Imaginaire et s'y déploierait en beauté. Les deux personnages principaux se rejoignant sans cesse dans leurs pérégrinations venues du monde de l'Enfance : présences "vraies", émouvantes, comme nées du monde qu'ils traversent...
Publié pour la première fois en 1966, "Pays natal" est sans nul doute, l'un des plus beaux livres (roman ? récit ? conte ?) d'André DHÔTEL – que je placerai personnellement au même niveau de réussite artistique que Le pays où l'on n'arrive jamais (1955) et Ma chère âme (1962) ... 
A la fin de son chapitre III (De très longs chapitres, car il n'y en a que cinq !), Felix cherche "Puceronne" (Angélique telle qu'on la surnommait étant gamine) dès qu'il sort de la gare de Charleville : la neige se met alors à tomber lentement – dans un silence ouaté – sur cette ville de l'Est français (se souvenant peut-être de l'envol d'Arthur Rimbaud ? Probable... ). Son "héros" y recherche obstinément sa dulcinée - et finissant bien sûr par la retrouver en chair et en os : beaucoup plus chanceux en cela que le pauvre Gérard Labrunie "de Nerval" quêtant inlassablement sa fantomatique "Aurélia" – préférant se pendre à une grille, plutôt que devoir poursuivre si triste errance dans les terribles nuits d'hiver parisien. 
Retrouvailles "dhôtéliennes" – si chaleureuses – de Roméo & Juliette, imperturbables sous la blanche – et mortelle – caresse du ciel... La neige, rien que la neige... Si Dhôtel nous montre – tout au long du récit - toute la cruauté et les versatilités humaines, il n'aime guère donner à son Romanesque le "point d'orgue" d'un drame.
Conteur et magicien : tel est Dhôtel en cet opus qui est une petite merveille, capable de nous rendre incroyablement (et imprévisiblement) heureux...

[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 2016]


[1967]

Lumineux rentre chez lui

   

Lumineux rentre chez lui

1967, éditions Gallimard (Paris), collection Blanche, 288 pages ;

réédition : éd. Phébus, collection "libretto", 2003, 266 pages (8,90 euros)

[26ème ROMAN]

Bertrand Lumin n'a jamais brillé par des qualités bien reluisantes. Qu'on ne s'étonne pas si cet astre désastreux a reçu de ses amis le surnom de Lumineux. Il est de ceux qui ont le talent de se mettre à la moindre occasion en mauvaise posture, mais possède par chance cet autre don une disponibilité bien propre à favoriser toutes les rencontres, et à susciter quelques aubaines. Mais les aubaines, c'est connu, sont autant de promesses fallacieuses, surtout quand elles prennent le visage de telle jeune fille dont la beauté. dirait-on, n'a d'autre raison d'être que de vous déchirer le coeur. Lumineux ferait un criminel acceptable. pensent les uns. A moins qu'il ne se fourvoie dans les mauvais chemins d'un renoncement peu catholique en quête de quelque clarté improbable. Car il arrive que les êtres les plus étrangers à toute lumière, à l'instant de trébucher, se retrouvent sans savoir pourquoi le nez dans les étoiles...

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :

 


[1968]

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L'enfant qui disait n'importe quoi

1968, éditions Gallimard (Paris), collection "La bibliothèque blanche", illustré par Gianni Esposito, 154 pages

[CONTE]

"Hodeïdah ! Mavaburta !" Tels sont les cris étranges qu'Alexis lance parfois. Surprenant dans la bouche d'un jeune garçon de quatorze ans ! Mais Alexis exprime ainsi ses sentiments, c'est tout... Élevé, par son grand-père en pleine nature, à cause d'une santé fragile, ce jeune sauvage passe son temps à courir la forêt de Valmarie. Pourtant, Alexis doit désormais rejoindre la ville de Pontbaut afin de poursuivre ses études au lycée. Mais, là-bas, d'autres surprises l'attendent... Le jeune garçon a remarqué un moulin qui semble mystérieusement abandonné. Il règne autour de ce lieu insolite un secret étrange, que le jeune héros aimerait bien percer. Et voilà que soudain, ces mots bizarres, qu'Alexis dit parfois sans y penser, sont utiles pour comprendre le mystère. Quelle étrange histoire ! La vie d'Alexis s'en trouve bouleversée. " (Nathalie Christoux)

[EXTRAITS] :

" L’orage avait balayé le plateau pendant des heures. Alexis regardait les énormes nuées que le soleil bas illuminait. "

*

[TEXTES CRITIQUES] : 

" Maman m'a dit que ça ne servait à rien de t'écrire, que là où tu es, tu ne peux pas vraiment me répondre. Mais cela ne fait rien, j'ai tout de même des trucs à te dire et je suis persuadé, tu m'as persuadé, que d'une manière ou d'une autre ça parviendra jusqu'à toi.

D'abord, je dois t'avouer que des livres, j'en avais pas lu beaucoup avant le tien. Quelques illustrés et seulement un fantômette de ma sœur. Juste histoire de la faire enrager un peu.

Parce que maman disait : " Laisse ce livre à ton frère, pour une fois qu'il a le nez dans un bouquin ! "

Alors, quand papa m'a collé celui-là dans les mains, après m'avoir confisqué ma bidullebox, les manettes, mon smartphone et la télécommande de la télé, j'étais pas vraiment enchanté.

Pourtant, dès les premières lignes, ce qu'il y avait à l'intérieur m'a capté. Peut-être à cause de l'enfant, de la vie qu'il mène avec son grand père, loin de l'école, libre comme un sanglier.

En fait, je ne saurais pas trop dire. Y a presque pas d'histoire, juste cet enfant menteur, qui pourrait être moi, la forêt, une maison à la géométrie incompréhensible et des gens qui passent comme des nuages dans le ciel, avec de temps en temps, une averse, un éclair suivi d'un coup de tonnerre et des espèces de lumières qui déchirent tout, sans prévenir, comme on a par chez nous.

Pour sûr, à cause de tout cela, je suis obligé de te dire un peu merci.

Tout de même, je t'en veux vraiment beaucoup. Parce que, vois-tu, quand j'ai eu fini le livre, je me suis senti si seul !

J'avais même plus envie de tirer les cheveux de Babette, ou de casser des trucs sans le faire exprès. Plus rien ne m'intéressait.

Il parait que tu en as écrit d'autres, des livres. Un jour prochain j'y mettrai certainement le nez, mais en attendant je retourne dans ta forêt retrouver Alexis. "

[Aunryz, site communautaire de lecteurs Babelio, 26 octobre 2015]


[1968]

L'azur 3  L'azur

   

L'azur

1968, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 252 pages

réédition : Gallimard, coll. "folio", 2003, 335 pages

[27ème ROMAN]

Émilien Dombe s'engage comme chef de culture dans une ferme du hameau de Rieux qui domine une vallée livrée aux ronces et aux épines. On y raconte une étrange légende, prétexte aux intrigues où les intérêts se mêlent aux passions amoureuses : une jeune fille inconnue apparaîtrait de temps à autres dans la campagne. Un jour, Émilien rencontre une jeune fille et découvre qu'elle n'est qu'un fantôme. Sa vie s'en trouve entièrement bouleversée...

   

*

[EXTRAITS] :

" Le ciel était noir au-dessus de Saint-Sulpice avec des quantités d'étoiles. Emilien regagna le boulevard Saint-Michel et remonta le long du trottoir animé. Il se devait d'être mélancolique, mais cela ne lui disait rien de mener cette mélancolie jusqu'à l'infini. Tous ces gens sen fichaient d'ailleurs et ignoraient complètement Emilien. Les enseignes des cafés et des cinémas resplendissaient. il buta sur Fabienne. Il s'écria :
‒ Encore toi ! 
‒ Tu viens au cinéma, dit-elle ?
‒ Une idée, dit Emilien.
Quel film ? Cela n'avait pas tellement d 'importance.
‒ Tu l'as raté, ton rendez-vous.
‒ Complètement raté dit Emilien.
‒ Ce sera pour une autre fois.
‒ Je pars demain matin.
Le film était commencé. Une histoire en couleurs à la frontière du Mexique. L'azur. Une fille superbe. Et puis des tas de discussions. Encore l'azur.
‒ Fabienne, souffla Emilien.
Qu'est-ce qu'il voulait lui dire ? Il dit :
‒ Embrasse-moi !
Elle lui donna un baiser. Un film sans un baiser ça n'a pas de sens. "

[L'azur, 1968 ; réédition Gallimard coll. "folio", 2003, pages 14-15]

*

" Les nouvelles du pays. Un tel est mort. Le fils d'Alfred s'est marié le mois dernier. Cela ne changerait rien à ces champs plats qu'on voyait par la fenêtre entre deux villas. Les Dombe se demandaient si leur fils s'aviserait bientôt de se marier lui aussi, mais ils ne disaient rien à ce sujet. Plus on se tait, mieux ça vaut. Oui, un des lapins s'est sauvé dans le jardin. Il faut le rattraper. "

[L'azur, 1968, réédition Gallimard coll. "folio", 2003, page 18]

*

[TEXTES CRITIQUES] :

" DANS UN HAMEAU DE CHAMPAGNE "

" Dans l'oeuvre d'André Dhôtel, l'invraisemblable côtoie à tout instant le miracle. Les histoires surnaturelles, les fables ont le pouvoir de transfigurer l'univers et de révéler les personnages à eux-mêmes, en délivrant la vérité qui les habite. Et la beauté semble toujours tenir du prodige. C'est souvent sur une apparition que s'ouvre l'aventure. Ainsi dans L'Azur, tous les personnages qui traversent l'histoire, crédules ou retors, simulateurs ou faussaires, conjurés ou victimes, sont finalement profondément marqués par le passage du surnaturel, du magique, même s'il est, en fin de compte, démontré que l'imposture est l'auteur du miracle. [...] C'est avec un art toujours égal qu'André Dhôtel tient serrés les fils de l'intrigue et du rêve, mêle le féérique, la poésie du grand vent et des terres désolées, en friche sous le ciel, aux sombres calculs de l'argent, de la passion et de la peur. [...] "

[Alain Clerval, La Quinzaine Littéraire, 1er au 15 mai 1969 - extrait de l'article intégralement reproduit dans le Bulletin n°5 de "La Route inconnue", Association des Amis d'André Dhôtel, août 2003, page 24]

*

L'azur est l'aventure du temps qui passe, soit le brillant 30ème des 49 "romans et récits" dus à l'étonnante prodigalité de l'étonnant (et bien sûr toujours largement méconnu) romancier-conteur oriental que restera André DHÔTEL [1900-1991].
"Conteur oriental", oui ! Rappelons que l'Ardennes et la Champagne demeurent "ses" Chasses domaniales (universelles) les plus familières...
Bien sûr retrouvées ici - d'un roman à l'autre - cette clarté absolue, cette prodigieuse richesse et cette si curieuse "fausse simplicité" de la langue dhôtélienne. Matériau noble que certains apôtres du "parler Cash" despentien - habituels lecteurs de prose-magazine suffisamment surlignée - pourront juger "désuète"... (sic). Bref, vertus vraies devenues "exotiques" à pas mal de lecteurs : c'est ainsi ! Donc, vive l'exotisme (sincère) et la caducité des camaïeux, émaux ou autres yeux et mots bleus (Cf. "La tribu Bécaille"[1963])... 
Ne nous emballons pas.
Car - selon notre goût personnel - L'azur, publié en 1968 est loin d'être une oeuvre sans défauts. Peut-être parce qu'il se situe dans le sillage d'un chef d'oeuvre : son Pays natal [1966] (qui sera suivi de Lumineux rentre chez lui [1967]) et qu'il précédera 3 nouveaux chefs d'oeuvre : le célèbre conte L'enfant qui disait n'importe quoi [1968] puis deux romans d'une maîtrise sans égale : l'épais Un jour viendra [1970] puis La maison du bout du monde [1970], sorte de cristal romanesque quasi-parfaitement épuré de toutes scories...
Quelques petits nuages passent dans "l'Azur" et s'y étirent, ma foi, parfois un peu inutilement : tel cet épisode bien longuet des taureaux échappés de l'enclos des Desterne, avec sa profusion des demoiselles rencontrées et des amourettes dévoilées [pages 69 à 91 de l'édition "folio" de poche]... ou ce dénouement volontairement "saboté" en 3 pages finales [329 à 331] : dame ! on sent ben que le p'tit père Dhôtel était pressé de passer à autre chose, crebleu, et donc de se débarrasser le plancher à ces coeurs envahissants d'Emilien et Fabienne !
Profusion supra-balzacienne des personnages (mais on finit par s'y retrouver et le chat-conteur ardennais retombe toujours sur ses quatre pattes !).
Nul n'est parfait, Dhôtel se flattait d'être un "romancier mineur" (une conviction délirante parmi d'autres), involontairement "produisait beaucoup"... et nous devons partir à l'assaut de son Continent pour y trouver NOS chefs d'oeuvre... Je rappelle tout cela puisque l'étiquetage ou le tri subtil entre "textes romanesques parfaitement maîtrisés" et "les autres" n'a toujours pas été produit à ce jour, ni donc subjectivement "assumé" par tel ou tel fin connaisseur-explorateur de l'Oeuvre généreuse d'André DHÔTEL : ce qui est fort dommageable à l'Oeuvre d'A.D. puisqu'entretemps, l'amnésie du lectorat "de masse" poursuit sa carrière...
Dans l'un de ses entretiens, Dhôtel semble se rire du côté parfois redondant, grandiloquent et parfois assez artificiel de ce qu'on nomme "LA" poésie - tout comme de la langue "calibrée" et si peu inventive de pas mal de "poètes" autoproclamés (bien qu'ayant commis 3 essais sur son compatriote Rimbaud)
Je rejoindrais l'avis de notre amie babéliote Eleonora, parlant de sa découverte du style de l'un des "nos" romanciers favoris et (bien sûr) méconnus, A.D. : "émerveillée par son écriture, sa simplicité miraculeuse, ces merveilles cachées au sein du quotidien, la réalité et le divin qui cohabitent à chaque ligne".
Mais je n'en dirai pas plus et vous laisse découvrir TOUT l'univers champêtre (avec ses fantastiques clairières parisiennes) d'Emilien Dombe, Fabienne, Jenny Janret, son "visage de chat" et son frère Edouard, son père Hector et Mme si effacée, de Blanche et Alcide Desterne, d'Aurore (la fille chapardeuse de Ralph), de Prabit l'usurier avare et son frère Amédée disparu à la poursuite d'une inconnue, de la dynastie ruinée des Comtois (le fils Léon fait l'horloger rural), des gamins du charpentier chercheurs d'un trésor envasé dans la rivière, de Chimard le botaniste (l'âme cachée et la mémoire du hameau sauvage), d'Edmée Biermes et sa famille si "BCBG", des Seurdon, du hameau des Rieux, de Dongy, de Reims, de Gibraltar...de la fille-fantôme au grand chapeau de paille et au sourcil légèrement fendu...

[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 2017]


 [1969]

Un jour viendra

Un jour viendra

1969, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 298 pages ;

réédition : éd. Phébus (Paris), collection "libretto", 2003, 288 pages (8,90 euros)

[28ème ROMAN]

A l'âge des gamineries déjà, Antoine Marvaux se trouvait fasciné par les objets de bazar, les trésors de rebut, les images à deux sous. Il devient kleptomane et, montré du doigt par tous les gens du coin, se met à fréquenter les plus douteux compagnons. Repoussé par une camarade d'enfance qui lui a inspiré un grand amour et bien qu'enchanté par sa propre honte, il se met en désespoir de cause à l'école de la vertu. Mais le destin se moque bien des louables intentions. Personne ne croit à son innocence et, la rumeur aidant, on en vient à le soupçonner d'un crime. Jusqu'à ce que sa route finisse par croiser celle d'une gamine perdue, et de quelques femmes moins fréquentables ancore, auprès desquelles il découvrira un autre amour.

 *

[EXTRAITS] :

" La prairie... Cette nuit, dans la vague lumière, il savait distinguer les plantes les plus minces, éparses sur le sol de craie. Il les connaissait avec son coeur s'il ne savait leurs noms, vipérines, scabieuses, centaurées à épines et des graminées qu'on ne voyait nulle part ailleurs ; ça et là les grands chandeliers des chardons de toutes sortes. L'étonnant c'était l'étendue de cette terre toujours un peu lumineuse, même quand il pleuvait. La vaste prairie légèrement déprimée annonçait le lointain des plaines environnantes, comme si elle était elle-même lointaine déjà. La beauté... Il ne pourrait jamais expliquer pourquoi il s'était attaché à cette prairie, comme on explique lorsqu'on aime une fille, une famille ou simplement un jardin, une maison. Elle avait une importance d'autant plus grande qu'elle ne jouait aucun rôle dans sa vie et que sa vie n'avait pas de sens. "

[Un jour viendra, 1969 ; rééd. Phébus "libretto", 2003, pages 26-27]

*

" Le Bazar ! il n'avait pas manqué de s'arrêter pour considérer les deux étages de vitrages. Il songea qu'il avait fallu à peu près démonter la façade pour établir ces cadres de fer qui maintenaient le prétentieux ensemble de vitrages. Mais en même temps ses yeux lisaient le nom qu'il avait vu sans saisir les syllabes et qu'il avait cherché en vain à retrouver dans sa mémoire. En vérité il y avait deux noms : DURAND & FALORT.
Il répéta dix fois : "pas possible", et sans réfléchir le moins du monde, il entra dans le bazar. "

[Un jour viendra, 1969 ; rééd. Phébus "libretto", 2003, page 162]

*

[TEXTES CRITIQUES] :

LES MERVEILLEUSES IMAGES "

" L'Ardenne est un pays étrange, plus complexe qu'on ne croit, nombreux même, qui tantôt découpe des paysages de plaine, avec des prés chiches, des bosquets semés en désordre, où les routes se tortillent, entravées par des sentiers un peu hagards, il y a des mares couvertes de lentilles d'eau, puis des bras de rivière aux détours desquels se nichent les touffes de cresson, - et, tantôt, plus loin vers l'est, le visage se durcit : ce sont les sapinières qui abritent la ténèbre et le silence, des gisements d'ardoise, un ciel plus sombre. Mais ici et là, les jardins sont semblables, dans lesquels les maisons sont enfermées : ce sont des arceaux où les rosiers font des voûtes et d'où s'effondrent les cloches du lilas. [...] En sa soixante-dixième année, André Dhôtel vient de rajouter une strophe admirable à cette sorte de louange pastorale en qui son oeuvre s'est muée. Un jour viendra, qui est une légende, fait plus complet le poème, ajoute à l'ensemble cette touche de vie moderne qui, par là même, démontre que les images, en tout temps, pour qui sait voir, sont merveilleuses."

[Hubert Juin, extrait de son article Les merveilleuses images - revue "Les Lettres Françaises", n°1320 - 4 au 10 février 1970]

*

" Découverte il y a quelques années, cette tendre histoire de kleptomane provincial, parue pour la première fois en 1969... Souvenir émouvant des labyrinthiques rayons du cavernicole bazar DURAND & FALORT (*) s'ouvrant prosaïquement sur le Grand Place de Flagny... On suit les aventures (sentimentales et professionnelles) d'Antoine Marvaux avec la même passion qu'on suivait jadis les turpitudes de Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir de l'ami Stendhal... 

Signalons aussi la majestueuse critique de ce (trentième) roman dhôtelien par Hubert Juin dans "Les Lettres Françaises" en 1970 ‒ dont on aura découvert l'émouvant extrait reproduit ci-dessus. 

Si effectivement "L'argument" (ou "L'histoire", ou le "De quoi ça cause ?") chez Dhôtel ‒ comme chez bon nombre d'auteurs ‒ n'a pas tout à fait aucune importance ‒ ce serait vous mentir ‒, le fait est que l'on retienne surtout que l'auteur écrit ‒ naïvement ‒ comme un dieu ! Un dieu lare, sans doute : un dieu intime... 

[Cf. extrait de l'article de Wikipédia : " Les Lares, parfois aussi appelés Genii loci, sont des divinités romaines d’origine étrusque (de l’étrusque Lars, seigneur). Ils sont des divinités particulières à chaque famille, le Lar familiaris est le dieu de la maisonnée qui protège toute la famille. On les fête le 11 des calendes de janvier (22 décembre). "]

Le génie du lieu. Ce Lieu d'où "tout" part et vers lequel "tout" ramène... Ce lieu qui génère lui-même "ses" personnages... "Omphalos" inlassable d'André Dhôtel, ce "conteur oriental" universel... celui qui ‒ dès 1955 ‒ nous rendit les Ardennes plus inoubliables et immortelles que la percée de Sedan (1940, hélas...) ! "Pays d'où l'on ne reviendra jamais" (du moins , pas tout à fait comme avant...)

Bref, une somptueuse réédition de Phébus (collection "libretto", 2003) qui ‒ à prix dérisoire ‒ rejoint celles de Ma chère âme (1961) , Pays natal (1966) et Les disparus (1976) : ces incroyables et increvables chefs d'oeuvres poétiques, eux aussi pour l'instant 100 % ignorés du "lectorat de masse"...

(*) Doux sentiment de fausse familiarité, comme avec ces frères siamois passablement énervés (& malchanceux voisins du journal "Spirou") DUCRAN & LAPOIGNE d'André Franquin : double motif ornant les frasques de son légendaire "Gaston Lagaffe", héros de saga(-ffe) ordinaire... 

[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 2017]

*

C'est le dixième roman de Dhôtel que j'ai lu. C'est vraiment un auteur qui déborde d'imagination, nous emmenant dans des aventures sans fin, qui s'enchaînent les unes les autres ; sans arrêt des rebondissements, au point que, non pas la tête nous tourne, mais qu'on ne se remémore plus ce qui est arrivé quelques pages auparavant ; c'est une débauche d'événements qui viennent comme une vague et nous étourdissent. Mais c'est aussi, et c'est là tout l'intérêt, comme un rapport au présent du monde réel.

Tout se passe toujours dans une nature flamboyante, surprenante, délicate et accueillante ; un détail, une ombre, un froissement et le monde est là. Constamment la poésie est au bout des doigts.

Et puis, cet humour, notamment dans les débuts de ce texte : un pince sans rire notre Dhôtel !!

[Ollivier, site communautaire de lecteurs Babelio, 3 décembre 2019]

[1970]

La maison du bout du monde 2  La maison du bout du monde

   

La maison du bout du monde

1970, éditions Pierre Horay (Paris), 216 pages ;

réédition : éd. Horay (Paris), 2005, 184 pages

[29ème ROMAN]

 Le jeune Florent vit avec sa marraine, une vieille demoiselle ; elle lui conte un jour la légende d'une antique chaîne d'or qui a l'étrange propriété de toujours échapper aux mains de ses possesseurs. Or, un vagabond apprend au jeune homme que cette chaîne est bien réelle, puisque, pour son malheur, il l'a eue entre les mains. Bientôt, Florent reconnaîtra le joyau au bras d'une jeune fille, Laure, qui deviendra son amie. La chaîne disparaît, et il faudra la rechercher à travers maintes péripéties... Avec ce livre enchanteur, André Dhôtel recrée l'atmosphère merveilleuse du Pays où l'on n'arrive jamais (Prix Femina 1955), cette beauté mystérieuse où le rêve rejoint une troublante réalité.

*

[EXTRAITS] :

  " Le repas, dans la cuisine pleine de fraîcheur, fut empreint d'un calme profond. [...] Une guèpe bourdonnait sous les rideaux, et il semblait que ce fut le seul son qui ait pu subsister dans le monde. Cette salle retirée laissait pressentir le silence qui régnait sur des lieues de plaines désertes.
Vous êtes bien isolés, dit Thomas Roudart après s'être servi une pomme de terre et deux carottes. Vous ne savez jamais ce qui se passe. Votre été reste aussi vide que l'hiver.
Vous n'aimez pas la solitude ? observa Mlle Dargnies.
J'ai beaucoup d'amis d'un jour à travers le pays, dit Thomas.
Un silence. Thomas regarda par la fenêtre.
J'ai cru voir une ombre. Peut-être l'ombre d'un oiseau.
Nous avons des hirondelles et toutes sortes d'oiseaux, dit Mlle Dargnies.
Qu'est-ce qu'on entend ? reprit l'homme.
Rien. C'est la guèpe, dit Mlle Dargnies. Auriez-vous peur des gendarmes ?
Les gendarmes ? Non, bien sûr. C'est-à-dire... Enfin, j'ai ma conscience pour moi.
Il est bon d'avoir une conscience. Cela n'est pas donné à tout le monde, trancha Mlle Dargnies d'un ton sec.
Thomas Roudart la regarda, puis il déclara :
Je suis né dans un accident de chemin de fer. "

[La maison du bout du monde, 1970 ; rééd. Horay, 2005, chapitre II : "Monsieur Thomas Roudart", pages 32-33]

*

" Ce fut alors pour lui un enchantement. Il s'arrêta à chaque vitrine pendant un long quart d'heure. Il n'était pas ébloui, mais profondément intéressé par les usages de tous les objets qu'il voyait : machines ménagères, appareils de radio et de télévision, cannes à pêche. Il ne prêtait aucune attention aux mouvements de la rue, ni aux voitures. L'étrange, pour lui, c'était la variété des machines qu'il découvrait et dont il n'avait aucune idée. Il lut des affiches, des prospectus expliquant le fonctionnement et les avantages de tel mécanisme, que ce fut un couteau électrique ou une tondeuse à gazon.
Quand il arriva sur la place de la mairie, l'horloge marquait deux heures de l'après-midi. Il avait faim, mais il ne se souciait pas d'avoir faim. Il se détourna des boulangeries et des épiceries. Il alla regarder la vitrine d'un horloger. Il fut étonné par le jeu de balanciers imprévus formés de boules dorées ou de disques qui tournaient. C'était insondable comme le ciel étoilé. Il lui semblait que sa vie changeait. Il quitterait Prébail et vivrait avec ces merveilles, lui qui avait des mains et un esprit d'artisan. Pourquoi personne ne lui avait-il appris que cela existait au lieu de lui faire des contes ? Les pendules marquaient trois heures lorsque ses jambes fléchirent et qu'il s'effondra sur le trottoir. "

[La maison du bout du monde, 1970 ; rééd. Horay, 2005, chapitre IV : "Rencontres", pages 75-76]

*

" Il éprouva une véritable haine pour une belette qui venait égorger les poules et qu'il guetta pendant des jours. Il finit par la tuer d'un coup de pierre, et se trouva très étonné et désolé de voir le corps nerveux abandonné comme dans le sommeil, et surtout les petits yeux cruels désormais éteints et envahis par on se savait quel rêve."

[La maison du bout du monde, 1970 ; rééd. Horay, 2005]

*

[TEXTES CRITIQUES] :

J'entendais dans le poste les niaiseries habituelles : " Les jeunes sont en manque d'idéaux [... ] "... eh bé, ça tombe bien... car, d'idéaux, les romans d'André Dhôtel en sont pleins : et même, emplis à ras-bord ! Alors, les djeun's, foncez-y, et vivez-nous ça à donf !! Des romans d'André Dhôtel, j'en ai compté (entre ses Campements de 1930 jusqu'à ses Vaux étranges et Lorsque tu reviendras de 1986) pas moins de... 49 ! Alors... qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ?

Un exemple ? Tenez, avec cette Maison du bout du monde, parue chez l'éditeur Pierre Horay en 1970 - soit 15 ans après le succès de son justement célèbre Pays où l'on n'arrive jamais (fameux prix Femina de 1955) -, et somptueusement rééditée par Horay en 2005, acquise au prix de seulement 15 euros : car c'est immédiatement magnifique ! Le réalisme poétique, cette histoire à la fois improbable et magnifiquement crédible d'un gamin de 12 ans vivant avec une vieille fille - tous les deux en symbiose avec la nature -- dans un vallon oublié au milieu de la plaine déserte... Et l'on est aussitôt "happés" par les destinées jointes de Florent et de Mlle Dargnies... et dès le chapitre I (nommé, sans surprise, "Un étrange vallon"). Une littérature authentique : authentique car modeste, et qui ne cherche pas à "faire sa maline"... Et "ça" vous invente un monde - son petit monde, finalement immense - à chaque bout de phrase... Une littérature d'INVENTEUR !

Ici seulement huit chapitres (*) tous joliment nommés, "à l'ancienne", bien serrés en 175 pages, caractères d'imprimerie agréables, joli format presque carré : vous en aurez pour votre argent ! Vous rendez-vous compte ? Quarante-neuf belles oeuvres romanesques oubliées, rééditées les unes après les autres depuis 2003 (Horay + Phébus collection "libretto" + Gallimard collections "folio" et "folio junior" + Grasset collection "Cahiers rouges" + Le temps qu'il fait + Fata morgana) et... à découvrir ! Veinards que nous sommes...

Eh bien ? Que vive (comme la moutarde) la littérature à l'ancienne... ou mieux ? Que vive LA Littérature ! Cette littérature – jamais oubliable et toujours oubliée – d'André Dhôtel... Et enfin ? Que vive Dhôtel l'immortel (1900-1991) puisque ce Dhôtel écrit comme un dieu ! Un dieu modeste, mais un dieu quand même...

 

(*) I. Un étrange vallon / II. Monsieur Thomas Roudart / III. A travers les mensonges / IV. Rencontres / V. Evénements et sentiments divers / VI. Dans le faubourg / VII. Laure se révolte / VIII. Une nuit...

[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 2016]


[1971]

Nord-Flandres-Artois-Picardie 

   

Nord - Flandre - Artois - Picardie

1971, éditions Sun (Paris), texte d'André DHÔTEL, photographies de Jacques Fronval, Christian de Rudder, Alain Perceval et de Jacques Verroust, 95 pages

[RECIT GEOGRAPHIQUE]

*

[EXTRAITS] :

*

[TEXTES CRITIQUES] :


[1972]

   

 

L'honorable Monsieur Jacques 2  L'honorable Monsieur Jacques

L'Honorable Monsieur Jacques

1972, éditions Gallimard (Paris), collection Blanche, 290 pages ;

réédition : Gallimard, collection" folio", 2003, 358 pages

[30ème ROMAN]

Jacques Soudret, brillant chercheur dans un laboratoire parisien, a épousé la belle Viviane Aumousse. Peu après, la jeune femme a disparu sans un mot, sans une explication. À la recherche de Viviane, Jacques découvre la campagne de la Saumaie, avec ses orages, ses habitants, ses mystères... Dérouté par cet étrange pays, il abandonne peu à peu sa morgue de scientifique, pour se laisser envoûter par la magie des lieux qui le guidera peut-être vers celle qu'il aime.

*

[EXTRAITS] :

Le facteur survint, alors que le ciel ne s'était pas encore voilé. Rosalie l'avait attendu sur le seuil. Quelques prospectus, un journal. 
– Rien d'autre ? demanda Rosalie. Comme d'habitude Augustin fouilla dans son sac et feuilleta un paquet de lettres. Il y avait encore au fond de l'air un parfum de rosée. Augustin en triturant son courrier ne manqua pas de regarder à la dérobée le visage et les yeux dorés de Rosalie. Une lettre tomba sur le carreau. Augustin la Rosalie lui saisit le poignet :
– Laissez-moi voir. Je crois que j'ai aperçu mon nom sur l'enveloppe.
– Votre nom ? Pas possible.
Augustin chercha vainement à escamoter la lettre.
– Je lis bien, dit la jeune fille : Rosalie Aumousse, École communale. Mauterre.
– Pas possible, répéta Augustin. Mais il n'y a pas de timbre sur l'enveloppe. Quelqu'un m'aura fourré cette lettre dans mon sac.
– Donnez-moi cette lettre, dit Rosalie.
– Je n'ai pas le droit. Je devrais vous faire payer la taxe. D'abord il me faut savoir qui c'est et lui demander de mettre un timbre.
– Mettez-y un timbre vous-même, et donnez-la-moi.
Augustin semblait désespéré.
– Puisque vous insistez, dit-il enfin. Attendez, attendez... Il tira une feuille de timbres de son sac, en détacha un de façon minutieuse, le colla sur l'enveloppe, puis avec un crayon il fit une croix dessus.
– Voilà, c'est Vous me direz d'où elle vient cette lettre. 
Rosalie la prit et l'ouvrit brusquement.
A l’intérieur, il y avait une superbe feuille blanche. Ce n’était rien d’autre que la lettre imaginaire qu’Augustin adressait à Rosalie depuis un an. Tout récemment la lettre était devenue réelle mais rien qu'en ce qui concerne le papier. Rosalie fit semblant de lire puis elle regarda Augustin droit dans les yeux.
– Une lettre d'amour, dit-elle. Je n'en ai jamais reçu d'aussi belle.
– Alors ça serait indiscret de vous demander qui c'est, dit Augustin d'une voix tremblante.
Il tourna le dos, et fila par la porte de la grille qui était restée entrebâillée et qu’il claqua.
– Augustin ! Augustin ! cria Rosalie. Il n'écoutait rien. Il avait fait pétarader son vélomoteur, rien que pour se rendre en face, au garage de Crépart. 
Rosalie s'était avancée derrière les grilles, et regarda entre les rosiers. Ce fut à ce moment qu'un premier nuage dépassa le haut d'une colline et s'immobilisa, tandis que la lumière changeait.

[L'honorable Monsieur Jacques, 1972 - extrait choisi par Aunryz, site communautaire Babelio]

*

[TEXTES CRITIQUES] : 

" Un des romans d'André Dhôtel qui ne me quitte jamais.
Des passages (leur esprit) se sont gravés en moi ou plutôt s'y sont installés, car André Dhôtel ne distille pas des leçons de vie, il éveille en nous ce qui, si proche de nous en notre enfance, a parfois manqué d'eau, de lumière ou a été recouvert par des leçons bien apprises, appuyées par la persuasion et les explications des maîtres.

On peut lire La complexité d'Edgar Morin pour se persuader que le monde ne se résume pas à l'abstraction qu'en donnent les mots de la science.

On peut aussi retrouver en soi cette connaissance en lisant L'honorable Monsieur Jacques, celui que les gens de la Saumaie aiment bien, parce qu'il se souviennent de lui enfant, et qu'ils respectent comme savant tout en étant désolé pour lui qu'il ne puisse pas comprendre, du fait même de toute cette science, pourquoi sa femme la quitté.

La délicatesse de l'écriture participe à l'entrée douce et progressive du lecteur, et de Monsieur Jacques dans ce monde étrange de la Saumaie, ces trois villages où Viviane, l'épouse, s'est réfugiée.

Il faudra au héro (mais est-ce vraiment lui le personnage central du roman ... ici pas de projecteur pas de second rôle) ... il faudra au héro donc, se dépouiller de toutes ses certitudes pour comprendre que Viviane n'est pas l'enfant insouciante qu'elle semble être, que sa soeur n'est pas non plus une fille de petite vertu, et que si L'oncle bredouille, est à moitié aveugle et n'entend pas bien, c'est pour mieux parler, voir et entendre ce qui échappe à l'oeil, l'oreille, la bouche qui sait déjà avant de percevoir.

Monsieur Jacques devra se perdre, tourner en rond, alors même qu'il pense aller droit, douter de l'évidence, brûler les tiroirs où il sait si bien ranger toute chose comme on lui a appris, retrouver l'utilité du chemin pour lui même, silence entre deux lieux, de l'ennui, silence entre deux temps, des mots qui disent précisément ce qu'ils ne disent pas et qu'on entend pourtant grâce à l'amitié, à l'amour, à la confiance.

[Aunryz, site communautaire de lecteurs Babelio, 8 juillet 2015]

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" Curieux pacte passé avec les livres (si nombreux) de Dhôtel : leur lecteur y cherche "des émerveillements" — et bien sûr les y trouve. Au fil des pages. Abrupts et inattendus. Comme dans la vie. Ainsi que les décrivait le poète prosateur Bruno Schulz dans l'une de ses nouvelles enchantées (Le Livre in Le sanatorium au croque-mort, 1936 — traduction Denoël, 1974) : "Les hirondelles s'envolent d'entre les lignes".
Dhôtel joue avec l'attente de son lecteur. Cette attente rare. Proche de celle des protagonistes guettant "Le Désert des Tartares" de Dino Buzzati (1940). Sauf qu'ici — chez Dhôtel, notre généreux hôtelier ardennais — nul personnage n'attend vraiment quelque chose de précis... Ils vivent leur vie ordinaire ponctuée d'éblouissements (lueurs fugaces d'une "Autre vie" possible et entrevue... ). Ici, c'est le lecteur qui attend — et n'est jamais déçu.
Deux pages romanesques — à propos de chardonnerets, de bagarres alcoolisées, d'ondées orageuses et de tournées de facteur —, deux pages seulement pour installer l'amour muet du facteur Augustin pour l'insaisissable institutrice Rosalie. Augustin Sille... Rosalie Aumousse... Des patronymes qui sentent aussitôt cette pluie d'orage des deux premières pages. Ainsi sommes-nous installés (ou plutôt vagabonds) dans le monde Dhôtel en deux pages de roman. Et ainsi soit-il... 
L'honorable Monsieur Jacques est une prouesse narrative. Les dialogues y sont nombreux. L'intrigue et les personnages fourmillent. C'est bien une littérature provinciale ruisselante — totalement assumée — qui vous nargue les mornes platitudes "à l'épate parisienne". Bien fait ! Et le match est gagnant pour les "bouseux", d'ailleurs... Un peu "Gracq" contre "Trash", si l'on veut... Dialogues beaucoup plus denses que dans les si contemplatifs Ce lieu déshérité (1949), Le Pays où l'on n'arrive jamais (1955), Ma chère âme (1961), Pays natal (1966) et La maison du bout du monde (1970) qui sont désormais nos plus solides références en matière de belle Poétique dhôtelienne...
Rosalie Aumousse et Augustin Sille sont d'ailleurs deux figures hautement contrastées — et dites "secondaires" — évoluant en parallèle au couple "central" et improbable que formera Viviane Aumousse (soeur de Rosalie) et Jacques Soudret (fils de pharmacien) : mariés en si peu de temps, séparés quelques misérables mois plus tard -- pour raisons mystérieuses et probables immenses incompatibilités...
On retrouve ici la grâce de huit chapitres "à titre" qui faisaient l'un des charmes de "La maison du bout du monde" [Ils furent douze dans "Le Pays où l'on n'arrive jamais"] : I. Le mariage ne va pas sans périls / II. Complications rustiques / III. Superstitions / IV. Poursuites et enquêtes / V. Incroyables rencontres / VI. Des signes mystérieux / VII. Nouvel orage / VIII. Au bord de la rivière.
Quel incroyable manque de prétention !!! Un "défaut", certes, assumé par notre "si provincial" Ardennais... et assumé en totale humilité d'artisan : une attitude désuète, vraiment ? "LITTERATURE", pourtant... Mais ne nous leurrons pas : ce que nous nommions "Littérature" est devenue concept minoritaire (et quasi-invisible) dans ce flux incessant d'objets de consommation courante nommés "livres" : flux qui nous étouffe peu à peu. Déluge ou déversement continuel d'objets effectivement "livresques" (matériels ou virtuels) emplis de caractères d'imprimerie qui n'ont — pour la plupart — nul souci d'invention (ni inventeurs d'un monde ni d'un style), ou de tenue de la moindre Poétique interne...

Chaque titre de chapitre s'adresse ici  — déjà — à notre imaginaire. Nous conte déjà "son" histoire... Un moment déjà vécu par nous, à revivre en imagination... Attente bientôt comblée, qui sait ? Bonheurs à venir de toute lecture dhôtelienne : quatante-neuf "romans ou récits" - sans compter essais et recueils de nouvelles, à découvrir... le saviez-vous ? "Littérature à l'ancienne" ? On s'en f...t ! Que du bonheur... "

[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 2016] 


 [1973]

Le Soleil du désert

Le Soleil du désert

1973, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 256 pages ;

rééd. : éditions Phébus, collection "libretto", 2005, 192 pages

[31ème ROMAN]

Jonas, quinze ans, se voit expédier par les siens au lycée de la ville voisine, où il doit poursuivre ses études. Il se trouve qu'il pense à tout autre chose qu'à étudier. Il s'endort dans le train, descend à la mauvaise gare, flâne dans un bourg pavoisé pour la fête, s'amuse avec ceux de son âge, entrevoit une fille aux longs cheveux noirs et aux yeux verts qui répond au nom bizarre de Suzannah, la perd de vue... De nouveau, il succombe au sommeil et se retrouve au milieu d'un bizarre désert : les gens qu'il rencontre lui tiennent des propos incompréhensibles, un géant lui arrache sa cravate, une vieille femme lui lance à la figure des paroles peu plaisantes... Enfin Suzannah reparaît, ce qui n'est pas forcément pour simplifier les choses... Car la beauté, si elle éclaire d'un jour surprenant la sage grisaille du monde, a une drôle de façon de venir en aide à ceux qui se sont perdus en route. Dhôtel au pays des merveilles...

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1974]

Le couvent des pinsons

Le Couvent des pinsons

1974, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 360 pages

[32ème ROMAN]

Le couvent des pinsons : un ensemble de pavillons en apparence paisible. Le propriétaire, un professeur de musique, va être mêlé à des aventures inextricables involontairement provoquées par la fille du pâtissier et d'une tzigane. Il entre dans un monde fabuleux, mi-fictif mi-réel, se heurte aux mystères de la nature, des bêtes, des fleurs, des oiseaux qui jouent un grand rôle dans ce récit. Sont-ils la preuve du monde familier qu'André Dhôtel nous rend familier ?

   

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1974]

dhotelchamp

   

Le vrai mystère des champignons 

1974, éditions Payot (Lausanne), collection "Poétique", 80 pages.

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :

   

 [1975]

Le-Train-du-matinLe train du matin

Le Train du matin

1975, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", jaquette illustrée par Georges Lemoine, 280 pages

réédition : Gallimard, coll. "folio", 2004, 336 pages

[33ème ROMAN]

Une gare, des voies de chemin de fer aux embranchements complexes... Tel est le décor de l'étrange histoire de Gabriel Lefeuil, brocanteur à ses moments perdus afin de poursuivre des études universitaires. Gabriel a rencontré un singulier jeune homme amnésique qui circule inlassablement entre les rails du chemin de fer, comme à la recherche d'un trésor. On l'appelle Alfred. Quel est son vrai nom ? À la suite de quel voyage en Orient, de quelle aventure bouleversante a-t-il oublié son origine ? Serait-il revenu sur les lieux de son enfance pour tenter de retrouver son passé ? C'est le mystère que Gabriel s'emploie à élucider.

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[EXTRAITS] :

« A un moment il s’arrêta brusquement et regarda dans la rigole de ciment qui longeait la voie du côté de la clôture. Il murmura encore : « Six cent quatre-vingt-six », puis il repartit, cette fois à pas mesurés, comme s’il les comptait. Mais était bien incapable de compter. Simplement il cherchait un lieu qui peut-être n’était pas un lieu d’ici, mais d’un pays étranger. Gabriel ne perdait rien de ses gestes, espérant que son attitude lui révèlerait ses pensées, si toutefois il pensait. […] Enfin il arriva à l’endroit où s’amorçait le talus et il revint brusquement sur ses pas. Il fit plusieurs allées et venues sur une vingtaine de mètres, et se jeta soudain à genoux dans le fossé devant l’ouverture d’un caniveau sous la voie. »

[Le train du matin, 1975 - extrait choisi par Le Bouquineur, déc. 2017]

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[TEXTES CRITIQUES] :

Un village près de Rethel dans les Ardennes. Gabriel cumule les activités de brocanteur et taxi, tout en envisageant de poursuivre des études universitaires pour ne pas reprendre le garage familial. Au cours de ses promenades habituelles le long des rails du chemin de fer, il rencontre Alfred, un singulier jeune homme amnésique qui semble à la recherche d'un trésor. Alfred est-il son vrai nom ? A la suite de quel voyage en Orient, de quelle aventure bouleversante a-t-il oublié son origine ? Serait-il revenu sur les lieux de son enfance pour tenter de retrouver son passé ? Ces interrogations, Gabriel va tenter de les élucider.  

Qui donc est cet Alfred, centre des interrogations et suppositions ? Il est amnésique, s’exprime par mots isolés, répète sans cesse « 686 » comme un mantra ; « Sans doute il comprenait plus de choses qu’on ne pouvait croire. Simplement il y avait des ruptures dans ses pensées. » Gabriel tente de s’en faire un ami pour mieux le comprendre et l’aider ; et il peut compter sur ses copains du Bistro de la gare, Paticart (le bagagiste) et Rinchal (le guichetier), pour recueillir tous les potins du village courant sur l’affaire et d’autres, à moins que toutes ne soient liées.

Par exemple, il y a Jeanne qui de son côté cherche depuis des années à retrouver son frère Geoffroy disparu. Et si Alfred et Geoffroy n’étaient qu’un ? Jeanne qui selon la rumeur avait un rapport incestueux avec le disparu. Outre les gens, les choses aussi disparaissent, comme le coffret à bijoux d’Ida, ce qui fait jaser le village prêt à voir dans Gabriel le brocanteur, un voleur idéal. Par-dessus tout cela, un certain Gordique se mêle à l’intrigue. Il déteste Gabriel, voyant en lui un rival amoureux auprès de Jeanne et il ne manque pas d’inquiéter par ses agissements retors ou ses menaces verbales, « Vous avez avantage à ne rien dissimuler, et à vous tenir à l’écart. Parce que je suis résolu à toute extrémité. » N’oublions pas non plus, Isabelle, la fille du garde-barrière…   

Si vous n’aimez que les livres aux histoires bien carrées s’enchainant avec une logique implacable, passez votre chemin car ce roman étrange par son intrigue éthérée et son onirisme poétique, risque fort de vous désarçonner. Je dois admettre que j’ai fait des efforts pour suivre les péripéties mystérieuses autant qu’abracadabrantes dans lesquelles s’engagent Gabriel mais si on les lit avec l’œil du poète ou du doux rêveur, on peut tomber sous le charme.

Mémoire défaillante, amours secrètes, mystère à tous les étages, voyages imaginaires ou non, danger rôdant alentour et happy end… voici les principaux ingrédients de cet ouvrage hors du temps et des lectures classiques."

[Le Bouquineur, site Le Pavé dans la mare, article du 21 décembre 2017]

 

Gabriel Lefeuil est le fils du garagiste de Mocquy-Grange une petite ville des Ardennes. C’est un jeune dilettante qui partage son temps entre ses études de grec ancien et son activité de brocanteur amateur sans parvenir à se décider pour une carrière précise. Ses amours sont tout aussi floues puisqu’il n’ose déclarer sa flamme à la fière Jeanne Merandet qui ne songe qu’à partir à la recherche de son frère disparu en orient. Pour meubler son temps libre le jeune homme a l’habitude de se promener le long de la voie ferrée sans savoir que c’est là que va se jouer son avenir et celui de quelques autres.  

Exception faite du Pays où l’on arrive jamais » que l’on a sans doute un peu trop tendance à classer en littérature jeunesse - les romans d’André Dhotel sont encore largement méconnus du grand public. Il s’agit pourtant d’une œuvre originale et pleine de poésie qui rappelle un peu celle d’un Raymond Queneau par sa façon de créer des atmosphères quasi surréalistes à partir des objets et des lieux les plus banals. De manière insensible, à grand renfort de hasards et de coïncidences, il nous fait glisser dans une ambiance fantasmagorique et parfois absurde, mais sans jamais vraiment perdre pied avec la réalité. Une manière de nous inviter à considérer les choses et les gens autrement, à prendre notre temps pour regarder au-delà des apparences.

Le train du matin baigne dans cette étrangeté. Il débute comme une petite chronique provinciale, dans cette campagne ardennaise si chère à l’auteur. Là, entre Reims en Rethel, dans un pays de collines et de prairies, nous faisons connaissance avec des individus a priori tout à fait normaux. Il y a un brocanteur, une riche héritière, un arriviste et un jeune homme un peu simplet, la fille du garde-barrière et quelques autres. En leur compagnie, on semble être partie pour une comédie de mœurs où l’humour et l’amour vont se disputer les premiers rôles.

Et puis, sans que l’on s’en rende compte, le mystère s’insinue. Il est soudain question d’un vol de bijoux et d’un frère disparu dans d’étranges circonstances tandis que les personnages prennent des allures surprenantes. On croise désormais un amnésique et un hypnotiseur, il y a des femmes qui tombent des trains et des cheminots qui jouent les détectives. Car c’est aussi une véritable enquête qui nous est proposée avec pour seuls indices une carte postale, un camée et une statue grecque !

Le récit semble alors complètement embrouillé. Et pourtant tout est parfaitement sous contrôle. Toutes les pièces s’emboitent à la perfection pour une conclusion absolument logique et une fin bien entendu heureuse. Mais d’ici-là que de rencontres et de découvertes le long d’une ligne de chemin de fer qui devient pour l’occasion le centre d’un voyage initiatique. Elle est au cœur de l’histoire comme un trait d’union entre rêve et quotidien, entre passé et avenir. Elle est la promesse de changements nombreux et d’une vie moins monotone pour Gabriel Lefeuil, héros improbable d’une histoire qui ne l’est pas moins.

[rédacteur : Lekarr76, blog SF EMOI . Lien : blog : http://sfemoi.canalblog.com/archives/2017/09/26/35712684.html - publié le 26 septembre 2017]

   

[1976]

Les Disparus 3  Les Disparus

Les Disparus

1976, éditions Gallimard (Paris), collection Blanche, 304 pages

réédition : éd. Phébus (Paris), collection "libretto", 2005, 320 pages

[34ème ROMAN]

Rien de particulier ne signale le village de Someperce, si ce n'est peut-être la forêt alentour : bonheur des gamins qui s'y perdent à plaisir, mais s'y retrouvent toujours. D'où vient alors que cet été-là plusieurs jeunes gens de l'endroit y disparaisse sans laisser de traces - et parmi eux l'aimable Casimir ? Son ami Maximin le comptable va tenter d'éclairer le mystère, qui au fur et à mesure de sa recherche ne cessera bizarrement de s'embrouiller. Il est question de deux familles enrichies à l'occasion de trafics peut-être louches, d'un châtelain assassiné avant la guerre, d'une clairière où il vaut mieux ne pas s'aventurer - et d'une fille qui n'en fait qu'à sa tête... ce qui est peut-être la meilleure façon de tourner celle des garçons. " L'aventure, écrit Dhôtel à propos de ce roman auquel il tenait beaucoup, est touffue comme la forêt, au sein de laquelle on se perd avec horreur et émerveillement. Aussi la lecture devient-elle un jeu complexe où la curiosité, le silence, la peur et on ne sait quelle joie obscure se trouvent inextricablement mêlés. "

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :

S'annonçant par une citation de son voisin charlevillois Arthur Rimbaud ("Nous dormirons sur les pavés des villes inconnues"), Les Disparus est apparu en 1976 (l'auteur étant âgé de 75 ans) : il est aujourd'hui le 38ème chaînon des 49 "romans et récits" d'André Dhôtel. Un auteur-conteur prolixe qui se voulait/croyait "écrivain mineur". Et c'est un chef d'oeuvre. La littérature s'y invente à chaque phrase. D'imprévisibles enchantements s'y surprennent au fil des pages. "Anciennetés" qui sont autant de trésors enfouis au pied de l'Arc-en-ciel, à découvrir perpétuellement, quand tant d'entre nous se ruent sur leurs prévisibles et interchangeables "Nouveautés" (?). Cet homme - Dhôtel, "l'Ardennais [dans l'art d'aimer] universel" - re-créait "son" monde à chaque roman. L'histoire, la sacro-sainte "trame" de son histoire était secondaire : les LIEUX étaient l'élément dominant. L'enchantement ne surgissait que du plus plat quotidien des personnages et des saisons qu'ils traversaient.
Les disparus : au-delà de "l'homme au semelle de vent", c'est Casimir Fontan - le héros supposé - dont le personnage disparaît du récit à la page 38 de l'édition Phébus qui en compte 304. Reste son souvenir, son sillage, ses rêves, ses lubies et son ami Maximin Brégant (faisant fonction d'expert comptable mais aussi de gérant du camping municipal). Maximin a une soeur, Jeanne, qui en pinçait pour le disparu. Maximin s'agace de Véronique Leverdier, l'amie de sa soeur, évidemment "une petite bigote qui fait des mystères". Et puis Repanlin, le gardien du camping qui raconte "les anciennes histoires" de Someperce... tout en s'efforçant de faire taire son âne... (ça dérange les campeurs). L'essentiel, au fond, est ce qui se trame certains soirs d'été : une lumière à l'orée du bois, celle que surprend Maximin le contemplatif - depuis le jardin de sa logeuse, la vieille Alida Dardaille. Là où certains ont vu pour la dernière fois "le disparu"... Un suspense magnifique à propos de paroles tues et de lumières du soir. Qui oserait ça, aujourd'hui ? Dhôtel a le temps et ose. Cela fourmille d'humour et déborde de merveilles cachées. Une extraordinaire densité. Ce long entretien "en plein air" entre Maximin et Repanlin [pages 60-64 de la réédition Phébus], s'amorçant par les abeilles des ruches du vieux, avec ses bonnes ouvrières qui ont besoin de l'eau des bassins et qu'il faut laisser prendre leurs aises sur la surface - fort heureusement couverte tapis de genêts de de millepertuis - du camping municipal, et tant pis pour ces râleurs d'estivants qui se font piquer ! Ou cette séance ordinaire de la Société d'Archéologie de Someperce (tous ces intellectuels - le quincailler, le coiffeur du centre-ville, l'instituteur célibataire, le directeur de son Ecole) évincés du Conseil municipal...). On tomberait presque ici à genoux devant l'incroyable richesse de la langue dhôtelienne et l'extrême densité de l'intrigue labyrinthique (à l'instar de ces trouées hasardeuses dans cette épaisse sylve "maudite" cernant ce village si faussement apaisé qu'est Someperce). Un chef d'oeuvre, eh oui ! Plutôt, un "chef d'oeuvre inconnu" de plus... et nous repensons là aux beautés cachées d'oeuvres telles... Le Commis [1908] de Robert Walser [1908].

[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 2016]

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Il se passe toujours mille choses dans une page d'André Dhôtel !

Dans mon cheminement de la lecture de son oeuvre, je découvre (je prends conscience) d'un aspect qui m'apparaît désormais évident : l'incongruité ou l'humour ! comme un anti-romantisme exacerbé.

Deux petits exemples :

- à propos de routes : "l'embranchement se perdait dans les betteraves..."

(page 18, édition Phébus /Libretto)

- "Sans doute il leur (à Casimir et Maximin) arrivait parfois d'aller au cinéma avec des jeunes filles lorsque l'occasion se présentait. La plupart de leurs soirées et de leurs week-ends étaient le plus souvent livrés à des passe-temps difficiles à définir et peut-être inadmissibles."

(page 13, même édition)

 

[ollivier, site communautaire de lecteurs Babelio, 23 août 2019]

 


[1976]

La merveilleuse bille de verre

   

La merveilleuse bille de verre

1976, éd. Robert Laffont, coll. "Dauphin bleu", illustrations de Clara Marot, 24 pages

[CONTE]

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1977]

Un soir 

   

Un soir...

1977, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 248 pages

réédition : éd. La clé à molette (Montbéliard), collection "Hodeïdah !", 2014, 240 pages

(prix de vente public : 15 €)

[NOUVELLES]

Ce recueil réunit les nouvelles suivantes : - Un soir... (1975) - La débâcle de printemps (1955) - La maison de campagne (1964) - Conte d'hiver (1973) - Qui était monsieur Janvier ? (1968) - Trois jours de colère" (1956) - La route de Montréal (1971) - Les nuits de Malmont (1959) - Auberges (1963) - Fernand qui est mort au bord de la rivière (1957) - L'horizon (1966).

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[EXTRAITS] :

« Chacun a lu des livres, et Meuriaux était suf­fi­samment cultivé pour émettre l’hypothèse qu’il s’agissait d’une histoire d’amour. »

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« L'affaire étrange c'est que la neige, bien loin de confondre les lieux, affirme le caractère unique de chacun d'eux. Plus loin la place du village avec la poste et l'église, les bâtiments de la petite gare et la courbe de la voie ferrée entre les haies devaient plus que jamais garder en profondeur le dessin d'une irremplaçable existence. ». 

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[TEXTES CRITIQUES] :

"HORS DES SENTIERS BATTUS - UNE COMEDIE HUMAINE ou L'EBLOUISSANTE FRAÎCHEUR D'ANDRE DHÔTEL"

" [...] Un soir... il suffira de l'expression d'un visage infiniment heureux pour que Vincent n'ait de cesse de retrouver la même lumière dans les yeux de celle qu'il a croisée au hasard et à qui une parentèle empressée veut le fiancer à tout prix. Mais ce n'est pas de l'amour, sûrement autre chose dont ils ne sont pas maîtres ni l'un ni l'autre, et où ils ont su reconnaître le sens d'une vie hors des conventions ou des sentiers battus. C'est donc toujours à côté, par accident ou par effraction, à la frange ou à la doublure du train des choses le plus coutumier que surgit l'éblouissement dont l'art de Dhôtel sait si bien nous transmettre le prix.

Toutes les nouvelles rassemblées ici mettent en scène une comédie humaine que l'on retrouve dans tous les livres, petit monde villageois composé de paysans, d'artisans, de servantes, de petits professeurs. Ce n'est pas le folklore ou la typologie du roman de la province, mais l'étranger, l'énigmatique, l'irréductible différence qui travaille les corps et les esprits que les circonstances enferment, seulement en surface, dans les bornes d'une existence confinée.

Le fait divers est le foyer, le lieu commun d'une réalité insolite dont le pouvoir insidieux fait basculer, sans esprit de retour, les êtres et les choses dans un ailleurs d'où ils ne reviendront pas. "

[Alain Clerval, La Quinzaine littéraire, 1er-15 septembre 1977 - extrait d'un article reproduit dans le supplément  au n°32 du bulletin de LA ROUTE INCONNUE, Association des Amis d'André Dhôtel, septembre 2012, pages 5-6]

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" Un soir… est un recueil de nouvelles sur le thème de la rencontre amoureuse. Au point de départ de chaque texte, se croisent deux êtres banals, modestes, deux regards (« la petite énigme du regard »). En toile de fond : villages des Ardennes, petites villes provinciales, bals du samedi soir, campagne et champs de pommes de terre. Un détail déclenche une passion, si infime parfois qu’il est oublié jusqu’à ce que l’évidence surgisse. « A vrai dire, dans n’importe quelle histoire, si commune soit-elle, il y a un moment prodigieux qu’il est difficile de saisir et qui met en jeu les évènements. Le moment fut peut-être celui où Thierry aperçut par la fenêtre le ciel déchiré jusqu’à l’horizon. » 

Les personnages d’André Dhôtel se laissent mener par le hasard – on peut appeler cela destin. Ils flottent, s’égarent, reviennent sur leurs pas des années plus tard. Ils flottent mais ne doutent pas, patients et placides, cherchent sans toujours savoir quoi, se heurtent à des obstacles, se trompent d’objet, poursuivent encore, oublient une femme pendant 30 ans et la retrouvent vieillie mais la même. Et leur amour intact. Ils prennent des chemins buissonniers, sans urgence, dégagés de toute introspection comme de tout jugement. La narration, tout en détours et croisements, en errances, prend parfois, dans sa sinuosité et ses rebonds, des allures de fable. Plaisir de se perdre pour mieux se retrouver.

Quête émouvante. Parce ce que l’objet ne s’en dessine qu’une fois qu’il est atteint et qu’il n’y a pas lieu de s’étonner ou de s’émouvoir des multiples et improbables coïncidences qui mènent au but. A la lisière du fantastique parfois (maison hantée, phénomènes météorologiques surnaturels, personnages inquiétants), la narration digresse, les protagonistes dérivent, mais Dhôtel nous mène, dans une langue limpide et une construction sûre, à la révélation. Seul le lecteur s’en émerveille (le personnage qui s’en étonne, lui, est vite « remis en place » par de plus aguerris que lui), et savoure ce contraste entre un monde ordinaire – ils sont fonctionnaires, employés de bureau, elles circulent en motocyclette et servent dans des cafés – et le fantasque ou la fantaisie de la vie qui se déroule sous ses yeux. Mieux vaut laisser tomber le bon sens. Seul le cœur gouverne, envers et contre tout. Chacun sortira de la confusion par la confiance dans ses sentiments et dans la vie. En ce sens, les nouvelles qui composent Un Soir… constituent l’envers exact de la tragédie : il y a une fatalité, mais elle est nécessairement heureuse. 

"La Clé à Molette", grâce à un précieux travail de réédition de textes devenus introuvables, nous invite à redécouvrir André Dhôtel. Le plaisir de lecture est intact. Dhôtel nous peint avec tendresse et optimisme des anti-héros, un peu perdus, un peu vagabonds, un monde aussi envoutant que familier. Chez le même éditeur paraîtra en fin d’année La Route inconnue. D’autres titres devraient ensuite voir le jour en 2015. " 

[Frédérique Germanaud, site Atelier du Passage, 20 octobre 2014]

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" Comment évoquer un livre dont chaque phrase pourrait être une citation qui prendrait sens même en ayant perdu tout son contexte.
Ici la phrase de Dhôtel est magique, les personnages sont ... dhôteliens, c'est à dire, à la recherche pour les uns d'une vie rangée, pour les autres ayant la rage de vivre à même la peau, y compris malheureux. 

Après des rencontre improbables qui d'ordinaire ne se produisent que dans la réalité (les scénaristes les jugeant bien trop peu plausibles) et des péripéties où les moindres pièces du réel ont un pouvoir terrible, tous finissent par se retrouver, s'aimer d'amitié ou d'amour et, loin de tout bonheur paisible, par vivre à la recherche de ces instants secrets qui illuminent l'existence ... pour un temps.

Il y a dans les livres de Dhôtel une conception du bonheur et de l'amour tout à fait originale, à l'opposée de la satisfaction des besoins de sécurité matérielle et affective. 
Étrangement, alors qu'on dit souvent qu'il n'a écrit qu'un seul roman (son oeuvre) ce recueil de nouvelles offre une grande variété de parcours.

Mon exemplaire bien usé est souvent ouvert au hasard sur une page, et c'est toujours avec... bonheur. "

[Aunryz, site communautaire de lecteurs Babelio, 27 juin 2015]

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" J'irai crier Dhôtel sur tous les toits de la ville mais le mien d'abord pour apprivoiser ma peur du vide, 
j'en frôlerai deux miaous aux chats qui aiment à se cacher derrière des livres jaunis, 
je le hurlerai à la face du monde à commencer par mes voisins polonais qui parlent pas français, 
je le clamerai à mes CP qui commencent à peine à lire et m'écoutent à peine aussi, 
je le martèlerai à papa aussi lui qui n'a jamais ouvert un roman de sa vie, 
je le murmurerai au vent pour que les oiseaux colportent ces 11 nouvelles au ciel, 
je taguerai son nom sur la façade de toutes les auberges parce qu'il n'y en a qu'un (Dhôtel), 
je le ferai savoir oui, finie la réserve, ça vous change un homme une telle révélation littéraire, il faut le scander quand on découvre une perle injustement ignorée, qu'on a noté sur le calendrier un après. 
Ça, c'était ce que je pensais avant de l'avoir lu. À trop traîner sur internet pour se renseigner sur un auteur qu'on ne connait pas en attendant l'arrivée du livre (merci Babélio et masse critique), on peut se mettre à délirer, surtout s'il est autant adulé, l'auteur. Je me contenterai finalement d'une banale critique ici-même. En plus ça m'arrange bien, vu que les toits et moi...
le facteur a donc fini par passer, retour sur terre. Un livre de très belle facture éditoriale se retrouve dans ma boite (merci beaucoup à « La clé à molette » aussi), un ouvrage de 11 étages où j'ai donc rendez-vous avec Mr André Dhôtel et ses nouvelles. Ascenseur, siouplait (j'aime bien monter sans faire trop d'effort).
Premier étage, bien le bonjour Mr Meurtiaux le professeur de lettres, qui court après la première fois où il croisa Jeanne à Véziers, instant d'émoi à la fois surnaturel et banal. Je reste avec des habitants de Véziers au deuxième, deux cousins rivaux en héritage qui s'embarquent vers un piège, sur un cours d'eau en voie de dégel. Encore l'amour, quand au troisième temps de la valse de jeunes fiancés s'éloignent pour mieux se retrouver dans l'élément naturel. 
Au revoir les tourtereaux et au revoir l'ascenseur aussi, problème de rythme peut-être mais je sens que je suis pas prêt de croiser Mr Dhôtel si je continue comme ça. J'y vais par les escaliers, c'est sûrement par là qu'il doit passer.
Et là miracle au quatrième, ça y est je reconnais enfin sa silhouette sur le palier, l'homme dont Henri Thomas a dit qu'il fallait se méfier, « … méfiez-vous de sa redoutable simplicité ». Me suis peut-être pas assez méfié jusque là, moi. L'entrée en matière de ce « conte d'hiver » se fige dans mes rétines, implacable : « ....L'affaire étrange c'est que la neige, bien loin de confondre les lieux, affirme le caractère unique de chacun d'eux. Plus loin la place du village avec la poste et l'église, les bâtiments de la petite gare et la courbe de la voie ferrée entre les haies devaient plus que jamais garder en profondeur le dessin d'une irremplaçable existence ». Mais elle est fugace la silhouette, elle se dérobe entre Émilie et Bertrand et leur histoire de rencontre qui bégaie, pour réapparaître furtive au détour d'un couloir ou derrière une porte entrebâillée. 
J'accélère quatre à quatre la montée pour la retrouver cette silhouette, je bouscule les habitants, barrez-vous, rien à foutre de vos histoires, j'ai rendez-vous avec Mr Dhôtel moi. Me retrouve au 6ème sans l'avoir vraiment revu. Stop. Repos, j'ai le palpitant trop exalté. Il doit falloir être au calme pour rencontrer Mr Dhôtel, première règle.
Je reprends l'ascenseur et mon rythme cardiaque. Je descends, je remonte au hasard. A tous les étages ou presque, encore des affaires de coeur aux scenarii assez proches, un poil surannées. Bonjour Mme Bonjour Mr, oui je sais vous avez une histoire à partager, allez-y je suis tout ouïe. Et parfois la silhouette de Mr Dhôtel se redessine furtivement dans le décor. Mais j'ai quand même fini par le trouver au 7ème, bien installé chez les Brintart, « sur la route de Montréal ». Encore une histoire de rencontre bégayée, cette fois 20 ans après, entre Mathilde et Thierry, pourtant promis à Justine. 
Je crois deviner la teneur de tout ça, la rencontre effective avec Mr Dhôtel ne peut avoir lieu que sous certaines conditions. Au delà de son style pur, le format court de ces nouvelles aux histoires peu captivantes à mon goût n'étaient peut-être pas l'idéal pour une entrée dans son domaine. Reste à savoir quelles conditions le sont vraiment, et pour cela la découverte de quelques uns de sa centaine d'ouvrages m'y aideront peut-être un jour.
N'empêche, j'avais peut-être pas complètement tort à envisager de grimper sur tous les toits. Allez, j'irai quand même en murmurer deux mots au vent, on sait jamais trop, avec les oiseaux. "

 

 [Merik, site communautaire de lecteurs Babelio, 4 février 2018]

 


 [1978]

Bonne nuit Barbara

   

Bonne nuit Barbara 

1978, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 320 pages

[35ème ROMAN]

 Le jeune Arnaud Virier, dessinateur chez un architecte, erre dans sa propre vie comme il flâne dans Paris, sa passion. Il déteste tout ce qui lui semble aventureux ou poétique. Voilà pourquoi il ne tient pas à faire une cour assidue à Barbara, une jeune fille à qui on le présente et qui a une beauté de star. Ayant été obligé d'exercer enfin son métier en province, il se voit aux prises avec une campagne qu'il a en horreur. Dans cette campagne il retrouve Barbara, qui ne l'a pas oublié, mais est entraînée par une violente passion avec Lazare, un oncle aventurier. Pour Arnaud tout va de mal en pis. Alors qu'il songe à regagner Paris, Arnaud se prend d'amitié pour deux enfants, Thierry et sa petite voisine qui, étrangement, se nomme Barbara, comme celle qu'il devait aimer. Ces enfants l'entraînent dans les plus extraordinaires mésaventures et des intrigues peuplées d'inconnus. Jusqu'au jour où la première Barbara se révélera avec une pureté nouvelle, grâce à la foi naïve et inébranlable des enfants qui affirment désespérément leur vérité.

*

[EXTRAITS] :

« Il y avait un chat assis à l’autre bout du parapet. Un chat est capable de contempler jusqu’à l’infini un paysage à peu près inexistant… Il tourna la tête vers la chat, dont il aperçut l’éclat des yeux verts éclairés par quelque lampadaire du voisinage. Pourquoi ces yeux étaient-ils magnifiques s’ils n’apercevaient que des choses ordinaires ?... Pourquoi ce chat était-il si digne ? »

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[TEXTES CRITIQUES] :

" André Dhôtel, auteur peu connu gagne à être découvert ne serait-ce que pour sa plume poétique. Il aime la campagne et adore jouer avec les sentiments contradictoires des jeunes damoiseaux venus des grandes villes. André Dhôtel : le romancier ardennais qui écrit de la prose comme de la poésie. "

[SURCOUF, site communautaire de lecteurs Babelio, 2017]


[1978]

L'île de la Croix d'Or  L'ile-de-la-croix-d'or

L'île de la croix d'or

   

1978, éditions Gallimard, collection "1.000 soleils", jaquette illustrée par Etienne Delessert, 256 pages ;

réédition : éd. Gallimard, coll. "folio junior", illustrations d'Elisabeth Bogaert et couverture de Jacques Prunier, 1991, 240 pages

[36ème ROMAN]

Iannis est le fils d'un pêcheur de Chryssonissi, une petite île grecque proche des côtes de l'Asie. Voyant sa passion pour la lecture, son père lui donne la chance de poursuivre des études. Au lycée d'Athènes, son penchant pour le vagabondage inspire la méfiance de tous. L'une de ses camarades, nommée Photini, lui témoigne un intérêt mêlé de mépris. Un jour, elle l'accuse d'avoir volé la petite croix d'or qu'elle portait autour du cou. Incapable de prouver son innocence, Iannis s'enfuit dans l'espoir de regagner son île. Des rencontres insolites le guideront sur les routes de la Grèce comme autant de signes du destin.

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1978]

La vie passagère

   

La Vie passagère

1978, éditions Phébus, préface de Patrick Reumaux, 176 pages

[POESIE]

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1979]

Terres de mémoire

   

Terres de mémoire

1979, éditions universitaires Jean-Pierre Delarge (Paris), interviews et bibliographie par Patrick Reumaux, photographies de Gyula Zarand, 296 pages

[HISTOIRE REGIONALE]

Ouvrage formé de quatre parties : - Retour (récit) - Le terroir (témoignages) - L'eau de la mémoire (entretien avec André Dhôtel) - Bibliographie 


[1979]

  Lointaines Ardennes 2

   

Lointaines Ardennes

1979, librairie Arthaud (Paris), collection "Terre écrite", avec 12 photographies de la collection de l'auteur, 192 pages

[HISTOIRE REGIONALE]

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1980]

La Route inconnue 2 (2)La Route inconnue 

   

La Route inconnue

1980, éditions Phébus (Paris), 312 pages ;

réédition : éd. La clé à molette (Montbéliard), collection "Hodeïdah !", 352 pages, 2015

(prix de vente public : 16 €)

[37ème ROMAN]

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Avec ce roman, André Dhôtel propose un véritable space opera des champs, des hameaux et des collines, dont le véhicule « inter-espace » est la bicyclette. Sous les yeux du héros Valentin se déploie une fresque initiatique où la recherche de pistes inconnues, les poursuites nocturnes dans les châteaux vides, la chasse aux trésors cachés, constituent l’essence même d’une liberté adolescente à conquérir et à préserver.

*

[EXTRAITS] :

« — Il y a des endroits merveilleux où on crève de faim et de froid, dit Agathe. Tout est perdu, toujours, toujours, mais ce qui est magnifique c’est que je ne vais pas encore crever ni ce soir ni la semaine prochaine. »

*

[TEXTES CRITIQUES]

" Ce livre est un bain de jouvence... il n'est pas sans bavure. Mais c'est toujours la jeunesse qui sourd de cette plume octogénaire ! Comme au temps exaltant du "pays où l'on n'arrive jamais" ou des poèmes de "La vie passagère", André Dhôtel, plus lumineux que jamais toutefois, et plus simple, apprend le poids des choses infimes, le prestige de l'inutile comme jamais, peut-être, poète ne le fit, à moins d'un Jean Follain, et c'est tout dire ! Restent les coups d'oeil désabusés, en arrière-fond d'analyse, et la fêlure de quelques dialogues pêchant par excès d'angélisme. "

[extrait d'un article de J.-Fr. G, journaliste au quotidien "La Cité" (Bruxelles) daté des 4 et 5 octobre 1980, in Revue de presse du n°50 du bulletin de l'association "La Route inconnue"]

*

"A-bi-cy-clêêêê-teu..."

Ah, et un si grand MERCI à vous, cher Yves Montand/Ivo Livi ! Votre voix et l'orchestration qui la sous-tendait nous sont aujourd'hui ce doux morceau d'immortalité, sans parler des odeurs de bords de rivière ‒ comme celle de la sueur de notre chère Paulette...

André DHÔTEL restera donc ‒ selon l'heureux mot de François MAURIAC ‒ "le créateur du plus étrange des univers romanesques." Disons déjà qu'il a su ‒ au minimum ‒ "se créer un Monde à lui" (dans un style d'écriture souple et inimitable).

Nous voici donc ‒ par la voie la plus naturelle ‒ arrivés à l'abordage de La Route inconnue [1980], épais roman publié alors que l'auteur entamait sa 80ème année d'existence terrestre. Cet ouvrage fut édité initialement par Jean-Pierre SICRE, fondateur des éditions Phébus ; il vient d'être réédité ‒ sous une magnifique couverture - par Alain PONCET, fondateur des éditions La clé à molette, et célébré dans la 50ème livraison du bulletin "La Route inconnue", association des Amis d'André Dhôtel (que nous avons rejointe depuis quelques années).

Au départ, le jeune héros indécis habituel : Valentin Remirand, fils de libraire, hésitant entre enfance et âge adulte (chez Dhôtel, on ne dit pas "adolescent" mais on nous fait vivre inlassablement cette éblouissante zône de passage) ; il tombe vite amoureux d'une image entrevue : le visage mystérieux et bouleversant d'une demoiselle surprise à bicyclette.

Il la suit, son image l'obsède : ne serait-elle pas Angèle Bleuse, la voisine ? Ou la mystérieuse "soeur disparue" d'Angèle : une certaine Agathe, errant et passant d'une bande de garçons à vélo à un cercle de vielles rombières spirites, ou se réfugiant chez quelques romanichels compatissants, la prenant à l'occasion pour remplacer au pied levée leur "diseuse de bonne aventure" grippée (L'art de la Divination semblant, au fond, assez simple à pratiquer...).

Valentin "trace" à vélo, à la poursuite de son rêve... circulant bientôt sans fin sur les routes secondaires et les chemins autour de Bercourt où l'... " ‒ On s'emmerde ici, répétaient ses amis sans réussir à le convaincre. Si on allait à Mohon ou à Mézières on trouverait des filles " [Page 11 de l'édition La clé à molette].
Il s'adjoint bientôt Angèle la voisine (secrètement amoureuse de lui) et même "le grand Denis" (un de la "bande à vélos" protégeant l'aventureuse Agathe).

Le lecteur se pose très vite la question : Agathe est-elle une hypostase plotinienne d'Angèle (la jeune fille "proche et banale"), ou bien est-ce l'inverse ? Deux soeurs présumées...

La mystérieuse Agathe a comme ultime refuges, tout d'abord la maison d'une très jeune fille malade ‒ Aurore demeurant chez sa grand-mère, Mme Destreilles, est "chlorotique" à souhait"... ‒ puis le château incomplet d'un vieil enfant de nobles sans le sou, nommé Narvibard, chez qui elle va voler des roses (dans la roseraie du castel) : c'est pour les apporter en présent à Aurore. Petits vols certes moins risqués que d'avoir à plonger (mais c'est Denis qui le fera) dans les plans d'eau l'automne pour aller chercher des fleurs de nénuphar...
Valentin doit se faire une place dans l'existence mais n'y pensant pas trop... entre les services rendus entre les murs de la librairie des parents Remirand et d'autres rendus - en pointillés ‒ au restaurateur Pinque, se révélant un grand philosophe et surtout incroyablement complaisant avec son nouvel apprenti...

Donc les virées à vélo entre Bercourt, Vermont, Raunois et Charleville... La magie dhôtelienne des noms de lieux opère à nouveau. Nous nous perdrons dans ce "no-man's land" avec délices, bercés par les apparitions-disparitions de la demoiselle en bicyclette (un peu la Paulette de la belle chanson d'Yves Montand, vous l'aurez deviné !), devenant une sorte de mythe féminin local de l'errance suspecte pour la "vox populi" de l'Ardennes des plaines.

Le lecteur tiquerait bien un peu de temps à autre : par exemple, pour cette très étrange mansuétude du restaurateur pour son apprenti absentéiste ou en découvrant les discours (un rien trop énonciatifs du système de valeurs de l'auteur octogénaire contemplatif et botaniste fervent) du personnage de "Maman Béatrice", la grand-mère proche et complice du jeune Valentin... Mais rien de bien grave, au fond, puisque ce personnage bienveillant (et bien improbable) n'est pas central !
Et puis, peut-être cette soudaine effervescente d'italiques (sans la parcimonie de la pertinence de leur usage "gracquien") pour surligner encore les mystères d'Agathe... Mais le pire est à venir : le catastrophique Chapitre X [pages 165 à 183 de l'édition récente], venant juste après les quelques inquiétantes invraisemblances du chapitre précédent.

Le personnage d'Agathe nous y est présenté en TRES GROS PLAN et en discours direct : l'effet produit est soudain consternant. Car les dialogues sonnent immédiatement, irrémédiablement FAUX.
D'où ce personnage ‒ central, lui ‒ de cette jeune fugueuse (la belle Agathe) sonnant entièrement faux ‒ ou creux, car psychologiquement trop peu vraisemblable ‒ ou dissonant. Un personnage tragiquement puéril et donc très peu digne de crédit. Ses mobiles flous et pour tout dire, si peu dignes d'intérêt...
Manque d'exigence dans la construction du personnage censé être "central".

Agathe (au prénom de "bille de verre") reste donc ce personnage insignifiant, improbable, incertain, inconsistant... se jugeant elle-même, parlant de ses propres "sottises", énonçant "crever" plutôt que "mourir", semblant vouloir dissimuler son échec à "exister" dans la vulgarité proliférante de son langage pauvre et banal "à crever"... On l'entend même commenter pour nous (comme "en direct") les mystères et incertitudes de sa propre psychologie... [Aheum !] Un peu l'impression de surprendre ‒ au coeur d'un roman du grand DHÔTEL ! ‒ les tristes piapiatages des indigentes héroïnes des romans narcissiques d'Amélie Nothomb...

Sans parler d'un certain abus de situations répétitives, d'une impression de remplissage et de bâclage, de redites de dialogues... jusqu'au galvaudage de certains des purs procédés dhôtéliens du style "Ceci, oui, mais aussi son contraire" ‒ puisqu'à la fin, bien sûr : "On ne sait pas"...
Beaux mystères soudain disparus...
Un personnage raté au statut de personnage central, aïe donc !

Ici soudain tout se dessèche par la faute de ce personnage raté (Agathe aurait dû rester muette !), le récit se squelettise et parfois se répète dans les suites de cette prise de parole d'un personnage navrant, engendrant des réparties consternantes...
Dhôtel semble ne s'être aperçu de rien...

Rien de la subtilité poétique animant la dichotomie des "soeurs jumelles" Achyro ‒ la disparue de Samos ‒ et la blonde Hélène, future femme du jeune maraîcher du merveilleux roman Ma chère âme [1962] ...
Rien non plus de la grâce des deux "soeurs-fées" que resteront à jamais Viviane et Rosalie Aumousse, traquées par le pharmacien alcoolique dans ce nouveau chef d'oeuvre de 1972 : L'honorable Monsieur Jacques [1972] ‒ avec ses odeurs encore fraîches de pierre-à-foudre.
Nous sortions galvanisés de la lecture de Les Disparus [1976], publié par l'auteur encore juvénile dans sa 76ème année : un chef d'oeuvre de finesse, d'humour, de grâce, de poésie, d'humbles mystères, de concision aussi... et dont l'auteur était si fier, à si justes raisons !

La Route inconnue restera ‒ pour nous, seulement pour nous ‒ une oeuvre bien trop "amateure" et véritablement mineure ; tel un dirigeable prometteur gisant à terre, et palpitant encore (tel un grand cormoran blessé) jusqu'à la fin de son chapitre XIX final...

Assumons et prenons le risque de l'erreur judiciaire et de l'injustice faite envers ce roman... mais avis aux amateurs d'aller "y" vérifier !

[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 2019]

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En prime, cet 


[1981]

Des trottoirs et des fleurs  Des trottoirs et des fleurs

   

Des trottoirs et des fleurs

1981, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 278 pages

réédition : Gallimard, collection "folio", 2004, 336 pages

[38ème ROMAN]  

Quand Léopold, jeune photographe et peintre qui dessine des fleurs sur les trottoirs et les murs de la ville, rencontre Cyrille, joueur de poker peut-être doué pour la littérature, une sorte de miracle se produit entre eux, modeste mais lumineux : une amitié qui les situe aussitôt dans le droit-fil des rêveurs impénitents. Rien ne parviendra à infléchir la volonté non violente de ces deux êtres singuliers, sauvagement et tendrement décidés à refuser toute carrière. Léopold et Cyrille braveront follement la fausse gloire et les ambitions de femmes plus ou moins égarées par les jeux d'une société mensongère; ils esquiveront bien des obligations pour se livrer paresseusement à l'admiration du monde naturel et des grands peintres. Un roman tendre et plein d'humour.

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


 [1982]

Je ne suis pas d'ici

   

Je ne suis pas d'ici

1982, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 280 pages

[39ème ROMAN]

Le narrateur a connu Damien et Norbert au collège à Cherbourg. Damien surtout est un garçon attachant. Épris d'art grec, un jour, il chevauche nu un poulain, en souvenir des frises du Parthénon. Il rencontre alors, fugitivement, une jeune baigneuse, nue elle aussi. Devenus adultes, les trois garçons se retrouvent dans leurs pays, les Ardennes. Le père de Damien s'est endetté auprès du père de Norbert, et, pour arranger les choses, on projette de marier Damien à la soeur de Norbert. Ainsi commence un chassé-croisé d'intérêts, d'amours, de combinaisons, de mensonges, d'indiscrétions calculées, de violence aussi. Le narrateur essaie de préserver l'amitié née à Cherbourg, mais il a du mal à comprendre les mobiles porfonds de chacun. Après un scandale, les fiançailles de Damien sont rompues. Le jeune homme retrouve d'ailleurs son irréelle baigneuse de Cherbourg. Des années plus tard, le narrateur rencontrera, au bord de la mer, le ménage Damien, mais ne se fera pas reconnaître. Les trois pôles du livre sont la mer du Cotentin, les dieux de Grèce et les friches des Ardennes. Les caractères des personnages tiennent si près à la nature que l'on est entraîné, pour les comprendre, à observer les intempéries, les fleurs, les paysages tels que l'art de Dhôtel les recrée.

*

[EXTRAITS] :

– Damien ? Pélagie ? murmurait Norbert. Peut-être dans les environs de Cherbourg. Je croirais volontiers qu’ils se sont fixés là-bas.
J’ai employé une semaine de vacances à les chercher dans les villages et bourgs du Cotentin. Un soir je les ai vus qui se promenaient la main dans la main sur une crête couverte d’ajoncs.
Leurs visages avaient toujours l’éclat de la jeunesse. Ils ne m’ont pas reconnu sans dote (j’avais laissé poussé ma barbe), et j’ai renoncé à me présenter. Pélagie portait un rand châle sur les épaules et Damien arborait une belle cravate. Tout de même ils m’ont regardé longuement et je leur ai demandé le chemin pour me rendre à Jobourg.
– Je ne peux pas vous renseigner, m’a dit Damien. Je ne suis pas d’ici.
Très loin on entendait le murmure des brisants au bas d’une falaise.

[André DHÔTEL, Je ne suis pas d’ici, 1982, page 277]

*

[TEXTES CRITIQUES] :

Je ne suis pas d'ici est une pièce unique et maîtresse dans l'oeuvre romanesque d'André DHÔTEL (1900-1991).

Oeuvre surprenante et tardive, s'il en est (roman publié en 1982), qui nous laisse une impression d'extrême jeunesse, d'extrême maîtrise, d'étranges flux de lumières qui la balayent sans cesse (passant de l'éclat d'une lande ardennaise à l'écume des rivages du Cotentin, comme à l'éblouissement des cieux par-dessus le fronton des temples grecs). La même empreinte claire que nous laissa Les Disparus [1976] : une même impression d'extrême richesse, de belle clairvoyance (« Comprendre, ne pas juger »), d'espaces resserrés soudain infinis, d'humour tendre et de perfections inattendues – qui nous fait bien vite oublier La Route inconnue [1980], pour nous bien affligeant et plutôt surprenant "extrême-ratage", pétri de ses mille puérilités, qu'il laissa publier deux années auparavant…

Je suis pas d'ici (qu'on pourrait tout autant titrer « Je suis d'ici comme de partout ») est une oeuvre complexe et mature, profondément habitée et incroyablement précise (jusque dans son état des lieux si exact des psychologies, rivalités et petits calculs villageois de toujours…), nimbée d'une poétique tout en retenue (Sons et silences de cette incroyable scène de lande nocturne – au chapitre X – qui font sitôt repenser au climat merveilleux de la "nouvelle de jeunesse" de C. F. RAMUZ [1905] : Sous la Lune).

Est-ce là, au fond, la clé de voûte de toute l'oeuvre dhôtelienne ? N'ayant pu encore découvrir ni Histoire d'un fonctionnaire [1984], ni ses Vaux étranges [1986] ni son testamentaire Lorsque tu reviendras [1986], on serait tenté de le croire…

Le hameau de Morsart, donc, tout près du gros bourg de Bermont (Terre de commérages et bienséances qu'on retrouva avec plaisir, entre autres, dans Lumineux rentre chez lui [1967]).

Damien et Norbert, amis d'enfance et faux-frères, tout à tour amis et ennemis, Remus et Romulus, Abel et Caïn (et l'on repense à la rivalité des deux frères d' « A l'Est d'Eden » de John STEINBECK)… Mais aussi Alix, soeur de Norbert, arriviste déjà « bourgeoise », calculatrice et « normalement matérialiste », fille de « gros paysans » dominatrice et pourtant très sensible… Mais surtout les deux sauvageonnes (et orphelines) Lola et Pélagie ("Mlles Vaudant"), élevées par leur grand-père Gildas vivant, lui, de peu et de ses ruches… Enfin, « Olga la folle » (anciennement bonne chez les Deplaine) et son fils « bâtard » Georges…

S'affrontent – comme lors de siècles passés de sourdes rivalités – « la tribu Guillaume » (celle du pauvre éleveur de moutons, perdreaux et lapins angoras : Guillaume Sorday, s'étant marié à l'également modeste Roselyne) et « la tribu Deplaine » (celle du naguère « riche agriculteur intensif » à blé, maïs, engrais et pesticides)…

Manigancent là-derrière les voisins convoiteurs, Berclat Firmin et père (« le fermier du village »), qui ont des vues sur les terres en friche de Guillaume et sur la fille Deplaine…

Et il y a des cousinages.
La ruralité et ses histoires, voyez…

Vraiment hors-jeu, ces jeunes qui jouent de la guitare devant la masure abandonnée de la butte ? …

Ailleurs, près de Cherbourg, le vieux prof' Vatout (professeur de grec classique maintenant retraité) traînant son ennui distingué…

En toile de fond perpétuelle : la butte, sa mare (où les filles se baignent malgré la vase), les ajoncs, les orchidées, le vieux verger…

Et puis, et puis… cette « jeune fille de l'eau » qui jadis se baignait nue, partie à la rencontre des flots glacés sur une plage déserte près de Jobourg (Cotentin), et dont on recherchera la moulure des pas dans le sable mouillé, pour la reconnaître plus tard (qui sait ?)… Sa barrette dorée perdue, pieusement conservée par l'adolescent de quinze ans, celui qui chevauchait le cheval égaré sur le rivage…

Ce fil de trame peu à peu tissé entre les multiples personnages, à la fois incroyablement ténu, solide et serré, d'une prodigieuse élasticité… Aucun personnage laissé au hasard ou à l'indifférenciation…

Et ce narrateur dont nous ne connaîtrons que le statut d'enseignant (au lycée de Bermont) : « prof » comme l'est Vatout, mais se révélant aussi seul véritable ami de Damien lorsque celui-ci sera placé dans la tourmente – en suivant bien sûr ses meilleurs instincts et seules intuitions…

Dhôtel se cacherait-il derrière ce narrateur ou derrière le masque du vieux Vatout, ou celle du vieux sage Gildas, veillant sur se abeilles et gendarmant si peu ses deux petites-filles sauvages (qui partent un jour vers la Grèce dans une guimbarde pourrie) ? Un peu des trois, sans doute…

"Morsart" (L'Art mort, vraiment ?) et sa lande aux enchantements ("Las Encantadas") : son étrange familiarité avec La Saumaie où erre ce raté, déclassé et alcoolique de Monsieur Jacques (sorte de Damien devenu adulte ?) dans L'honorable Monsieur Jacques [1972] aux deux soeurs-fées jumelles (Viviane et Rosalie Aumousse), dix années auparavant.

Comme l'air circule fort, ici : on se croirait vraiment tout près d'un col en haute-montagne ! [Signalons que ce livre fut lu et notre article composé en ce merveilleux village de Llo, Cerdagne].

Et ne sommes-nous pas à la fois chez Balzac et Pagnol, chez Ramuz et Laxness ?
Livre-tableau des transformations de notre monde, précurseur (1982 !!!) et d'une actualité inouïe.
Roman adolescent ou "oeuvre de jeunesse" qu'on publie à ses 82 ans sonnants…
Un jour viendra... où la jeune Greta Thunberg le découvrira (traduit en suédois), soyons-en certains...

Richesse de la langue, au vocabulaire et à l'inventivité infinis.
Personnages entrelacés laissant une trace si profonde en nous.
Enfin, cette véracité de tout...

Puis ces deux dernières pages, poignantes : bien des années après, le narrateur reviendra sur les lieux du souvenir, « à la recherche du temps perdu ». Sous les assauts du modernisme agraire, la lande a disparu, « Les Guillaume et Gildas disparus », les commerces fermés…

Sacrée nostalgie s'emparant du lecteur lorsque les protagonistes et les lieux qu'ils ont habité (ou rêvé ?) disparaissent, en ces dernières pages…

« The Past is a foreign country. » (Leslie-Poles HARTLEY, The Go-Between).

[Dourvac'h, site communautaire de lecteurs Babelio, 15 février 2020] 

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[1982]

La princesse et la lune rouge

   

La princesse et la lune rouge

1982, éditions Casterman (Tournai, Belgique), illustrations de Patrice Baffou, 48 pages ;

réimpression : 1996

[CONTE]

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


 [1982]

Comment Fabien regarda l'aurore

   

Comment Fabien regarda l'aurore 

1982, éditions Clancier-Guénaud (Paris), collection "Les Premiers temps", illustré par Jacques Damville, 24 pages

[CONTE]

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1983]

Le bois enchanté et autres contes

   

Le bois enchanté et autres contes

1983, éd. librairie Hachette (Paris), collection "Echos plume", illustrations de Catherine Loeb, 128 pages

[CONTES]

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 Comme Merlin, l'enchanteur André Dhôtel possède une forêt et donc des étangs, des rivières, des arbres, des oiseaux et aussi toutes les fleurs qui vivent. Tous les enfants s'échappent des villages voisins pour venir jouer dans le sous-bois. Il a même un droit de regard sur leurs sentiments. Dans les bois enchantés des Ardennes l'amour naît comme la violette ou le nymphéa. Le recueil comprend les sept contes suivants : - Le bois enchanté - Comment on cultive les parapluies - Les papillons mystérieux - Un beau matin - La fée aux grenouilles - La balle d'argent - Le chemin du paradis.

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1983]

Rhétorique fabuleuse 

   

Rhétorique fabuleuse 

1983, éditions Garnier Frères (Paris), collection "lieux dits", 1983, 144 pages ;

réédition : éd. Le temps qu'il fait (Cognac), 1990, 152 pages

Stanislas Peucédan est un philosophe aussi imaginaire que peu préoccupé de produire un système. L'auteur s'entretient avec lui de l'existence surnaturelle des fleurs. De cette discussion se dégage une méthode, hasardeuse, sensiblement « familière et déroutante », pour penser et sentir « le monde entrevu où déjà marchent les pèlerins tout au long d'une inlassable nostalgie. » Cet ouvrage réunit les trois textes suivants : - Le grand rêve des floraisons - Le vrai mystère des champignons - Rimbaldiana.

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[EXTRAITS]

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[TEXTES CRITIQUES]


[1984]

La nouvelle chronique fabuleuse

   

La nouvelle chronique fabuleuse

1984, éditions Pierre Horay (Paris), 120 pages

[NOUVELLES]

 Ce recueil réunit les onze nouvelles suivantes : - Mon cher Martinien (1976) - Autrefois et toujours (1977) - Martinien, tu ne m'écoutes pas (1976) - Le train de l'aurore (1964) - Paroles perdues (1970) - L'aigle de la ville (1961) - L'oiseau d'or (1967) - La folle oseraie (1982) - Histoire printanière (1963) - La longue  histoire" (1961) - L'enfant inconnu (1952)

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1984]

L'école buissonnière

   

L'école buissonnière 

1984, éditions Pierre Horay (Paris), entretiens avec Jérôme Garcin, 120 pages

[ENTRETIENS]

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1984]

Histoire d'un fonctionnaire

   

Histoire d'un fonctionnaire

1984, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 396 pages

[40ème ROMAN]

Peut-on imaginer que Florent le distrait, le timide, qui a choisi d'être professeur adjoint dans une petite ville de province pour simplifier des intérêts de famille, cache un caractère audacieux? C'est pourtant le cas. Le voici engagé malgré lui dans d'incroyables aventures en compagnie d'un ami dont la vie est étroite comme la sienne et avec qui il rêve et recherche un personnage douteux, mi-poète mi-escroc, qu'il nomme «l'oncle Anselme», lui-même préoccupé de récupérer d'inestimables estampes d'Extrême-Orient, qui ont été volées à sa famille. C'est une folle chasse au trésor. On bat doublement la campagne : à travers des livres de géographie et d'étranges paysages chinois. Elles seront finalement retrouvées, ces estampes qui devraient sauver l'oncle Anselme de la faillite. Mais on découvre tout au long de ce roman d'aventures que le trésor lui-même compte peu pour qui se laisse prendre à l'ardeur d'un pèlerinage et au mouvement fantastique de la recherche. Cette recherche permettra au jeune Florent de découvrir, parmi d'autres idylles, l'amour d'une jeune fille douée de l'intelligence d'un nouvel espace, mais aussi, avec Anselme, certaines fleurs extraordinaires qui témoignent d'un autre monde ignoré de tous, et particulièrement des fonctionnaires, à qui on veut refuser la moindre approche de l'au-delà.

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :

Voici un livre qu’on pourrait résumer comme un énorme pied de nez au fusil de Tchekhov ! Dans chacun des romans d’André Dhôtel, on sent qu’il n’apprécie pas trop ce principe selon lequel chaque détail décrit doit être au service de l’histoire, mais dans tous ceux que j’avais lu il finissait par s’y conformer – en rechignant. Là, toute l’histoire semble avoir été écrite pour le prendre à contre-pied. 

Des détails infimes font l’objet de descriptions minutieuses. Des personnages qu’on pouvait croire important disparaissent soudain ; d’autres totalement secondaires reparaissent de manière totalement inattendue. Les évènements se suivent de manière à première vue dénuée de sens. 

C’est que l’histoire correspond à son personnage principal – car Florent Dormel n’est ni un héros ni un antihéros. C’est un être parfaitement anonyme et banal. De faible constitution, l’esprit embrouillé, capable de traits de génies comme des pires imbécilités, il se juge trop insignifiant pour trouver son bonheur ailleurs que dans de minuscules évènements. Un nuage de forme curieuse. Une fleur à la couleur éclatante. Des herbes sauvages.

Il lui prend une incompréhensible allégresse quand on le rabroue ou qu’on l’agonie d’injures. Il semble monter chaque projet avec la ferme intention de le faire capoter. De temps en temps, il engendre une sympathie aussi inexplicable pour lui que pour son interlocuteur.

Et que lui arrive-t-il ? Des gens à l’esprit déterminé cherchent une mystérieuse collection de peintures chinoises, égarée avec un joyau qui aurait des propriétés magique. Georges, son seul ami, compte bien tirer partie de cette situation – ce dont Florent est bien incapable.

A lire si on aime se sentir un peu déboussolé dans un récit, ou si l’on fait partie de ses gens qui s’arrêtent tout d’un coup pour fixer leur attention sur un petit rien. Sinon, mieux vaut sans doute passer votre chemin.

[PhilippeCastellain, site communautaire de lecteurs Babelio, 30 janvier 2018]


[1986]

 Vaux étranges 

   

Vaux étranges

1986, éditions Gallimard (Paris), collection "Blanche", 276 pages

[41ème ROMAN]

Dans un bourg des Ardennes situé entre deux pentes rocheuses, le maire et le restaurateur ont idée, pour attirer des touristes, d'utiliser les rumeurs populaires. Celles-ci prennent certains rochers pour un ancien château dont le seigneur, jadis, faisait rouler des blocs sur les maisons des villageois qui lui refusaient l'impôt. On dit même que le fantôme de ce comte est parfois aperçu dans les roches sauvages. Le maire, pour faire accepter aux opposants les frais d'installation touristique, fait élire sur sa liste un certain Désiré, fils d'ouvrier. Ce Désiré n'avait rien pu apprendre à l'école mais il s'enchantait des mots savants du dictionnaire et les employait sans aucun à-propos. Embauché comme balayeur au journal de Charleville, il était devenu correcteur quand on s'était aperçu de sa science des mots, mais il continuait d'habiter son bourg et d'aimer errer parmi les roches sauvages, comme d'ailleurs Lydie la servante de l'auberge, une orpheline peu expansive. Désiré, élu au conseil, n'entraîne pas la population : au contraire, il éveille la jalousie. De plus, le maire a beau faire apparaître, le soir, une fille dans les rochers, Désiré affirme qu'il n'y a pas de fantômes. Déçu, le maire le chasse du conseil. Désiré, au journal, laisse passer un gros «doublon» et risque sa place. À l'auberge du bourg, on ne veut plus le loger. À la rivière, on le jette dans la boue, ce prétentieux, maintenant qu'il est déconfit. Alors, il se met à rêver de Lydie qui le méprisait et qui s'est enfuie de l'auberge. Mais, au moins, elle se taisait et son existence n'en était que plus forte, tandis que les gens qui parlent, riches ou pauvres, instituteur, curé et maire inclus, semblent vivre des mensonges dont ils l'accablent. Que va-t-il advenir de Désiré et de Lydie? André Dhôtel a l'art de nous intriguer dès le début, et il ne nous lâche plus. Avec ironie, il résume dans ce village toute la société. À travers les palinodies humaines et l'insignifiance des jours, il met l'accent sur la vraie lumière de l'âme et de l'amour.

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[EXTRAITS] :

" Si vous voulez, en plein jour cela devient comme la nuit mais sans étoiles. "


[Vaux étranges, 1986 - Gallimard,  page 170]

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1986]

Lorsque tu reviendras

   

Lorsque tu reviendras 

1986, éditions Phébus (Paris), collection "Domaine romanesque", 192 pages

[42ème ROMAN]

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[EXTRAITS] :

 

« La beauté n'est-ce pas justement ce qui s'éveille et disparaît au même instant si bien qu'on ne saurait appréhender qu'une réalité trop éblouissante pour se maintenir dans la vision. Une beauté idéale en somme et dépourvue de toute attache ? »

« Qu'est-ce qui peut passer et qui n'existe pas ? Le malheur, c'est qu'on trouve une réponse à une telle question, car on en revient toujours à la beauté impalpable dépourvue d'origine ou de raison, c'est-à-dire une idée pure qui s'impose sans la moindre hallucination »

« Qui a jamais vu la beauté dégagée de toute attache sensible, telle qu'elle devrait être ? Pour les philosophes cette conception inexplicable est une aubaine. Mais pour les autres, il s'agit d'un simple mensonge. »

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1990]

Retour

   

Retour

1990, éditions Le temps qu'il fait (Cognac), reprise du texte publié dans le recueil "Terres de Mémoire" en 1979, 104 pages

|RECIT]

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[1996]

Du Pirée à Rhodes

   

Du Pirée à Rhodes, suivi de Printemps grec

1996éditions Séquences (Rezé-les-Nantes) : contient les textes Du Pirée à Rhodes (1928) et Printemps grec (1955),

préface de Jean Grosjean, 64 pages (prix de vente public : 8,50 €)

[RECITS DE VOYAGE]

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] : 


[2000]

Poèmes comme ça

   


PRAIRIE (I)

C'était la vie, ce sera la vie
une herbe étoilée
un regard rapide
un amour sans fin.

Nous redirons la parole
du pré mort et muet
parti pour l'au-delà
sans doute monté au ciel.

Sa terre ne fut jamais
au niveau de la terre
la lumière l'avait suspendu
plus haut que tout regard.

Et pourtant visible à l'excès
en son élan immobile 
ce fut le songe d'un milan
qui laissa défiler sous lui
l'ombre très magnifique
de notre géographie.

[Poèmes comme ça, page 130 - extrait choisi par coco4649, site communautaire de lecteurs Babelio]

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[TEXTES CRITIQUES] :


 [2003]

Un adieu mille adieux

   

Un adieu, mille adieux

2003, éditions Gallimard (Paris), collection "La bibliothèque Gallimard", 240 pages

[NOUVELLES]

Vous voici en pays de féerie. Mais, ici, pas de farfadets ni de lutins, juste l'amour. On le croise partout : derrière un arbre touffu, sur le lit d'un ruisseau, au beau milieu d'une route enneigée. La campagne ardennaise sert de décor à l'éclosion de rencontres inopinées, éphémères, hors du temps, où l'on ne revendique qu'un chose : "une folle exigence de vérité". Peu importe qu'ensuite les gens s'en aillent ou se quittent. En s'éveillant au bonheur, c'est la vie qu'ils ont découverte ! Assister à cette naissance est un miracle à ne surtout pas manquer.

Ce recueil réunit les six nouvelles suivantes : - Un adieu, mille adieux (1960) - L'arc-en-ciel (1958) - Nausicaa (1970) - La route (1985) - La grande allée (1984) - On raconte... (1983) 

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[2004]

Quand je te reverrai

   

Quand je te reverrai

2004, éditions Phébus (Paris), collection "D'aujourd'hui", 240 pages

[NOUVELLES]

Seize nouvelles jamais réunies en recueil à ce jour, dispersées dans diverses revues entre 1942 et 1973, qui ont l'air de raconter seize fois la même histoire, et qui se donnent seize façons de nous égarer, de nous désespérer - pour mieux nous émerveiller. La même histoire ? Un garçon rencontre une fille et la perd. Pourquoi sinsurger - puisque le monde en son entier semble conspirer à le persuader que cette fille-là n'est pas pour lui. Mais qui saura jamais dire ce qui est pour nous, parmi l'énigmatique banalité de ce qui advient sous le ciel ? Reste presque toujours au héros de l'affaire - en général un anti-héros de la bonne espèce - la simple promesse d'un regard, d'une chanson envolée, d'un silence bizarrement partagé, qui témoigne en secret que la vraie vie est autre : à la fois absente de partout et violemment présente en sa feinte invisibilité (dans les Ardennes, la famille de Dhôtel cousinait vaguement avec celle de Rimbaud). Peu importe dès lors l'issue bonne ou mauvaise de l'aventure. Peu importe même si celui ou celle que l'on s'est promis de revoir un jour revient trop tard ou ne revient pas du tout. L'essentiel, sans doute, est d'avoir aperçu, même le temps d'une seconde, la fêlure ouverte dans le mur obtus de ce que les gens sérieux appellent le réel, par quoi se fait brusquement jour une lumière incompréhensible, plus vraie que toute réalité prétendue, et si merveilleusement inutile qu'on est tenté de lui donner le beau nom, si inutile lui aussi, de vérité. Seize histoires qui n'ont l'air de rien, mais où il n'est pas interdit de s'attendre à tout.

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[EXTRAITS] :

" Ils décidèrent quand même de rentrer au village. Mais chaque fois que les regards se rencontraient il fallait s'arrêter et se regarder jusqu'à ce que les yeux soient tout à fait noyés par une lumière qui n'était pas de ce monde. "

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[TEXTES CRITIQUES] :


[2007]

Le club des cancres 

   

Le club des cancres

2007, éditions La Table Ronde (Paris), postface de Jean-Claude Pirotte, 112 pages

[RECITS]

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[2007]

cahier_5 

Le Théâtre de Dhôtel

2007, Cahiers André Dhôtel" n°5, année 2007, publié par "La Route Inconnue", Association des Amis d'André Dhôtel (Paris) avec le soutien du Centre national du Livre ; avant-propos de Franz Bartelt, introduction de Roland Frankart, 255 pages (prix de vente public = 15 €)

[THEÂTRE]

Ce recueil contient les 4 pièces suivantes : Le Pays des cerisiers (1ère publication : 1947) - Il fera beau demain (1949) - Le Gangster (écrite en 1956) - Vivants (écrite en 1973 ; 1ère publication en 1987) 

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[2011]

cahier 8

André Dhôtel : Théâtre radiophonique

2011, Cahiers André Dhôtel" n°8, année 2011, publié par "La Route Inconnue", Association des Amis d'André Dhôtel (Paris) avec le soutien du Centre national du Livre ; introduction de Jacques Baudou, illustrations de Chloé Saelens, Laurent Notte, Michèle Gillet et Christian Dekoster, 255 pages (prix de vente public = 15 €)

[THEÂTRE RADIOPHONIQUE]

Ce recueil contient les 4 pièces suivantes : L'Homme de la scierie - La fille sauvage ou les réalités de la vie - L'Inconnu - L'île aux oiseaux de fer. 

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


[2012]

D'un monde inconnu

   

D’un monde inconnu

2012, éd. Fata Morgana, nombreuses illustrations de Daniel Nadaud, 480 ex. titrés sur vélin, 112 pages (prix de vente public : 17 €)

[NOUVELLES]

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[EXTRAITS] :

« Tout ce qui est dehors demeure vraiment nouveau. Les violettes avancent dans les prés à mesure que les inondations se retirent. On ne voit jamais deux fois la même guêpe. Les couples de hérons s'en vont de gué en gué. Tu ne peux pas te vanter de connaître tel ou tel corbeau. Des volées chaque jour inconnues s'élèvent dans le ciel où la lune s'éloigne. Elles parlent avec le vent qui change de voix et le vent couche le thym contre la terre que le givre durcissait deux mois plus tôt. »

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[TEXTES CRITIQUES] :


[2014]

Les temps perdus

 Les temps perdus

2014, Editions Fata Morgana, avec des illustrations de Daniel Nadeau, 144 pagestirage de 1000 exemplaires sur vélin ivoire (prix de vente public : 22 €), tirage de 20 exemplaires sur papier vergé des Ardennes (prix de vente public : 60 €) 

[NOUVELLES]

Phillipe Jaccottet accorde une double parenté à André Dhôtel : « Tantôt il a quelque chose du peintre chinois de jadis, tout occupé à demeurer immobile pour saisir, au bout de longues années d'humble contemplation, la vérité d'une montagne, d'une brume, d'un roseau ; tantôt il me fait penser au contraire à certains romantiques allemands, toujours en mouvement à la recherche d'une lumière fuyante, amis de ce qui bouge, des rivières, des chemins.» Deux perspectives qui convergent cependant vers le même point de fuite : un merveilleux très quotidien et un goût des choses de la terre, que l'on retrouvera dans L'épouvantail, Un soir d'été, L'homme qui n'avait pas d'histoire, D'un monde inconnu, et les autres nouvelles qui composent ce volume. 

André Dhôtel gardera toujours de son enfance dans les Ardennes un souvenir propre à faire d’elles la source de toute poésie. En 1943, Le village pathétique est accepté par Gallimard grâce à l’appui de Jean Paulhan. En 1948 paraît David aux éditions de Minuit. Sa production littéraire prend alors son véritable départ et en 1955, Le pays où l’on arrive jamais lui attire un immense public et le prix Femina. Dhôtel ne cherche rien d’autre comme but à son œuvre que de transmettre le sens de l’énigme et d’un merveilleux librement accepté que l’on retrouve dans les nouvelles qui composent ce volume.

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[EXTRAITS] :

" Il devait pourtant admettre qu’il se trouvait véritablement à Ormais, debout devant l’église. Tous les détails étaient trop précis pour qu’il pût croire qu’il dormait. Il sortit sa montre de son gousset. Elle marquait une heure. De toute façon, il y avait eu un étrange retour des temps. Il regarda encore vers le village. "

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[TEXTES CRITIQUES] :


 [2015]

1871-001-151015123026

La littérature et le hasard

2015, Editions Fata Morgana, texte établi et présenté par Philippe Blondeau,

préface de Christian Bobin, 199 pages (prix de vente public : 23 €)

[ESSAI]

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[EXTRAITS] :

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[TEXTES CRITIQUES] :


 

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